La célèbre statue féminine sans soutif de Sétif au statut toujours contesté
Une contribution de Khider Mesloub – Dressée comme une divine déesse offerte au regard empli de tendresse, comme à l’œil publiquement concupiscent, la statue de Sétif exhibe encore aujourd’hui son insolent corps magnificent. Trônant ostensiblement en plein centre-ville, depuis maintenant une éternité, en toute controversée fraternité, cette œuvre de l’époque génocidaire coloniale, à la généreuse poitrine, décrépite et sénile, arbore toujours son anachronique orgueil impérial.
Cette célèbre statue coloniale féminine, à la silhouette diaboliquement coquine, que le temps n’a point outragée, ni abîmée, ni déformée ni ravagée, vient de subir de nouveau les assauts d’un vandale en état d’ébriété. Encore un habitant qu’on pourrait qualifier d’être marteau, au point de vouloir marteler l’innocente statue dénudée, dénuée de toute intention malveillante, sinon celle d’exhiber son artistique splendeur sculpturale dans cette emblématique ville de Sétif, qui rime avec festif, tant ses habitants sont réputés pour leur esprit de fête et la fête de leur esprit (l’enivrement).
On se souvient que la statue de Sétif, la légendaire Aïn El-Fouara, avait déjà subi des coups de boutoir à coups de burin. Non pour subir une artistique réfection insigne, mais une violente grave agression indigne des mains d’un islamiste aliéné mutin.
Cet attentat à la pudeur sculpturale, infligé par un malade mental, avait soulevé la réprobation des intellectuels. D’une certaine élite algérienne, en cette fastueuse époque bouteflikienne où elle était plus sensible au sort réservé aux œuvres d’art mais foncièrement indifférente au désœuvrement social du peuple au statut économique désarticulé. Ce peuple algérien socialement dénudé menant une existence sans fard, en marge d’une parasitaire classe opulente de cafards, habitant les ghettos d’argent sale.
Commis par un illuminé mentalement dérangé, pris d’une folie intempestive destructrice, cet acte de vandalisme avait soulevé l’indignation élitaire. Car l’auteur du forfait s’était acharné comme un fanatique enragé sur cette symbolique muette créature factice, qu’il avait dû prendre probablement pour une tentatrice séductrice, au charme envoûtant et à la suavité corruptrice. A moins qu’il ne se soit agi tout bonnement d’une vengeance d’un halluciné amoureux éconduit. Une vengeance perpétrée contre une femme au corps en marbre enfermant un cœur de pierre, farouchement réfractaire à ses assiduités lascives d’homme maboul et solitaire, en quête d’une escapade romantique, au mieux d’une passion amoureuse extatique, imaginée par son cerveau depuis longtemps détraqué par la psychose ou le salafisme. Deux pathologies siamoises tant elles œuvrent à la destruction de la personnalité ou à la dépersonnalisation de la victime de cette morbidité schizophrénique, caractérisée par un trouble de déréalisation, ce trouble dissociatif qui consiste en une expérience prolongée ou récurrente de détachement (dissociation) de son propre corps ou de son fonctionnement mental.
Ce banal fait divers, à l’époque instrumentalisé et politisé à outrance, ne méritait pas autant de remontrances, ni autant de publicité et d’effets d’annonce. Tant son caractère pathologique était avéré par la preuve psychologique. C’était incontestablement l’œuvre d’un illuminé victime d’hallucinations lubriques. Mais point d’un islamiste équilibré (pardonnez-moi pour cet oxymoron), animé d’un un projet politique de destruction rationnellement assumé et religieusement revendiqué.
Curieusement, le sort d’une statue d’un Français avait suscité plus d’émoi que le sort du statut de l’Algérien, notamment parmi l’intelligentsia algérienne fortunée, plus prompte à s’émouvoir des infortunes d’une œuvre d’art que des malheurs du peuple. Le délabrement du statut socioéconomique de l’Algérien ne soulève jamais d’indignation ni de protestation. Son statut social atrocement saccagé laisse cette engeance rentière de marbre, contrairement à cette célèbre statue de pierre. La mutilation du statut social de l’Algérien ne soulève ni émoi, ni effroi parmi ces idolâtres du veau d’or. Ni révolte ni révolution. Mais des invitations à supporter la culturelle prostration par l’observance de la cultuelle prosternation.
Pourtant, la stature de l’Algérien de toute part se délite. Sa vie de partout scandaleusement se lézarde, dans l’indifférence éloquente de l’élite, qui jamais politiquement ne se hasarde à œuvrer pour le bien du petit peuple. Mais n’hésite pas à se peupler d’indigestes œuvres, plus dignes d’intérêt à son bourgeois goût que le peuple qui, lui, inspire littéralement dégoût.
En vrai, cette orpheline statue de l’époque coloniale, œuvre du sculpteur français Francis Saint-Vidal, qui a subi les coups de folie d’un vandale, abandonnée par sa famille colonialiste française naturelle, chassée par la grande famille algérienne révolutionnaire, dans un sursaut d’insurrection salutaire, cette statue donc était devenue depuis l’indépendance une incongruité dans un pays censé s’être affranchi de la coloniale servilité. En effet, en vrai, cette statue symbolise la perpétuation de l’Occupation coloniale, non pas du pays mais des esprits et des mentalités, vandalisés à coups de burin idéologique par les nouveaux maîtres autochtones de l’Algérie, ces rentiers bourgeois qui ont sculpté le pays par la médiocrité, défiguré sa personnalité par l’imposition du désœuvrement et la généralisation de la pauvreté.
Les véritables vandales du statut humain de l’Algérien, qui démolissent chaque jour socialement sa dignité, dégradent moralement son honneur, émasculent sa conscience politique, massacrent sa véritable culture, mutilent ses autochtones œuvres sont épargnés par cette pleurnicheuse élite bourgeoise algérienne, toujours prompte à se scandaliser pour la vandalisation d’une statue coloniale sculptée par un artiste français, mais jamais à se révolter contre la dégradation du statut social du peuple algérien.
K. M.
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