Vilnius rêvait des flonflons de l’OTAN au temps des bals musette
Une contribution d’Ali Akika – La réunion de l’OTAN à Vilnius a donné lieu à un vacarme organisé pour éviter que les contradictions internes à l’organisation n’éclatent au grand jour. On a donc eu droit à un consensus habituel sans effet réel sur la suite des événements. Car la guerre actuelle a sa propre dynamique dont deux seuls acteurs comptent en vérité. Zelensky qui veut se faire entendre est réduit à crier, à se conduire d’une façon infantile, en critiquant des pays qui le nourrissent et sans lesquels son armée aurait déjà capitulé. Bref, il peut continuer à se lamenter, son armée tant vantée est à la peine et n’étaient les pauvres enfants ukrainiens qui se font décimer, ses certitudes d’une victoire certaine incite plutôt à rire. Ouvrons une parenthèse sur ces médias qui ont élu leurs héros de cette guerre.
Leur préféré Zaloujny, chef des armées ukrainiennes, patauge devant les défenses russes et sa contre-offensive tourne au massacre comme ce fut le cas à Bakhmout. Sa propagande avait donné rendez-vous aux médias à Austerlitz, mais Zaloujny, devenu leur «Napoléon» des temps modernes, ne leur offrit que «la morne plaine de Waterloo» (1). Ne boudons pas le plaisir que nous offrent ces médias pour leur rappeler que Prigogine, terroriste inscrit dans les lois des Etats-Unis et de l’Europe, devient subitement leur chouchou qui devait combler leur rêve de se débarrasser de Poutine avec «sa marche sur Moscou». Un autre acteur dont ils souhaitaient la défaite électorale il y a quelques semaines, Erdogan pour ne pas le nommer, devient du jour au lendemain un deuxième chouchou quand il libéra des commandants d’Azov faits prisonniers à Marioupol. D’une pierre il fit deux coups, mettre en colère Poutine et faire un cadeau «inestimable» à Zelensky pour qu’il puisse faire patienter son opinion. Ainsi, ces médias, ces nouveaux supplétifs des armées modernes, avaient débarqué à la réunion de l’OTAN à Vilnius pour assister à un tournant de la guerre en Ukraine par des livraisons d’armes, en veux-tu en voilà mais, surtout, avec un calendrier précis de l’entrée de l’Ukraine à l’OTAN. Quelle naïveté, quelle médiocre analyse de croire que la Russie, qui fait la guerre depuis le 24 février 2022, va dire Amen à des parlotes de forum et à des comportements infantiles de Zelensky.
Une fois ces remarques taquines faites, voyons ce que cache le théâtre officiel de Vilnius qui accoucha d’une déclaration poussive sans intérêt pour «nos» médias déçus. Il ne leur restait que leur messe entre soi (ils appellent ce cirque l’objectivité de leur démocratie) pour ressasser leurs petits mensonges et leurs obsessionnels délires de russophobie haineuse et imbécile.
La réunion de l’OTAN ne pouvait donc que déboucher sur un maigre résultat car pareille organisation minée par les intérêts économiques et géostratégiques contradictoires, travailla pour produire un consensus de façade. En revanche, Vilnius offrit aussi l’occasion d’observer un petit remue-ménage diplomatique. La vedette du remue-ménage fut Erdogan. Son double geste, libération des prisonniers d’Azov et son appui à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, sent la manœuvre tactique pour s’ouvrir à l’Occident en faisant des infidélités à son voisin, la Russie. L’avenir nous dira si Erdogan a joué avec le feu ou bien son audace cache-t-elle un jeu gagnant à long terme à la fois avec l’Occident et la Russie. Voyons ses atouts au service de ses ambitions à long terme. Il y a la position géostratégique de son pays et son héritage historique de l’Empire ottoman. Cette position et cet héritage lui permettent de jouer un rôle dans le transport des céréales et lui ouvrent le statut de médiateur dans de futurs et possibles négociations Russie-Ukraine. A côté de cet atout de la géographie, il a de solides relations économiques avec la Russie. Ce pays lui fournit du gaz, lui construit une centrale nucléaire, lui fournit les fameux S 400 redoutable défense anti aérienne.
