Saïd Djabelkhir : «Mon acquittement est une première dans le monde musulman»
Par Abdelkader S. – Le théologien appartenant au courant rénovateur Saïd Djabelkhir a indiqué que le non-lieu prononcé par la Cour d’Alger en sa faveur suite à une plainte déposée contre lui pour son exégèse rénovatrice est un cas de jurisprudence. «Ce verdict est une première dans l’histoire de l’Algérie indépendante, parce que jamais devant la justice algérienne ne s’est présenté un procès pareil», a affirmé l’islamologue réfractaire à l’immobilisme et partisan d’un islam moderne adapté à l’époque actuelle. «Cette décision est une première pour l’Algérie et même pour le monde musulman», a-t-il ajouté.
«C’est une décision qui dit clairement que la pensée libre est un droit, que le débat d’idées ne doit pas être judiciarisé et que les tribunaux ne sont pas le lieu idéal pour le débat d’idées», a encore dit Saïd Djabelkhir au micro de Berbère Télévision, en ajoutant que ce verdict «est une victoire des Lumières contre l’obscurantisme et une victoire pour une pensée libre en général».
L’islamologue, qui a rappelé qu’il a été attaqué en justice pour avoir «porté atteinte à l’islam, à ses préceptes et au Prophète», a estimé que son acquittement est un signal positif car «nous ne pouvons pas, en tant que chercheurs, travailler si nous ne sommes pas libres de dire notre avis sans contrainte, il n’est pas possible qu’il y ait une recherche sans liberté de pensée et sans liberté d’expression». «Le chercheur doit être libre de dire ce qu’il pense et de faire connaître les résultats de ses recherches librement», a insisté le théologien algérien connu pour son courage face aux menaces des extrémistes qui ont même appelé à lui porter atteinte physiquement.
«Concernant l’islam, je pense qu’il y a beaucoup à faire en termes de recherche parce que l’islamologie en Algérie, à mon avis, est très en retard», a regretté l’académicien, selon lequel «il y a beaucoup à faire et il y a énormément de choses qui doivent être révisées et revues radicalement au niveau des programmes de formation des cadres religieux, que ce soit les imams ou les étudiants des facultés des sciences islamiques, que ce soit à Alger, à Constantine, à Oran ou ailleurs».
«Je ne pense pas que le soufisme soit en train de disparaître en Algérie», a fait remarquer Saïd Djabelkhir qui s’exprimait en français, en relevant que ce courant mystique de l’islam «existera toujours» dans notre pays. «Mais les confréries soufies ont besoin d’actualiser leur discours par rapport aux nouvelles données de la vie moderne, le soufisme doit parler à l’Homme moderne, à l’Homme d’aujourd’hui et non pas à l’Homme de la période des Almohades ou bien avant», a-t-il cependant fait constater.
«Il n’est pas facile en Algérie de penser autrement que la pensée dominante» a, en outre, déploré le chercheur en islamologie diplômé de l’université algérienne. «Ce qui m’est arrivé le prouve bien mais c’est un combat», a-t-il précisé. «Je dois dire qu’il y a une certaine pensée rétrograde qui essaye de dominer le terrain par différents moyens, [aussi] faut-il développer un discours contraire, un discours progressiste, un discours qui doive faire face à ces idées rétrogrades», a-t-il poursuivi.
Interrogé sur la fête de Yennayer dont certains disent qu’elle serait «illicite», Saïd Djabelkhir a répondu qu’il n’était pas mufti mais qu’il considérait que les traditions liées au Nouvel An amazigh «ne relèvent pas de la religion mais de la culture et de l’identité, d’autant plus que Yennayer a été officialisé et est devenu une fête nationale», appelant à ne pas faire d’amalgame entre le culturel et le religieux.
«Oui, bien sûr que je suis soulagé [par le verdict], a conclu le théologien, parce que c’est quand même un fardeau d’avoir sur le dos trois ans de prison ferme et j’espère que cela ne se reproduira pas.»
A. S.
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