Libye, Palestine, Sahel, Europe, énergie : l’Algérie reprend les choses en main
Par Abdelkader S. – L’Algérie est définitivement sortie de l’apathie diplomatique dans laquelle l’avait mise le défunt président Abdelaziz Bouteflika, qui avait monopolisé la politique étrangère du pays, gênant, voire parfois entravant carrément l’action du ministère des Affaires étrangères. Ce passage à vide avait permis à des pays hostiles de porter des coups contre notre pays et de fragiliser les causes palestinienne et sahraouie au profit des puissances occupantes israélienne et marocaine. La normalisation des relations entre Rabat et Tel-Aviv est une des preuves de ce réveil salutaire de la diplomatie algérienne qui fait désormais peur à l’Axe du mal.
A Alger, le défilé des responsables politiques est incessant. Hier, ce sont les quinze factions palestiniennes qui se sont réunies au Club des Pins pour signer une Déclaration ressoudant les rangs palestiniens dont les efforts sont éparpillés depuis quinze ans, une aubaine pour Israël qui s’est, depuis, élargi en multipliant les colonies, en chassant les Palestiniens de leurs biens, en commettant des crimes de guerre jamais punis et en attirant dans sa toile des pays arabes auxquels il a fait comprendre que le danger qui les guette ne vient pas de l’Etat hébreu mais de l’Iran. Tous les représentants palestiniens ont salué l’initiative de l’Algérie qu’aucun autre pays n’aurait pu prendre dans le contexte géopolitique actuel. La cause palestinienne a été lâchée par la majorité des Etats arabes qui gavent les Palestiniens de slogans creux ou les arrosent en dollars, tout en concluant des contrats militaires avec l’ennemi.
Le dossier libyen, qui fait du surplace depuis que le nombre de pays qui se sont ingérés sans trouver de solution, est en train d’être repris en main par l’Algérie qui œuvre à faire aboutir les belligérants libyens à un accord minimum pour tenir, enfin, des élections présidentielle et législatives devenues une sorte d’arlésienne, tout le monde, aussi bien les Libyens eux-mêmes que les Etats qui s’y affrontent par procuration, affirmant vouloir voir ces dernières se tenir dans les plus brefs délais. La visite du président du Conseil présidentiel libyen, Mohamed Yunus El-Manfi, à Alger est la première d’une série de consultations que l’Algérie semble vouloir lancer pour essayer de convaincre les différentes parties au conflit que le salut de la Libye est entre les mains des Libyens, et uniquement des Libyens. Car plus le temps passe, plus la situation s’envenimera jusqu’à déboucher sur un morcellement de ce pays où l’étincelle mal éteinte de la guerre, qui y fait rage depuis que Bernard-Henri Lévy en a décidé ainsi, peut être ravivée par les puissances étrangères, nombreuses à vouloir accaparer les richesses souterraines libyennes dans ces moments de grande crise énergétique mondiale.
Au Sahel, l’Algérie a bien fait comprendre au président français, Emmanuel Macron, et à sa Première ministre, Elisabeth Borne, lors de leur visite d’Etat qu’il n’est plus question d’accepter la présence militaire française dans la région et qu’il est grand temps d’y mettre fin aux coups d’Etat fomentés à partir de Paris. Si rien n’a filtré des discussions que les deux hauts responsables français ont eues avec leurs homologues algériens, le ministre des Affaires étrangères y a clairement fait référence dans son entretien au journal français L’Opinion.
Ramtane Lamamra a, en effet, expliqué que c’est par le développement économique que les pays du Sahel réussiront à vaincre et la misère et le terrorisme. La France, autrement dit, par sa politique militariste obsolète, fait faire à la région le chemin inverse, en y accentuant la violence et en empêchant tout espoir de voir s’améliorer les conditions de vie des populations subsahariennes, ce qui encourage l’émigration clandestine qui impacte directement l’Algérie.
L’Union européenne, qui a cru pouvoir contrer l’opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine, découvre, à son grand désarroi, qu’elle a longtemps cru à une puissance militaire qu’elle n’a jamais eue en réalité. Le ministre français de l’Economie s’est, en tout cas, bercé de cette illusion. Bruno Le Maire est allé jusqu’à promettre de mettre l’économie russe à genoux.
Plusieurs mois après le début de la guerre en Ukraine, c’est la France, et avec elle tous les pays d’Europe occidentale qui ont pris fait et cause pour le régime de Kiev, poussés par Washington, grand bénéficiaire du désordre qui règne sur le Vieux Continent, qui se trouvent au bord du précipice. Privés de gaz à l’approche d’un hiver qui s’annonce rude, six sur les onze pays alimentés par l’Algérie – France, Allemagne, Espagne, Italie, Belgique, Portugal – ont dépêché leurs émissaires pour signer des accords visant à augmenter les quantités de gaz. Ce à quoi Alger a répondu qu’il n’est plus question de maintenir le partenariat Algérie-UE dans son aspect inégal actuel et qu’il faut le revoir dans le sens des intérêts bien compris de l’Algérie. Des intérêts jusque-là bafoués.
L’Algérie a su tirer profit de la guerre en Ukraine, non pas en sacrifiant ses réserves de gaz et de pétrole en vendant à tout-va, mais en revoyant ses accords avec ses «clients» dont elle exige maintenant qu’ils deviennent des «partenaires» à part entière qui devront s’investir sérieusement dans la prospection de nouveaux gisements, ce qui permettra une plus grande disponibilité de cette énergie salutaire aussi pour les Occidentaux sans laquelle leur mode de vie risque de connaître un changement radical – on en voit les prémices dans les stations d’essence françaises et à travers les manifestations antigouvernementales dans plusieurs villes européennes – que pour l’Algérie qui aspire à tirer profit de l’augmentation de la production de gaz dont elle-même a besoin pour ses objectifs économiques et sociaux et, à terme, exploiter les énergies renouvelables non polluantes.
A. S.
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