Quant aux Etats-Unis, en tant que membre de l’OTAN, la Turquie abrite une base américaine aux portes de la Russie. Outre ces relations militaires et économiques, la Turquie bénéficie de l’appui des Américains dans son projet de faire partie de l’Union européenne, laquelle a coupé depuis des décennies toute négociation avec la Turquie. Et voilà que la guerre en Ukraine offre à Erdogan l’occasion de sortir sa carte de membre de l’OTAN. Il ne mettra pas son veto à l’entrée de la Suède, à condition que l’Union européenne lui ouvre à nouveau ses portes. Ce coup tactique, chantage pour les Européens, a l’appui des Etats-Unis et de la Suède qui veut faire sauter le veto turc pour entrer à l’OTAN.
Voilà où est le monde à la fin du bal musette de l’OTAN qui a permis à Erdogan de nouer de nouvelles relations et à Zelensky de connaitre l’angoisse/solitude du gardien des buts de son équipe (2). Restera de la réunion de Vilnius le dialogue à distance entre les maîtres du jeu en Ukraine. Les Américains ont imposé leur décision, laisser l’Ukraine à l’entrée le plus loin possible de l’OTAN. Pour calmer les ressentiments des va-t-en guerre et les petits gémissements des médias, le président américain annonça la livraison de F16 à l’Ukraine. La Russie s’en offusque et permet ainsi à Biden de renoncer à son audace première. En vérité, les Américains ne veulent surtout pas que leur F16 tombent entre les mains des Russes. Mauvaise publicité pour leurs marchands d’armes mais aussi et, surtout, voir leurs secrets technologiques et leurs techniques opérationnelles dans les combats aériens serait une catastrophe stratégique. En plus de ce revirement sur la livraison des F16, les Américains poussent les Ukrainiens à la table de négociations. Les cris d’orfraie de Zelensky et les vantardises de ses militaires à frapper le territoire russe seront ignorés par les Etats-Unis. Car leurs priorités sont ailleurs, damer les pions en Indopacifique à la Chine. Leur objectif d’affaiblir la Russie semble hors de leur portée. Ils ont conclu de consacrer leur puissance pour les défis de demain et de prévenir leur propre isolement diplomatique possible avec la montée des BRICS, de l’association de Shangaï qui taillent des croupières au dollar.
Quant à la Russie, alors que le front militaire non seulement tient bon mais risque de clouer au sol l’armée ukrainienne qui s’épuise sur les défenses russes, le front intérieur connut une petite tempête. Le directeur de la CIA en personne monta au créneau, suivi des supplétifs médiatiques de la planète Occident, pour prédire l’échec stratégique de Poutine. Remarquons la notion d’échec stratégique qui remplace défaite militaire entrainant la chute de Poutine. Les Américains connus pour leur pragmatisme s’adaptent aux rapports de force du moment. On comprend alors le travail souterrain des Américains incitant Zelensky à négocier. Lequel Zelensky a oublié «son jamais négocier avec Poutine» se contente aujourd’hui de supplier pour retrouver les territoires aux mains des Russes. Ainsi, la lecture des Occidentaux sur le terrain militaire et sur le paysage politique russe est handicapée par les trous dans la raquette de leur vision du monde. Hier, cette vision prédisait l’effondrement de l’armée russe, une armée défaite qui occupe 20% du territoire contre l’armée ukrainienne «victorieuse» qui abandonne ses équipements sur le terrain. Aujourd’hui, le discours bégaie mais continue d’accoucher des mêmes inepties sur la fragilité de Poutine. Ces inepties ne sont pas uniquement les fruits d’un manque d’intelligence stratégique mais de cette arrogance qui ignore l’Autre et bâtit une muraille dans le cerveau pour empêcher l’oxygène pourtant indispensable d’irriguer le cerveau en question. Et cette médiocrité de la pensée qui leur fait oublier qu’une guerre remet les pendules à l’heure. Ça s’appelle en politique rétablir des équilibres relatifs, sachant que l’équilibre absolu et éternel est une mystification politique. Pour avoir oublié cette évidence, une journaliste réputée «grande» se désole de voir le président Biden pousser les Ukrainiens à la table de négociations alors que Poutine, dit-elle avec l’assurance de l’arrogante, n’a jamais été aussi faible.
C’est ce genre d’ineptie que l’entendra encore car ça fait partie du charme discret de la bourgeoisie (Luis Bunel, grand cinéaste espagnol) mais surtout de la bêtise bourgeoise que l’écrivain-monument Gustave Flaubert affubla de son mépris la classe sociale qui préféra Danton à Robespierre et à Saint Just durant la Révolution du 14 juillet 1789.
A. A.
1- Morne plaine, vers d’un poème de Victor Hugo sur Napoléon.
2- L’angoisse du gardien de but au moment du pénalty, premier film de Wim Wenders qui lança sa grande carrière.
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