Lutte du peuple sahraoui face aux défis de l’année charnière 2023 et au-delà (III)
Par Hocine-Nasser Bouabsa – Dans les deux premières parties de ma contribution dédiée aux recommandations de l’Eucoco 2022 à Berlin, nous avons abordé la politique générale, la diplomatie et la consolidation de l’Etat sahraoui. Aujourd’hui, nous mettons l’accent sur les moyens pertinents à utiliser pour gagner plus de soutiens à la cause et la lutte sahraouies.
En effet, quand bien même cette cause et cette lutte, sans doute, justes, honorables et courageuses – méritant, ainsi, l’encouragement, la sympathie et le dévouement de tous les femmes et hommes libres du monde –, il faut néanmoins reconnaître que, sans le soutien de l’opinion publique internationale, elles risquent de sombrer dans le désintéressement, et même l’oubli. Connaissant l’apport et l’influence majeurs de cette soft-power, l’occupant marocain ne lésine pas sur les moyens pour la faire balancer dans son camp. Peu importe qu’ils soient illégaux, comme les derniers scandales de corruption au Parlement européen le prouvent, le Makhzen marocain n’a pas de scrupules à utiliser tous les coups sales et bas pour discréditer la lutte légitime du peuple sahraoui, en ayant recours, entre autres, à la manipulation à travers les réseaux sociaux et son armée de «mouches (lire à ce sujet l’article d’Algeriepatriotique sur les 3 000 faux comptes Facebook créés par les services de renseignement marocains pour attaquer le Front Polisario et créer des conflits entre les Sahraouis et les Rifains). (1)
C’est donc un impératif existentiel pour le peuple sahraoui de colmater cette brèche contreproductive – manque d’une politique d’information bien adaptée aux exigences modernes de communication – qui entrave sa marche pour arracher le droit à l’autodétermination et à l’indépendance. Sur ce sujet, la Conférence de Berlin recommande de :
1- Organiser continuellement des conférences pour informer le grand public sur le combat du peuple sahraoui dont, au moins, deux grandes consacrées chaque année à la politique de l’Union européenne et de ses Etat-membres vis-à-vis du Sahara Occidental dans le but de sensibiliser l’opinion publique européenne.
2- Créer un réseau européen de journalistes et d’écrivains spécialisés dans la question du Sahara Occidental pour briser et contrer le blocage et l’embargo informationnels et médiatiques sur la cause et le combat justes sahraouis. Ce réseau se chargera, en outre, de faciliter et structurer la relation avec les organes de presse et les médias généralement.
3- Souligner le rôle déterminant des médias sociaux et alternatifs dans la sensibilisation au conflit du Sahara Occidental. A cet égard, l’initiative de «Sahraouis Today» est à saluer et une expérience à encourager et soutenir.
4- Activer et renforcer le réseau des universités pour intéresser les jeunes et accroître leur implication dans le mouvement de solidarité en Europe et déployer plus d’efforts pour cibler l’opinion publique marocaine afin de gagner plus sa sympathie et son soutien.
5- Renforcer les relations au niveau local avec les militants et sympathisants des partis politiques européens et particulièrement les jeunes, généralement plus réceptifs aux causes justes des peuples.
6- Reproduire l’expérience du Groupe de soutien des ambassadeurs du Sahara Occidental à Genève dans d’autres capitales européennes telles que Bruxelles, Madrid, Paris, Londres, Berlin, etc.
7- Elaborer un document de référence sur le libellé et la terminologie des différents aspects liés au conflit du Sahara Occidental pour permettre de meilleures compréhension et homogénéisation du débat. Entre autres, il faut combattre le terme «séparatistes» et «terroristes» que l’occupant marocain utilise pour désigner les Sahraouis qui luttent pour leur droit à l’autodétermination pour l’indépendance.
8- Capitaliser sur les accords de jumelage entre villes européennes et sahraouies pour créer plus de comités de soutien et renforcer la solidarité, le soutien et l’engagement avec le peuple sahraoui.
9- Consolider, en s’appuyant sur les techniques de communication modernes tels internet et les réseaux sociaux, la coordination des associations européennes, dont l’Eucoco, qui soutiennent la lutte du peuple sahraoui.
10- Faire appel aux mouvements amis dans le monde, en particulier en Afrique et en Amérique latine pour établir des plates-formes similaires à celle de l’Eucoco. Ceci dans le but de construire une plate-forme internationale de solidarité avec le peuple sahraoui et ses deux représentants légitimes : le Polisario et la République sahraouie démocratique et populaire.
Par ses propositions et recommandations concrètes, l’Eucoco de Berlin a élaboré un plan de travail bien détaillé dans divers domaines qui englobent la lutte du peuple sahraoui. Elle s’est fixé comme objectif de superviser leur progrès et leur concrétisation sur le terrain en s’appuyant sur une task force désignée à cette fin.
Il a été décidé que la 47e Conférence de l’Eucoco aura lieu à Saragosse, dans le nord-est de l’Espagne.
Le rôle de la diaspora maghrébine
L’auteur, qui a lui-même participé aux assises de la Conférence, appelle, par ailleurs, à intensifier le travail de sensibilisation au sein de la diaspora maghrébine pour qu’elle s’engage davantage aux côtés du peuple sahraoui en mettant en évidence le combat commun de tous les peuples de la région, pour la justice sociale, le développement et la démocratie et en se référant à l’esprit unitaire – Etoile de l’Afrique du Nord – qui prévalait pendant les années 1920-1950. Il est essentiel de rappeler à cette diaspora l’universalité et l’indivisibilité du droit humain à l’autodétermination et que ce qu’elle réclame pour les Palestiniens ne peut être ajusté à la logique «des deux poids, deux mesures», en refusant ce même droit aux Sahraouis. Une telle contradiction pourrait, en effet, relativiser la légitimité du soutien au peuple palestinien car elle supposerait que ce soutien n’est pas basé sur des critères universels, mais plutôt sur une conviction sélective, subjective et même raciale (puisque, dans le cas des Palestiniens, l’oppresseur est israélien et donc généralement d’origine juive).
Dans leurs genèses, le combat des Sahraouis et celui des Palestiniens sont similaires. Leur différence réside dans le fait que les sionistes ont pris la Palestine par la force. Tandis que Hassan II (sous le dictat de la France et Valery Giscard d’Estaing) a ordonné d’occuper le Sahara Occidental pour se libérer des dangers que lui couvaient les Forces armées marocaines. Dans ce contexte, on doit supposer au préalable que le peuple marocain est objet d’un matraquage et propagande médiatiques continus depuis presque cinquante ans. Sa résistance aux arguments objectifs est donc naturelle et humaine. Il est évident donc de s’armer avec la patience nécessaire, sachant qu’en fin de compte la grande partie des Marocains sait que le Makhzen alaouite est un régime vassal, prédateur et esclavagiste, prêt à s’allier avec le diable pour faire perdurer son règne afin de continuer à monopoliser les ressources et richesses marocaines, qu’il partage avec ses parrains et donneurs d’ordres étrangers.
H.-N. B.
(Suite et fin)
1- https://www.algeriepatriotique.com/2022/12/12/fuite-dun-document-officiel-marocain-3-000-faux-comptes-facebook-pour-creer-des-conflits-entre-sahraouis-et-rifains/
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