Meurtre de Naël : la cagnotte de la honte pour soutenir le policier auteur du crime
Par Khider Mesloub – Durant le mouvement des Gilets jaunes, lors d’une manifestation organisée le 5 janvier 2019 à Paris, un ancien boxeur, Christophe Dettinger, avait été filmé en train de frapper deux policiers. Le lendemain, un de ses soutiens avait ouvert une cagnotte sur le site de la société Leetchi. Face à la polémique et l’indignation suscitées par cette collecte de fonds, sous la pression du gouvernement Macron, scandalisé, selon lui, par ce soutien financier apporté à un «voyou», devenu le «héros national» des Gilets jaunes, deux jours plus tard, la société Leetchi avait dû clôturer les dons, alors d’un montant de plus de 145 000 euros.
A l’époque, plusieurs membres du gouvernement Macron avaient fustigé cette opération de collecte de fonds, «cet argent donné pour la violence», avait souligné un membre de la majorité macronienne. «Apparemment, ça rapporte de frapper un policier», avait dénoncé le secrétaire d’Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, sur Twitter. «Quand l’attrait de l’argent vient s’ajouter à la haine et à la violence, je n’ai que du dégoût. Soutenir cette cagnotte, c’est être complice de cet acte et encourager les violences, avait, pour sa part, dénoncé Marlène Schiappa sur Franceinfo.
A peine un mois après, donc avec célérité et sévérité, Christophe Dettinger était condamné à un an de prison, aménagé en semi-liberté, et dix-huit mois de sursis avec mise à l’épreuve.
Pour ce qui est de la cagnotte, objet d’une bataille judiciaire de plus de deux ans entre Leetchi et le couple Dettinger, réclamant le versement du montant de la collecte ainsi que deux millions d’euros de dommages et intérêts, son «sort» fut scellé le 6 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris.
Dans une décision attendue, après plusieurs renvois, le tribunal s’opposa au versement de la cagnotte au couple Dettinger et ordonna à Leetchi de rembourser chaque contributeur. Le tribunal a estimé que la cagnotte n’avait pas été lancée au départ pour financer les honoraires des avocats de l’ancien boxeur, ni soutenir matériellement son épouse et sa famille, selon les arguments défense. Ce qui aurait été légal. Selon le jugement «la cagnotte a été créée afin de soutenir Dettinger à l’occasion des violences commises sur les forces de l’ordre». «La cagnotte en ligne a donc eu, initialement, pour but de soutenir un combat consistant en l’usage de la violence physique contre les forces de l’ordre (…) A l’évidence, la collecte de fonds dans cet objectif heurte suffisamment la moralité et l’ordre public pour être considérée comme un but illicite», soulignait le tribunal.
Ainsi, le tribunal a décidé d’annuler la cagnotte de l’ex-boxeur et Gilet jaune Christophe Dettinger qui avait agressé des policiers, car la collecte est en violation de l’ordre public et de la moralité. L’ancien boxeur n’a finalement pas touché cette somme.
Au lendemain de la mort de Naël, tué par un policier, après 48 heures de garde à vue, l’auteur du tir à bout portant a été mis en examen pour homicide volontaire, c’est-à-dire pour meurtre. D’aucuns ont écrit qu’il s’agit d’une exécution. Pour sa part, l’Association des Ami.e.s de Maurice Rajsfus a souligné dans son communiqué : «Naël n’est pas la victime d’un refus d’obtempérer mais bien celle d’une police sûre de son bon droit et agissant sur des réflexes racistes et néocoloniaux qui ne font aucun doute et, par-là même, très explicables, n’en déplaise aux autorités et au locataire de l’Elysée qui nient en permanence ces pratiques systémiques qui gangrènent l’appareil policier. Une fois de plus, un enregistrement vidéo amateur, réalisé par un témoin de cette scène de crime, à partir de son téléphone, a permis de mettre en déroute, presque immédiatement, les mensonges et les faux témoignages des deux policiers qui s’affirmaient en danger et en situation de légitime défense, dans leurs premières déclarations». Au vu de ces images, ce sont deux policiers criminels qui devraient être mis en examen pour homicide volontaire. A savoir le flingueur, mais aussi son collègue qu’on entend, sur les enregistrements, l’inciter au tir.»
