Macron va à Canossa
Par Mrizek Sahraoui – Le président français sera en tournée en Afrique centrale du 1er au 5 mars. Il se rendra, a indiqué l’Elysée, au Gabon, en Angola, puis au Congo, avant de finir sa visite en République démocratique du Congo. Avant d’entamer son périple sur le continent africain, le chef de l’État français a prononcé, lundi dernier, un discours afin de donner les grandes lignes de (sa) nouvelle politique africaine de la France.
La France doit faire preuve d’une «profonde humilité en Afrique», a affirmé Emmanuel Macron sur un ton solennel dans son allocution. Au cours de laquelle il a présenté «sa (nouvelle) stratégie diplomatique et militaire» qui repose sur une «logique de gagnant-gagnant». Sur le plan militaire, Emmanuel Macron compte aller vers une «diminution visible» des effectifs avec, cependant, une «montée en puissance de nos partenaires», a-t-il détaillé. Tout en plaidant en faveur d’une nouvelle «relation partenariale avec les pays africains, loin des logiques de prédation» d’autres sphères d’influence, comprendre la Russie, la Chine et, dans une moindre mesure, la Turquie.
Outre les questions militaires, il est également question de l’environnement. Emmanuel Macron est attendu au sommet sur la préservation des forêts du bassin du fleuve Congo (One Forest Summit). Un genre de rendez-vous que le président Macron affectionne tout particulièrement au regard de l’exposition médiatique dont bénéficient de telles rencontres internationales.
Sur les autres sujets, économique, culturel et autres, Emmanuel Macron s’est laissé aller à des généralités qui s’apparentent largement à du déjà-vu. Sur la question économique, le président français souhaite passer d’une «logique d’aide à une logique d’investissement». Ce dernier compte proposer une loi-cadre relative à la restitution des œuvres d’art au profit des pays qui en feront la demande.
Tout cela est du cadre de l’officiel tel qu’annoncé lors de son discours tenu avant de s’envoler en Afrique centrale. Mais, selon de nombreux observateurs français ou africains qui se sont exprimés soit à travers les médias, soit par le biais des réseaux sociaux, cette tournée africaine de Macron a un autre objectif inavoué. Celui d’une reconquête d’un pré carré perdu, alors même que ce dernier s’en défend, soutenant d’ailleurs le contraire.
Il est de notoriété que l’image de la France est ternie aux yeux des Africains, abîmée par les provocations dont se fut rendu coupable Emmanuel Macron. Et par les nombreux couacs qui ont émaillé des relations souvent en dents de scie entre la France et de nombreux pays africains. Beaucoup ont encore en mémoire les sorties insultantes venant de présidents français. L’on se souvient de l’abjecte insulte de Sarkozy, qui déclara toute honte bue : «l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire». Et des propos blessants d’Emmanuel Macron qui dit en juillet 2017 : «Quand des pays ont encore sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien». A tout cela s’ajoutent encore les multiples provocations contre l’Algérie, des agressions verbales qui ont ruiné le capital confiance entre la France et ses partenaires ; mis en doute sa sincérité et, surtout, fait que la France devienne indésirable sur l’ensemble du continent africain.
Cette visite intervient au moment où la France essuie des revers diplomatiques sur tout le continent quasiment ; la présence française subit une hostilité grandissante et un rejet massif. Le souci est que, bien que la faute lui incombe, Emmanuel Macron ne tire jamais les leçons de ses échecs, et ils sont nombreux. Alors, en désespoir de cause, il part à la recherche de coupables, la Russie et la Chine sans qu’il les ait nommés lors de son discours.
La raison du déplacement prolongé du président Macron qui va à Canossa est de tenter une réconciliation d’avec les pays africains, afin de renouveler une relation brisée par une perpétuelle attitude paternaliste et une arrogance insolente. La départ des forces françaises du Mali, en novembre dernier du Burkina Faso, ce mois de février, et tantôt d’autres pays, a sonné le glas d’une époque où la France fit la pluie et le beau temps, notamment chez les anciennes colonies.
En France comme à l’étranger, Macron a toujours voulu régler les problèmes, trouver des solutions aux défis par la magie du verbe et de la formule. Il ne sait faire que cela. Hélas, ce n’est pas avec des mots qu’on change le monde, c’est par les actes.
M. S.
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