Etat d’Israël : l’incontournable fait colonial et l’impossible démocratie
Une contribution d’Ali Akika – Dans deux articles dans Algeriepatriotique (1), j’ai fait la liste des contradictions internes de la société israélienne dans le domaine économique et social. De par l’étroitesse de son territoire et l’absence de relations avec son environnement régional, l’économie se heure à la petitesse du marché intérieur, un des piliers de l’économie capitaliste. Si l’on ajoute les contradictions sociales produites par le déséquilibre entre juifs ashkénaze et juifs orientaux mais aussi et surtout 20% de populations palestiniennes marginalisées et racialisées, nous avons là un chaudron que l’on éteint un peu mais jusqu’à quand ? Dans un second article, j’ai posé le fait colonial comme impossible à effacer. Et j’avais conclu que les manifestations d’Israéliens contre Netanyahou pour sauver la «démocratie» font partie de ces chimères si l’on persiste à nier le fait colonial de cet Etat. Ce dernier s’est construit sur la chimère de la terre promise dans la Bible, en oubliant qu’il faut rendre à César ce qui appartient à César et ne point invoquer Dieu pour falsifier l’histoire.
Dans le présent article, je vais tenter de saisir ce qui manque dans la «machine à penser» des Israéliens proposant deux solutions pour pérenniser l’existence de leur Etat. Inutile évidemment de s’attarder sur les inepties de la terre promise du Nil à l’Euphrate. Quant aux manifestants qui veulent sauver l’Etat d’Israël par la démocratie, l’observateur étranger qui connait même grosso modo l’histoire de l’installation de l’Etat d’Israël ne peut que leur dire «encore un effort». Car les manifestants actuels ont une vision de la démocratie si libérale, si avantageuse aux Israéliens juifs qu’ils tombent dans les mêmes travers que leurs compatriotes qui s’assoient sur l’histoire et se complaisent dans le déni de réalité. Il faut qu’ils comprennent que tant qu’ils s’accrochent à un Etat qui déclare être «nation du peuple juif», c’est plus ou moins du même tonneau que celle de l’Etat du Nil à l’Euphrate. Car on ne peut pas rien construire quand 20% de Palestiniens sont des citoyens de second collège et que les autres 80% ont des postes militaires aux entrées et sorties de leurs propres villes et villages. Voilà pourquoi la Palestine est et restera un champ de lutte et de résistance du peuple palestinien…
Avant d’exposer un point de vue sur des manifestants qui courent derrière la protection d’une impossible démocratie, j’ai imaginé deux Israéliens demander un avis à un robot de l’intelligence artificielle… Il faut savoir que le robot qui fonctionne à l’intelligence artificielle obéit aux infos qu’on lui fournit. Sa rigueur et sa puissance sont donc dépendantes de la nature et du traitement de l’info proposées.
Le premier Israélien qui croit à la promesse biblique de la terre de Palestine et croit tout aussi fort à un Etat régit par la loi talmudique communique au robot ce type d’info. Le deuxième Israélien récite sa «bible» laïque du sionisme politique de Théodore Herzl et raconte l’installation de l’Etat d’Israël avec son cortège de guerre, de massacre et d’expulsion des Palestinien qui ressemble à une conquête classique des Européens en Afrique, Asie et Amérique…
Le robot va répondre au premier Israélien que la Bible comme tous les textes sacrés ont une autre fonction que celle de permettre la prédation des terres d’autrui. Au second Israélien, il lui fait remarquer que tous les pays conquis par les Européens se sont finalement libérés. Et il ajoute, sauf en Amérique du Nord, là où les conquérants ont pris la précaution d’exterminer les autochtones. Quant à la démocratie, renchérira-t-il, la réserver à une catégorie ethnique ou religieuse et dominer un peuple tout entier, c’est tout, sauf de la démocratie…
Ce petit passage ironique, mais néanmoins fondé sur des vérités de l’histoire, me permet de noter quelques remarques sur la façon dont la presse occidentale rapporte les remous et le chaos politique en Israël. Pour la petite histoire, une chaîne de télé numéro un du mensonge et de la veulerie titrait ce matin (27 mars) «Israël, la rue pour sauver la démocratie». La veille, dans le vieux pays cher à De Gaulle, toute la presse titrait «Le chaos, la chienlit, la barbarie dans les rues de France». Ukraine, France, Israël, la même lecture des événements d’une grande complexité, évènements réduits au ras des pâquerettes et qui dégagent l’odeur des caniveaux que l’on vend pour du parfum à l’opinion…
Mais revenons aux événements actuels en Israël. Les prémisses de la guerre civile redoutée par les bras armés d’Israël, l’armée et tous les services des renseignements, viennent d’être renforcées par deux infos de nature volcanique. La première, c’est la non-obéissance du militaire (ici un général ministre de la Défense) qui demande l’arrêt d’un projet du gouvernement. Ce dernier répond par le limogeage du général-ministre en question. Quand on sait le poids de l’armée dans l’existence d’Israël, on peut dire que c’est la goutte d’eau qui risque de faire déborder le verre. La fuite des capitaux qui cherchent des cieux plus cléments pour le bizness, l’inquiétude de la diaspora juive et notamment américaine et les Etats-Unis eux-mêmes sont sur le qui-vive car ils mesurent les facteurs de guerre si leur allié et ami ne les seconde pas dans la tâche du maintien de leur hégémonie dans la région. Il a déjà l’Ukraine sur les bras, l’Arabie Saoudite qui tente de prendre le large et l’Iran qui répond du tac au tac sur les bases américaines en Syrie. Dans tous les pays que je viens de citer, le feu brûle, et pour toute réponse l’Occident n’a pour éteindre le feu que la propagande haineuse, à défaut de gagner la guerre sur le terrain. L’Ukraine fut son champ d’expérimentation pour sa guerre de l’info que l’on croyait sortir de laboratoires sophistiqués et qui n’est en réalité qu’une minable construction da basse police et inculte par-dessus le marché.
A. A.
1- «Israël des murs, des colons et de rapine» Algeriepatriotique, 22 janvier 2022 et «Le mythe sioniste s’épuise devant le fait colonial», 13 mars 2023.
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