Chouïa marxisme
Une contribution de Saadeddine Kouidri – Le 19 décembre 1860, Marx écrit à Engels à propos de L’Origine des espèces de Charles Darwin, publié le 24 novembre 1859 : «C’est dans ce livre que se trouve le fondement historico-naturel de notre conception.»
Y a-t-il une université occidentale qui prend en compte cette assertion ? La réponse est non, si on se fie, ne serait-ce qu’aux deux dernières publications, à ma connaissance. Le 3 mars 2023, un article en-ligne rapporte que Kohei Saito a publié en anglais aux Presses universitaires de Cambridge en 2020 un livre sous le titre Marx in the anthropocene. Towards the idea of degrowth communism (Marx dans l’anthropocène : vers l’idée d’un communisme décroissant») et qui est devenu un best-seller.
La deuxième publication est une thèse de Timothée Haug en-ligne intitulée La Rupture écologique dans l’œuvre de Marx : analyse d’une métamorphose inachevée du paradigme de la production de 592 pages et des dizaines de références dont une intitulée «Darwin Charles. La Formation de la moisissure végétale par l’action des vers. Avec Observations sur leurs habitudes, New York, Cambridge University Press, 2009».
Si la mise sous influence de la conception de la sélection naturelle est menée dès le lendemain de la publication du livre L’Origine des espèces, de Charles Darwin, aujourd’hui l’influence est dans les thèses qui cherchent à prouver que l’évolution n’est pas corrélée au marxisme pour faire de ce dernier un étranger à la nature, alors que Marx affirme que le matérialisme a un fondement historico-naturel !
Aux mains des universités occidentales, la sélection naturelle est appliquée à l’homme pour justifier la loi du plus fort, à l’image de leur système politique. J’ai comme idée que ces universitaires sont aussi aveuglés par la censure du livre La Filiation de l’homme du naturaliste publié en 1871, plus de dix ans après l’origine. S’ils ne sont pas objectifs, c’est surtout pour ne pas être en conflit avec leurs universités.
Crescendo, la peur les pousse à s’aligner sur les thèses du pouvoir dominant jusqu’à accepter la transformation de l’écologie en opinion pour en faire un facteur à la politique du Capital financier. Un facteur qui facilite la propriété privée des océans, des îles, des forêts tout en évacuant «légalement» les habitants autochtones. Une autre façon de redonner du souffle à la néocolonisation du tiers-monde, et pas seulement.
La démocratie occidentale a la stratégie de mettre sous influence les peuples pour les faire tomber comme un fruit mûr. Elle commence, comme on le constate, dans l’écriture de l’histoire coloniale et les déclarations de leurs leaders politiques, de leurs intellectuels propagandistes dans les médias. Elle poursuit son influence dans les sciences de la nature, par la mise en conformité du concept principal de l’œuvre de Darwin, la sélection naturelle, dont le livre est interdit par la suite, en 1920, outre atlantique, lorsqu’elle a été jugée insuffisante dans leur lutte contre le matérialisme.
Une illustration actuelle de la pratique courante de cette démocratie bourgeoise est dans l’exercice des parlementaires français, qui s’occupent de centaines d’amendements à une réforme des retraites au moment même où le peuple, dans les rues, la rejette ! Le pouvoir bourgeois veut entraîner l’autre sur son terrain. Son terrain est le rapport de force. Le fait que la CFDT se démarque de la CGT sur la reconductibilité permanente de la grève en sus du courrier adressé à Macron révèlent des signes de faiblesse des directions syndicales parce qu’ils n’en tiennent pas compte.
L’enjeu principal est l’article 7, qui fixe le prolongement de l’âge dans la réforme des retraites. Il ne peut être retiré que si le Président français sent l’estocade et non la faiblesse de la part des dirigeants de cette extraordinaire mobilisation.
Le retrait de cette réforme des retraites a autant d’impact sur le monde que l’opération militaire Russe en Ukraine. Les deux mouvements, diamétralement opposés dans la forme, combattent le même ennemi. Si le peuple français l’emporte sur Macron, il oxygène le peuple russe, marocain et tous ceux qui luttent contre les gendarmes du monde unipolaire, et à leur tête l’OTAN.
Face au peuple marocain, le roi Mohammed VI, et face au peuple français, le président Macron, restent invisibles et inaudibles. Ils ont en commun ce mépris de l’autre et j’entends notre ami le journaliste congolais, en extrapolant, les qualifier de médecins après la mort.
Pour un chouïa de marxisme, on dira que le syndicalisme n’est apolitique que lorsqu’il représente non pas les travailleurs mais le pouvoir bourgeois et autres rentiers. Celle ou celui qui en doute n’a qu’à se rappeler dans quelle circonstance est née l’UGTA par exemple. Comme on sait, l’Union générale des travailleurs algériens est née dans la Révolution armée du 1er Novembre 1954, un 24 février 1956.
S. K.
Comment (3)