Coupures d’internet : la France intègre le club des pays totalitaires
Une contribution de Khider Mesloub – Casser le thermomètre n’a jamais fait tomber la fièvre. Pourtant, c’est l’ultime manœuvre illusoire que le président Macron, en charlatan de la médecine contre-insurrectionnelle, envisage d’opérer pour tenter d’endiguer la fièvre subversive. Pour juguler la juvénile révolte, Macron compte couper internet. Plus exactement les réseaux sociaux.
Macron a évoqué de potentielles mesures visant à bloquer l’accès aux réseaux sociaux. «Nous avons besoin d’avoir une réflexion sur les réseaux sociaux, sur les interdictions qu’on doit mettre. Et, quand les choses s’emballent, il faut peut-être se mettre en situation de les réguler ou de les couper», a déclaré Macron face aux maires, réunis à l’Elysée pour s’auto-rassurer, s’auto-consoler. Pour recevoir une séance de câlinothérapie de leur gourou, ce bourreau du peuple, Macron, doté d’un pouvoir magnétique de nuisance (sociale, économique) inépuisable. Pour information, évidemment cette coupure d’internet – si elle entrait en vigueur – toucherait toute la population.
Sur Twitter, Mathilde Panot, députée de LFI, a répondu : «Ok, Kim Jung-Un», en guise de comparaison avec le dictateur nord-coréen. Pour sa part, le premier secrétaire du parti socialiste (PS), Olivier Faure, a réagi en se fendant d’un tweet affligé : «Le pays des droits de l’Homme et des citoyens ne peut pas s’aligner sur les grandes démocraties chinoise, russe et iranienne.»
Un journaliste notait qu’«avec le contrôle des réseaux sociaux, les dictatures sont plus stables qu’auparavant». Macron, pour stabiliser son régime honni et contesté, semble emboîter le pas des dictatures par la mainmise totalitaire sur internet. Dans les pays dits autoritaires, les réseaux sociaux sont tout à la fois utilisés à des fins de propagande numérique pour manipuler l’opinion, et exercer un contrôle social totalitaire. Cela est encore plus vrai durant les périodes de crise politique ou sécuritaire, où internet est coupé.
Une chose est sûre, ces dernières années, la surveillance des réseaux sociaux se généralise dans de nombreux pays. La liste des pays qui ont mis en place des outils de surveillance des internautes, procédé régulièrement à des coupures d’accès à internet, ne cesse de s’allonger.
Et la France de Macron vient d’intégrer ce club de pays totalitaires. Dans ce club de pays fondé sur la terreur, lorsque des troubles sociaux surgissent, c’est l’ensemble du Web qui peut se retrouver coupé. On l’a constaté en Iran, en Birmanie, en Biélorussie, en Chine, etc. La France rejoint ainsi ces pays autocratiques qui imposent la censure par les coupures d’internet, musèle l’expression de la liberté par le verrouillage des réseaux sociaux. A ce titre, le gouvernement Macron projette d’adopter de nouvelles règles de contrôle des contenus sur les réseaux sociaux. Pis. D’instaurer, en collaboration avec les plateformes, une surveillance accrue pour localiser les auteurs de contenus estimés «radicaux» pour les traduire en justice.
Une chose est sûre, la France ne bascule pas du «démocratisme» à l’autoritarisme. Mais de l’autoritarisme bienveillant au totalitarisme tonitruant (tuant). Car la France a basculé de la prospérité économique à l’indigence sociale. De l’opulence à la tiers-mondisation. La «démocratie» est un luxe que la pauvre France officielle ne peut plus se permettre d’octroyer au peuple paupérisé, agité par la faim… de justice sociale, animé par un esprit de révolte insatiable !
Pour autant, en dépit de toutes ces entraves, internet et les réseaux sociaux restent couramment utilisés lors des épisodes de protestation contre des régimes dits autoritaires. En utilisant des réseaux privés virtuels (VPN), les internautes se connectent au réseau d’un autre pays et peuvent ainsi parfois échapper aux blocages.
Si le renforcement du contrôle des Etats sur l’internet est le signe manifeste d’un durcissement autoritaire, il traduit surtout un état de fébrilité politique, donc de faiblesse étatique, de vulnérabilité structurelle. Telle est la situation de la France en proie à une crise multidimensionnelle. Macron semble vouloir reprendre en main la diffusion de l’information à tous niveaux, notamment via les réseaux sociaux. Globalement, les médias lui sont sinon acquis, au moins bienveillants. En revanche, internet, espace de liberté numérique, échappe encore au contrôle totalitaire étatique. Plus désormais. Macron est déterminé à verrouiller les réseaux sociaux.
En effet, face à la fronde de sa prime jeunesse prolétarienne, qui lui donne du fil à retordre et des nuits d’insomnie, Macron veut dorénavant museler internet pour étouffer la révolte, déclenchée à la suite du meurtre de Naël, tué à bout portant par un policier. Mais sa mesure est vouée à l’échec. Car les réseaux sociaux sont, certes, des plateformes où l’information circule rapidement, mais ils sont loin d’être les seuls moyens de communication.
De surcroît, cette coupure d’accès à internet pourrait accentuer les tensions, exacerber la révolte, étendre la contestation à l’ensemble de la population. Car la mesure serait perçue comme la preuve de la volonté du gouvernement Macron de censurer et de contrôler l’information. De durcir sa gouvernance déjà amplement despotique. Donc la preuve de l’intégration de la France dans le club des pays totalitaires.
Et ce n’est certainement pas les coupures d’internet, les fermetures des réseaux sociaux, qui apaiseront le climat social explosif. Contrairement aux puériles allégations de Macron et de ces acolytes oligarques rejetant la responsabilité sur les réseaux sociaux (jeux vidéo) ou sur les parents accusés injustement de laxisme, les jeunes de banlieue, outre d’être victimes de discrimination protéiforme chronique, sont surtout frappés brutalement par la crise économique capitaliste, par la marginalisation sociale croissante, par une paupérisation extrême. Par l’abandon étatique et l’absence de perspective.
Certes, le meurtre de Naël a été l’élément déclencheur de la révolte des jeunes prolétaires, mais c’est le contexte d’approfondissement de la crise mortelle du capitalisme, marqué par la paupérisation extrême de populations déjà précarisées et marginalisées, qui est la véritable cause de la révolte des jeunes. Aussi, ni les répressions policières, ni l’intervention de l’armée, ni les coupures d’internet ne parviendront à déconnecter le réseau de la contestation sociale, ne pourront éviter la résurgence de nouvelles révoltes.
K. M.
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