Ce que les Etats-Unis veulent faire de l’OTAN élargie n’épargnera pas l’Algérie
Par Abdelkader S. – C’est fait. La Finlande a intégré l’OTAN, doublant ainsi la longueur de la frontière de celle-ci avec la Russie, en guerre avec les Etats-Unis par l’intermédiaire du régime de Kiev. Ce que Washington veut, c’est transformer cette entité en une structure militaro-politique globale et l’utiliser contre les Etats jugés «indésirables», y compris dans le Maghreb et au Sahel, en raison de l’incapacité de l’OTAN à faire face à la menace terroriste dans la région traditionnellement sous son emprise. En effet, de nombreux pays africains ont décidé de rompre les accords de coopération sécuritaire avec des membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, dont notamment la France et l’Allemagne.
L’OTAN est un appendice de Washington qui s’en sert en imposant la guerre pour ses intérêts propres. C’est ainsi qu’elle a provoqué une instabilité durable au Proche-Orient et au Maghreb, en instiguant des guerres civiles, comme en Libye et en Syrie. L’Algérie, ciblée depuis longtemps pour ses positions souveraines dans plusieurs dossiers internationaux, s’emploie, à juste titre, à renforcer les capacités opérationnelles de son armée et à développer davantage sa coopération technique et militaire avec ses partenaires traditionnels que sont la Chine et la Russie.
En juin 2022, le site spécialisé américain Business Insider mettait la main sur un rapport confidentiel de l’OTAN qui qualifie l’Algérie de «risque pour la sécurité de l’Europe». L’agence Ecofin, qui reprenait l’information, indiquait que ledit rapport craint que l’Algérie «copie la Russie» et «utilise ses livraisons de gaz aux pays d’Europe du Sud comme une arme géopolitique». Le document, qui date de début juin, souligne que «la menace provient des livraisons de gaz algérien […] plus particulièrement à l’Espagne», en estimant que «cela représenterait un risque pour la résilience politique et économique de l’Europe» et qu’à long terme «cela menacerait le statut de l’Algérie en tant que fournisseur d’énergie pour l’Europe».
L’allusion à une intervention contre l’Algérie est perceptible dans un passage du rapport qui rappelle que «la sécurité énergétique est considérée depuis de nombreuses années comme un facteur important en matière de politique étrangère et de sécurité, y compris au sein de l’OTAN». Dit autrement, l’Alliance atlantique pourrait être appelée à intervenir pour écarter le risque d’une pénurie grave de cette énergie vitale, d’autant que les prévisions du document en question se sont confirmées avec le quasi-arrêt de la distribution du gaz russe à la France au lendemain de la visite d’Emmanuel Macron à Kiev à des fins électoralistes internes.
«Les inquiétudes de l’OTAN quant à l’utilisation par l’Algérie des livraisons de gaz comme arme géopolitique interviennent après la menace brandie, le 27 avril dernier, par l’Algérie de rompre le contrat de fourniture de gaz à l’Espagne si elle venait à l’acheminer vers une destination tierce», notait l’agence Ecofin, qui rappelle que «le géant algérien des hydrocarbures, Sonatrach, fournit bon an, mal an plus de 40% du gaz naturel importé par l’Espagne, dont l’essentiel lui parvient à travers le gazoduc sous-marin Medgaz, d’une capacité de 10 milliards de mètres cubes par an» et qu’«Alger a fermé le gazoduc Maghreb-Europe (GME) après la rupture, en août, de ses relations diplomatiques avec Rabat, privant ainsi le Maroc du gaz algérien qui transite par son territoire».
Ce n’est pas pour rien que le chef d’état-major de l’ANP adressait un message clair au haut conseiller de la Défense pour la région MENA, l’Air Marshal Martin Elliott Sampson, à Alger, en janvier dernier. Un message qui tiendrait presque lieu d’une mise en garde, ont noté des observateurs avertis qui se sont concentrés sur la dernière partie de l’allocution du général d’Armée Saïd Chengriha dans laquelle il avait mis l’accent sur le non-alignement de l’Algérie et sur le caractère souverain de ses décisions. C’est à l’ensemble des Etats membres de l’OTAN alignés derrière les Etats-Unis que l’Algérie a exprimé son refus de toute ingérence dans ses choix géostratégiques et ses alliances civiles et militaires.
La réponse du haut gradé algérien intervenait après des appels à sanctionner l’Algérie en raison de ses approvisionnements en armements auprès de la Russie. L’essentiel des équipements de l’ANP étant acquis auprès de ce pays auquel Washington livre une guerre par Ukrainiens interposés. Chengriha a expliqué à son hôte que l’Armée algérienne demeurait ouverte à une coopération avec l’ensemble des pays occidentaux et qu’elle était disposée à diversifier ses équipements, sans que cela lui soit imposé. Il répondait ainsi indirectement aux membres de la Chambre des représentants américains qui ont appelé le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, à mettre l’Algérie au ban de la communauté internationale après avoir souverainement, et sans céder aux pressions, voté contre l’exclusion de la Russie du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU et continué à adopter une position médiane dans le conflit qui fait rage entre les deux voisins de l’est de l’Europe.
En entraînant l’OTAN dans une confrontation directe avec la Russie, les Etats-Unis jouent leur survie, fait constater Abderrahmane Hadj Nacer. «Il faut savoir que la dette américaine s’élève à 31 000 milliards de dollars, un autre chiffre plus secret parle de 200 000 milliards de dollars. Ne pas rembourser une telle dette, c’est risquer la faillite, mais les Etats-Unis ne peuvent faire banqueroute, d’où le choix de la guerre en Ukraine», a expliqué l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie au forum d’El-Moudjahed.
Dans une interview parue dans Algeriepatriotique, le professeur émérite de physique théorique à l’Université catholique de Louvain, en Belgique, et membre de l’Académie royale de Belgique, Jean Bricmont, est catégorique : il faut dissoudre l’Alliance atlantique, parce que, argumente-t-il, «elle ne sert à rien de constructif». «Les Occidentaux pensent qu’ils ont un droit quasi divin de s’ingérer dans les affaires intérieures des autres pays du monde», soulignait-il, en ajoutant toutefois que «les bureaucrates qui vivent de cette organisation n’ont aucune envie qu’elle soit dissoute, et ils disposent de pas mal de moyens de propagande pour s’opposer à une telle éventualité».
A. S.
Comment (41)