Y a-t-il un lien entre l’affaire Bouraoui et la mise à l’écart de François Gouyette ?
Par Kamel M. – La décision vient d’être publiée dans le Journal officiel de la République française. «Par arrêté de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères en date du 10 février 2023, M. Gouyette (François), ministre plénipotentiaire, est admis à faire valoir ses droits à la retraite, par limite d’âge, à compter du 1er août 2023. A compter de cette même date, M. Gouyette (François) est radié des cadres», est-il précisé dans la publication officielle française. Y a-t-il un lien entre la crise survenue entre l’Algérie et la France suite à l’affaire Amira Bouraoui et cette décision ? L’enquête en cours déterminera si la «fugitive» a été aidée par l’ambassade de France à Alger dans sa cavale via la frontière terrestre avec la Tunisie.
Au lendemain du rappel par Alger de son ambassadeur en France, une forte rumeur a circulé faisant état du classement de François Gouyette comme persona non grata par les autorités algériennes. On ne sait pas si cette information est véridique ou si l’admission de l’ambassadeur arabophone à la retraite a été corrélée à l’exfiltration de l’agent de la DGSE par pure supputation. En tout cas, le départ du successeur du très controversé Xavier Driencourt se confirme. Un départ qui intervient dans un contexte extrêmement tendu entre Alger et Paris au moment où des signaux d’apaisement commençaient à se manifester. Les présidents Tebboune et Macron avaient, en effet, fait montre d’un rapprochement qui laissait supposer qu’une nouvelle ère allait s’ouvrir entre l’ancienne puissance coloniale et son ancienne colonie.
La visite très médiatisée du chef d’état-major de l’ANP, le général d’armée Saïd Chengriha, à Paris où il a été accueilli en grande pompe avait été perçue par les observateurs des deux côtés de la Méditerranée comme un nouveau départ qui allait se concrétiser par la visite programmée du chef de l’Etat en France, en mai prochain. L’annonce en avait été faite après un énième échange téléphonique entre les deux Présidents dans lequel ils avaient réitéré leur volonté d’aller de l’avant dans la normalisation des rapports qui peinent à se stabiliser au regard d’un certain nombre de facteurs, au premier rang desquels le contentieux mémoriel, les actions hostiles visant l’Algérie à partir du territoire français, le refus des autorités françaises d’extrader des Algériens réclamés par la justice dans leur pays d’origine et les nombreuses déclarations jugées provocantes d’hommes politiques et d’éditorialistes influents français.
Parlant l’arabe algérien couramment, marié à une Algérienne, il était attendu de François Gouyette qu’il effaçât les traces indélébiles de son prédécesseur qui a quitté l’Algérie à la demande express des autorités algériennes pour son ingérence dans les affaires internes du pays, notamment lors du mouvement de contestation populaire de 2019. Mais il n’aura pas réussi à donner un nouveau souffle aux relations entre les deux pays, même si la visite de la Première ministre, Elisabeth Borne, flanquée de pas moins de seize ministres – presque la totalité de son gouvernement, en somme – apparaissait comme un tournant décisif. Il n’en fut rien, et les relations sont allées en se dégradant jusqu’au rappel de Saïd Moussi, nommé en juillet 2022, en remplacement de Mohamed-Antar Daoud qui dénonçait, déjà en son temps, la volonté de «certains cercles de saboter toute action visant à renforcer l’amitié algéro-française».
Jusqu’à l’heure où nous rédigeons ces lignes, seule une réaction évasive drapée dans une langue de bois bien diplomatique d’un porte-parole français a fait suite à l’affaire Bouraoui. Emmanuel Macron, occupé à chercher des munitions pour l’Ukrainien Zelensky et tournant le dos aux millions de Français qui manifestent contre la loi sur la retraite, fait la sourde oreille.
K. M.
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