L’ambassadeur français à Alger François Gouyette : du tapis rouge à la guillotine
Nous republions cet article paru dans Algeriepatriotique en décembre 2020 et qui explique les coups de Jarnac des ambassadeurs successifs de France à Alger, lesquels, derrière les discours dithyrambiques, les formules diplomatiques préfabriquées et les sourires de circonstance, défendent d’abord et avant tout les intérêts de leur pays. François Gouyette, mis à la retraite de façon subite, venait de succéder à l’indésirable Xavier Driencourt. Certains avaient cru voir dans ce jeu de rôles un hypothétique changement de la politique algérienne de la France. Il n’en fut rien, et il n’en sera rien quel que soit le pensionnaire de l’Elysée et quand bien même le représentant du Quai d’Orsay à Alger jonglerait avec l’arabe coranique, parlerait le dialecte algérien à la perfection et chanterait le hawzi juste.
Par Abdelkader S. – Le successeur de Xavier Driencourt n’aura pas réussi à garder l’aura positive qu’il avait eue à son arrivé à Alger très longtemps. Accueilli sur un tapis rouge et gavé de commentaires dithyrambiques, François Gouyette avait tout pour «plaire» aux Algériens : il parle l’arabe algérien couramment et est marié à une Algérienne. Pourtant, quelques semaines à peine a-t-il pris ses quartiers à Hydra qu’il reçoit une salve nourrie de critiques et d’accusations de complot et d’ingérence.
«Croire que l’ambassadeur de France allait faire une fleur aux Algériens parce qu’il baragouine leur dialecte et que ses enfants sont à moitié algériens serait faire preuve d’une grande naïveté», estime un ancien diplomate sollicité par Algeriepatriotique. «Le remplacement du très controversé Xavier Driencourt, s’il avait été motivé par la volonté de Paris de calmer le jeu après une longue période de turbulences entre l’Algérie et la France, cela ne voulait aucunement dire que l’Elysée et le Quai d’Orsay allaient changer quoi que ce soit dans leur politique algérienne», insiste notre source.
«L’Algérie est un gros morceau et la France ne nomme pas n’importe quel diplomate à Alger», explique notre source qui rappelle que les deux ambassadeurs qui ont précédé Xavier Driencourt – Bernard Bajolet et Bernard Emié – à ce poste ont fini patrons des services du renseignement extérieur en France. «Il n’y a pas d’état d’âme en diplomatie», corrige notre source. «Le discours apologétique et la pratique encomiastique d’un ambassadeur, quel que soit le pays qu’il représente, est toujours à prendre avec des pincettes», fait remarquer cet ancien diplomate, en ajoutant que «les belles phrases sont destinées à cacher les véritables enjeux dont la trame est tissée dans les coulisses et les bureaux capitonnés».
«A ce jeu-là, tous les coups sont permis», indique notre source qui note que «derrière les sourires feints et les formules conventionnelles, la diplomatie est, en réalité, l’art du camouflage des coups fourrés pendant que les services secrets et autres acteurs agissent dans l’ombre pour défendre des intérêts d’Etat, provoquer des troubles ou encore influencer les gouvernements locaux dans les pays anciennement colonisés». «François Gouyette n’est pas payé par le contribuable français pour faire des intérêts de l’Algérie son souci, mais pour exécuter la feuille de route que sa hiérarchie l’a chargé d’appliquer lors de sa désignation à Alger», rappelle notre source qui s’étonne que «ceux qui mettent en avant le rôle de François Gouyette dans le déclenchement de la guerre civile en Libye ne s’en offusquent que maintenant».
«L’ancien ambassadeur des Etats-Unis Robert Ford a fait de même en Algérie durant la décennie noire, lorsque son bureau était devenu le quartier général des islamistes et des théoriciens du GIA», indique notre source, en soulignant que ce dernier a terminé sa carrière en Syrie «où il a allumé la mèche d’un conflit armé qui bat son plein à ce jour». «Notre grand défaut est que nous ne retenons jamais les leçons et que nous sommes soit aveuglés par notre fierté excessive, soit facilement manipulables par la rhétorique de l’éloge», déplore cet ancien diplomate qui a requis l’anonymat.
A. S.
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