En dépit de l’émoi soulevé par ce meurtre commis par le policier, reconnu présumé coupable par les juges qui l’ont mis en examen pour homicide volontaire, et de la rageuse indignation exprimée par la jeunesse par sa violente révolte destructrice, une partie de la France raciste apporte son soutien au policier qui a tué Naël, par le lancement d’une cagnotte en ligne, initiée par Jean Messiha, ex-soutien d’Eric Zemmour durant la présidentielle. A l’heure de la rédaction de mon article, plus de 500 000 euros ont déjà été récoltés.
Pour le moment, cette collecte de fonds controversée pour le policier qui a tué Naël à Nanterre suscite l’indignation uniquement parmi les internautes et une partie de la population française. Quelques voix s’élèvent également parmi les organisations de défense des droits et les militants contre les discriminations pour fustiger cette initiative lancée de surcroît par un raciste notoire. Selon ces organisations et militants, cette opération de soutien financier reflète le racisme systématique ancré dans la société française. En tout cas, cette provocatrice collecte ne contribue nullement à l’apaisement des tensions, donc des émeutes. Au contraire. Comme l’écrit le site Contre-Attaque : «C’est une véritable mobilisation silencieuse pour soutenir un criminel en uniforme.» (…) «L’argent obtenu par le policier responsable de la mort de Naël pourra lui offrir les meilleurs avocats et même un confortable pactole. C’est une prime au meurtre raciste ! L’agent a d’ailleurs déjà demandé sa remise en liberté qui sera auditionné dès la semaine prochaine. La justice fait preuve d’une belle réactivité sur le sort de cet agent.»
En revanche, la classe dirigeante française observe un silence honteux, voire complice, devant cette initiative lancée par le raciste égyptien Jean Messiha. La cagnotte de la honte a atteint une somme dépassant largement celle de la collecte créée en faveur de la famille de Naël. Les internautes expriment leur colère face à cette disparité choquante dans le soutien officiel et financier accordé aux parties impliquées dans ce drame, dont la seule victime est Naël, tué par un policier. Pour paraphraser les propos de Mounir Mahjoubi qui avait tweeté en 2019 : «Apparemment, ça rapporte de frapper un policier.» D’aucuns diraient : «Apparemment, ça rapporte de tuer un jeune lycéen par un policier !»
Comme ils s’étaient soulevés en 2019 pour dénoncer, au nom de la moralité et de la dignité, la collecte de fonds lancée pour soutenir Christophe Dettinger, les membres du gouvernement Macron et la classe dirigeante française vont-ils pareillement condamner le lancement de la cagnotte de la honte créée en soutien du policier mis en examen pour homicide volontaire, c’est-à-dire meurtre ? «Cet argent donné pour le meurtre», pour paraphraser le tweet d’un membre du gouvernement.
«Soutenir cette cagnotte, c’est être complice de cet acte et encourager les violences, avait dénoncé Marlène Schiappa à l’époque de la cagnotte Christophe Dettinger.» Pour la paraphraser, d’aucuns pourraient dire : «Soutenir cette cagnotte, c’est être complice de ce meurtre et encourager les violences criminelles policières.»
Pour la mémoire de Naël et le respect de sa famille, dans un souci d’apaisement, en vertu de la moralité invoquée en 2019 lors de l’affaire de la «cagnotte Christophe Dettinger», les membres du gouvernement et la classe dirigeante française exigeront-ils la clôture de la collecte de fonds controversée lancée par le polémiste fasciste Jean Messiha pour soutenir le policier mis en examen pour homicide volontaire ? Et la restitution de la somme récoltée aux contributeurs ?
K. M.
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