Les émeutes des banlieues ou la faillite des sciences sociales françaises
Une contribution de Khaled Boulaziz – «On va vous débarrasser de cette racaille.» (Nicolas Sarkozy, ancien président français). Dans l’entrelacs des récentes émeutes des banlieues, survenues suite à l’assassinat d’un adolescent par la police, la faillite béante des sciences sociales françaises se dévoile, à la mesure de leur héritage raciste et xénophobe. Confrontées à cette agitation sociale, les sciences sociales semblent figées dans leur incapacité à appréhender la profondeur des fractures et des tensions qui secouent ces quartiers marginalisés.
Dans ces territoires oubliés, l’approche empirique de la sociologie française semble peiner à appréhender les racines de la colère et du désespoir qui poussent ces jeunes à l’émeute. Les discours sociologiques demeurent prisonniers de schémas réducteurs, isolant les émeutiers dans un carcan d’étiquettes stigmatisantes, loin de la complexité des réalités vécues.
La géographie sociale, pour sa part, cartographie les lieux de la contestation, mais sans parvenir à explorer les méandres de la désillusion et de l’exclusion qui les sous-tendent. Loin de saisir les dynamiques invisibles, cette discipline peine à déconstruire les récits officiels qui occultent les causes profondes de ces mouvements.
L’économie, en scrutant les inégalités, semble ignorer les iniquités structurelles qui nourrissent l’exaspération. Les sciences sociales, cloisonnées dans leur propre écosystème académique, se trouvent prises dans une vision compartimentée de la réalité, reléguant au second plan les rapports de pouvoir et la marginalisation socio-économique qui alimentent ces flammes contestataires.
L’histoire, malgré sa connaissance des révoltes passées, reste hermétique aux soubresauts du présent. Elle semble faire abstraction de l’histoire coloniale et postcoloniale de la France, qui a contribué à façonner ces banlieues exclues.
Dans ce labyrinthe de savoirs, la faillite des sciences sociales françaises s’expose dans toute son ampleur. Cependant, au-delà des limites apparentes, il est essentiel de questionner l’implication même de ces sciences sociales dans le maintien d’un ordre social qui exclut et opprime.
Il est à rappeler qu’au sein du projet colonial en Algérie, ces mêmes sciences sociales françaises ont été instrumentalisées comme de puissants outils de domination et de justification de l’entreprise coloniale. Dans une vision xénophobe, ces pseudo-sciences dans une prétendue neutralité scientifique, ont produit une taxonomie des cultures, classant la société selon des critères culturels et raciaux, hiérarchisant ainsi les peuples dominés. Elles n’avaient qu’un seul objectif : classifier les populations autochtones d’Algérie «inférieurs» ou «primitifs», légitimant ainsi leur subordination et leur marginalisation au regard de la «civilisation» française.
C’est uniquement en faisant face à leur rôle historique raciste au service du projet colonial que les sciences sociales françaises pourront être adéquatement habilitées à contribuer à résoudre la crise des banlieues. Cette reconnaissance est essentielle pour briser les chaînes de l’oppression et établir des analyses plus équitables et inclusives.
En embrassant cette quête décolonisatrice, les sciences sociales peuvent réévaluer leur passé et déconstruire les idéologies préconçues qui ont influencé leur compréhension des banlieues. Cela nécessite de remettre en question les discours dominants et de se confronter à leurs biais historiques afin de mieux appréhender les tensions et les inégalités sociales qui alimentent la crise.
En reconnaissant leur complicité passée avec le projet colonial, les sciences sociales peuvent s’engager dans une approche plus inclusive, interdisciplinaire et engagée. Il s’agit d’écouter les voix des exclus, de comprendre leurs revendications et leurs luttes, tout en examinant de manière critique les structures de pouvoir qui les ont marginalisés.
La déconstruction des préjugés et des discours stéréotypés est essentielle pour créer un dialogue ouvert et équitable avec les émeutiers des banlieues. En embrassant cette démarche décloisonnée, les sciences sociales peuvent devenir des outils puissants pour saisir la complexité des réalités sociales et politiques afin de contribuer à la recherche de solutions durables à la crise des banlieues françaises.
Cette reconnaissance de leur passé raciste et colonial permettra aux sciences sociales d’adopter une approche plus éthique et juste, en travaillant main dans la main avec les communautés concernées pour construire une société plus équitable, inclusive et respectueuse des droits de tous.
K. B.
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