Une analyse de Ben Youcef Bedouani – La transition économique et l’inflation
Une contribution de Ben Youcef Bedouani(*) – «Les bonnes politiques économiques ont le pouvoir non seulement d’améliorer la qualité de vie, mais aussi d’élargir les horizons des gens, leur donnant la liberté et les opportunités de réaliser leurs rêves.» (Paul Krugman, prix Nobel.) Les informations émanant du dernier rapport, en janvier 2023, de la Banque mondiale sur la situation économique en Algérie(1) sont encourageantes. Il souligne clairement que l’économie algérienne a continué de se redresser au premier semestre 2022, soutenue par un retour de la production pétrolière au niveau d’avant la pandémie, une reprise du secteur des services et une croissance du secteur hors hydrocarbures. La projection du rapport d’une croissance de 2,3% en 2023 est également une bonne nouvelle.
Cependant, le rapport souligne les défis persistants auxquels l’économie algérienne est confrontée, tels que la forte inflation, la vulnérabilité aux fluctuations des prix mondiaux des hydrocarbures et la nécessité de diversifier l’économie et de promouvoir les investissements du secteur privé. Cette contribution relate certains faits du rapport, certes, mais aussi suggère certaines pistes pour résorber le phénomène de l’inflation. Par ailleurs, avec l’annonce des augmentations salariales courant 2023, elle souligne les effets d’une telle politique dans le contexte économique du pays à court et moyen terme. L’auteur souhaite mettre en évidence l’impact positif que les décisions économiques et politiques bien informées peuvent avoir sur la société, en créant des conditions favorables à la croissance et à l’épanouissement individuel et collectif.
Le rapport annonce des informations intéressantes sur la croissance économique et souligne que la poursuite de la mise en œuvre des réformes structurelles, l’amélioration de la compétitivité de l’économie et l’investissement dans le capital humain sont essentiels pour assurer une croissance durable et inclusive. Dans l’ensemble, il est clair que l’Algérie est toujours confrontée à des défis importants pour parvenir à une croissance économique soutenue et réduire sa dépendance à l’égard des exportations de pétrole et de gaz. Cependant, l’accent mis par le rapport sur l’importance des réformes structurelles et du développement du secteur privé est un pas dans la bonne direction. Il reste à suivre les progrès de notre pays dans la mise en œuvre de ces réformes et la promotion d’une croissance économique durable dans les années à venir.
Le rapport souligne aussi un taux d’inflation élevé – 9,4% en glissement annuel au cours des neuf premiers mois de 2022 – notamment en raison de la hausse mondiale des prix des denrées alimentaires, qui ont augmenté de 13,6% en Algérie, affectant particulièrement les ménages les plus vulnérables. Une situation qui a interpellé le gouvernement en décidant d’augmenter les salaires progressivement afin de venir en aide à la population algérienne.
Une inflation prépondérante qui pose problème : que faire ?
Le taux d’inflation élevé en Algérie est principalement dû aux augmentations mondiales des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, ainsi qu’à la dépendance du pays vis-à-vis des exportations de pétrole et de gaz. La lutte contre l’inflation nécessitera une approche à multiples facettes qui comprend à la fois des mesures à court et à long terme. En voici quelques options qui pourraient aider à lutter contre l’inflation en Algérie :
Par le biais de l’adoption de mesures de politique budgétaire et monétaire, le gouvernement tente de lutter efficacement contre l’inflation, ce qui est positif. Néanmoins, sans être exhaustif, le gouvernement doit examiner davantage les dépenses publiques et ajuster les taux d’intérêt pour contrôler la masse monétaire dans l’économie. Il faut aussi résoudre les problèmes liés à l’offre : une inflation élevée est souvent causée par des problèmes liés à l’offre tels que les pénuries, les goulots d’étranglement et les perturbations de la production. L’Exécutif peut solutionner ces problèmes en investissant dans les infrastructures «ciblées», en améliorant la logistique et les transports et en réduisant les obstacles bureaucratiques à la production et au commerce.
Plus encore, accroître la concurrence en l’encourageant sur le marché, ce qui peut contribuer à faire baisser les prix et à réduire l’inflation, de même que promouvoir la concurrence en réduisant les barrières à l’entrée pour les nouvelles entreprises, en «brisant les monopoles» et en veillant à ce que les marchés soient ouverts et transparents.
Par ailleurs, puisque l’économie algérienne est fortement dépendante des importations, ce qui contribue à l’inflation, le gouvernement gagnerait à réduire davantage la dépendance à l’égard des importations en investissant dans la production nationale, en promouvant les industries axées sur l’exportation et en diversifiant l’économie. De plus, comme l’inflation affecte de manière disproportionnée les populations vulnérables, telles que les ménages à faible revenu, le gouvernement doit réfléchir sur l’adoption des transferts monétaires ou des subventions directes, comme mesures de protection sociale afin d’aider les ménages à faire face à la hausse des prix. – «Il y aura probablement un revenu de base universel à cause de l’automatisation. Je ne pense pas que ce soit nécessairement quelque chose de mauvais, mais il faudra sans doute une certaine adaptation.» Elon Musk.
Enfin, il convient de noter que la lutte contre l’inflation nécessitera un effort soutenu dans le temps et qu’il n’existe pas de solution miracle. Le gouvernement se doit d’équilibrer les mesures à court terme pour lutter contre l’inflation avec des politiques à long terme pour promouvoir une croissance économique durable et réduire la dépendance à l’égard des exportations énergétiques.
Les augmentations de salaires, quels effets ?
L’augmentation des salaires peut être un bon pas en avant pour améliorer le pouvoir d’achat des ménages et réduire la pauvreté, en particulier pour les personnes à faible revenu. Cependant, il est important de considérer les finances du pays et l’impact potentiel sur l’inflation et le déficit budgétaire. L’économie algérienne est fortement dépendante des exportations de pétrole et de gaz, qui représentent une part importante des recettes publiques. Rappelons que la baisse des prix du pétrole ces dernières années a entraîné une baisse significative des recettes publiques et a exercé une pression sur les finances du pays. En conséquence, le gouvernement a enregistré un déficit budgétaire récurrent qui a affecté les réserves en devises.
L’augmentation des salaires peut entraîner une augmentation des dépenses de consommation, ce qui augmente la demande de biens et de services et ainsi causer des pressions inflationnistes. Cela est particulièrement vrai si l’augmentation des salaires ne s’accompagne pas d’une augmentation de la productivité ou d’une augmentation correspondante de l’offre de biens et de services. De plus, l’augmentation des salaires peut également exercer des pressions sur les finances de l’Etat, surtout si elle n’est pas accompagnée de mesures d’augmentation des revenus ou de réduction des dépenses. Ceci va exacerber le déficit budgétaire et peser davantage sur les finances du pays.
En résumé, l’augmentation des salaires peut être une «avancée positive» pour l’amélioration du niveau de vie des ménages algériens et est encouragée. Cependant, il est important de considérer l’impact potentiel sur l’inflation et les finances du pays. Le gouvernement est fortement appelé à équilibrer les mesures à court terme pour lutter contre la pauvreté et la protection sociale avec des politiques à long terme pour promouvoir une croissance économique durable et réduire la dépendance à l’égard des exportations de pétrole et de gaz.
B.-Y. B.
* Analyste financier senior et économiste
1- https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2023/01/04/algerian-economy-staying-the-course-for-transition
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