Argent sale au Parlement européen : pourquoi Metsola ménage-t-elle Rabat ?
De Paris, Mrizek Sahraoui – Le moins que l’on puisse, à juste titre, déduire, plus d’une semaine après le coup de filet de la police belge au sein du naos de la démocratie européenne contre des eurodéputés présumés corrompus, est que la présidente du Parlement européen semble ne pas prendre la mesure de la gravité et l’ampleur du scandale qui a secoué l’institution dont elle a la charge, impliquant l’émirat du Qatar et le royaume du Maroc.
D’une part, il n’y a pas l’ombre d’une volonté d’éclairer l’opinion européenne et, plus largement, mondiale sur les tenants et les aboutissants de cette scandaleuse affaire révélée par la justice belge. Ensuite, hormis deux mesurettes prises à la va-vite dans le cadre d’un «paquet de réformes d’ampleur qui sera prêt au début de l’année prochaine», a-t-elle déclaré lors d’un sommet européen à Bruxelles, se traduisant par le «renforcement de la protection des lanceurs d’alerte et l’interdiction des groupes d’amitié non officiels avec des pays tiers», rien véritablement de bien concret n’est mis en œuvre pour apporter les éclairages nécessaires et, surtout, pour que des sanctions tombent contre les auteurs à l’origine de cette affaire.
Et, plus grave encore, bien qu’un faisceau d’indices graves, concordants et précis, permettant de mettre en cause le régime marocain, ait établi l’existence d’une rémunération d’activité de corruption, au mépris de témoignages incriminant directement de hauts responsables marocains, notamment celui de l’ancien eurodéputé José Bové qui a publiquement accusé le Premier ministre marocain d’avoir tenté de lui verser un pot-de-vin lors d’un vote, il apparaît clairement que l’approche adoptée par Roberta Metsola consiste à ménager le Maroc, dont l’image, quelle qu’en sera la suite des événements, est sérieusement et durablement écornée.
L’implication du Maroc ne fait plus aucun doute, selon la police belge citée par les médias internationaux. L’ambassadeur du Maroc en poste en Pologne et un mystérieux agent des renseignements marocains sont suspectés par la justice belge d’avoir offert des cadeaux, voire du cash, à l’eurodéputé italien Pier Antonio Panzeri, l’eurodéputé italien dont l’Italie a accepté d’extrader début janvier en Belgique l’épouse et la fille.
En dépit de tous ces éléments plane désormais le doute sur une volonté manifeste du Parlement européen d’étouffer un scandale qui cache très mal l’immense partie immergée de l’iceberg. Les parlementaires européens réunis en plénière, jeudi dernier, ont, en effet, rejeté un amendement visant le Maroc, un amendement pourtant rédigé dans les mêmes termes que celui voté à l’unanimité des parlementaires dénonçant les agissements du Qatar.
Un vote tout de même étonnant qui a surpris mais sans vraiment faire de bruit médiatique, alors que l’enquête est en cours et n’a pas encore révélé les fouillis et les ramifications de cette scabreuse affaire.
Roberta Metsola a-t-elle ménagé le Maroc par crainte de représailles par les mis en cause et/ou de révélations d’autres scandales éclaboussant carrément l’ensemble du Parlement ainsi que des membres de gouvernements européens en activité ou à la retraite, dans une sorte de kompromat à la soubise marocaine ?
La question mérite d’être posée et tout est possible à ce stade.
M. S.
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