Cinéma et intelligence artificielle ou leur propagande sous une forme sublime
Une contribution de Saadeddine Kouidri – Il y a de plus en plus de monde qui dénonce la pratique de la loi du plus fort par l’Occident. Nous savons que cette loi est la première loi de la nature. Elle est pratiquée par l’homme depuis la défaite de l’Andalousie, en 1492. Elle coïncide avec leur découverte du Nouveau Monde, qui entraîne très souvent la colonisation de peuplement, synonyme de génocide, qui devient un facteur déterminant du capitalisme dans ses conquêtes. Il est normal qu’il se développe sur un terrain ensauvagé par le règne de la loi du plus fort. Ce n’est donc pas les contrées à conquérir qui étaient sauvages, comme nous le conte leur récit qui finit par cheminer sur leur slogan : «La violence, cette accoucheuse de l’histoire» et qui finit par imprégner le monde à travers les arts et particulièrement par le cinéma sous des formes sublimes, à couper le souffle. Vous vous imaginez les premières conséquences.
Celle de nous faire prendre les vessies pour des lanternes. Celle d’accepter cette nature de la guerre perpétuelle. Il leur a fallu mentir grossièrement. Le premier mensonge est celui de dire qu’ils étaient plus civilisés là où ils semaient la mort face à des hommes et des femmes qui, pour vivre, leur faisaient face dignement souvent les mains nues. Pour légitimer leurs meurtres aux yeux de leurs concitoyens, ils ont affirmé, science à l’appui, que nous autres, étions des sauvages. Que nous n’étions pas leurs semblables, que nous n’étions pas des êtres sensibles. Au moment où il ne suffisait plus de le dire, ils ont utilisé les arts pour convaincre leurs concitoyens, leurs valets jusqu’à leurs esclaves. Le 7e art qui a comme capitale Hollywood était le plus pernicieux dans cette propagande idéologique du Capital.
«Le slogan appartient aux politiciens et aux publicitaires», dixit un de nos grands cinéastes. Le cinéma n’est donc pas dans l’écrasante majorité de ses images qu’une publicité perpétuelle des réalités (du politique). Quand elle n’est pas une publicité, elle est de la propagande du Capital. L’artiste est toujours au service d’une classe. L’art n’est jamais neutre. Il n’est pas fiction ou réalité. Il est l’un et l’autre pour transmettre les enjeux des sociétés d’un point de vue personnel, de sa classe. Il va sans dire que c’est consciemment ou inconsciemment. On peut conclure que l’image au cinéma est toujours un slogan d’une idée ou la publicité d’un produit, sauf à de rares exceptions. Ce fait, de plus en plus évident, adossé au métacinéma, pousse les jeunes au jeu vidéo où, malheureusement, ils retrouvent le même récit.
Devant notre absence sidérante dans ce domaine et qui se creuse alors que l’Occident réactualise les mêmes slogans du suprématisme blanc (le récit raciste de leur colonisation civilisatrice). L’urgence de fabriquer notre récit continental en images demeure encore un enjeu primordial car l’ennemi perpétue sa domination culturelle en occupant le terrain et comptes y demeurer. Il a comme allié l’inconscience d’anciens cinéastes gestionnaires qui se préoccupent plus de l’ouverture de salle, alors que cette dernière est de plus en plus restreinte au seul lancement de films.
En mai 2023, un décret donnait naissance à un institut du cinéma. Il existait déjà un en 1964, aux Asphodèles, à Ben Aknoun, sauf qu’un an plus tard son directeur a été désigné à la tête de la Cinémathèque. L’Institut ferme ses portes. La situation géographique de la cinémathèque, le Suisse en France, sa Nouvelle vague, et d’autres facteurs positifs dans le monde intellectuel du cinéma semblaient pallier ce premier hold-up de cet acquis culturel de notre indépendance.
Le 22 juillet 2023, El-Moudjahid annonce le recrutement pour un nouvel institut situé à Koléa. On remarque que sur la liste des filières pour le recrutement des enseignants, il manque la filière du jeu vidéo.
Cela rappelle les cinéastes étatisés, d’il y a 60 ans, qui n’avaient pas su préserver l’enseignement en continu des métiers du cinéma, ils ont en commun ce déphasage avec ceux d’aujourd’hui.
Dans ce cas, il est difficile de rattraper notre retard dans le domaine de l’animation d’images, à moins que la coopération du nouvel institut de Koléa avec la Russie ou la Chine, semblable à celle des Polonais à Ben Aknoun, en 1964, puisse y palier. En attendant, nos enfants et d’autres ne se privent pas d’en consommer de l’image des plates-formes occidentales avec les risques qu’on devine.
On peut illustrer les conséquences de cette consommation par les propos d’un quotidien algérois du 27 juillet 2023, où on peut lire : «Ceci dit, et ça n’engage que ma personne, en décidant d’envahir l’Ukraine … Vladimir Poutine a, qu’on le veuille ou non, aidé l’OTAN à se façonner une image d’une ONG de défense des veuves et des orphelins.» Dixit un journaliste algérien et qui travaille aussi en France. Bravo !
Effectivement, l’OTAN ne mise plus sur ses chars pour embrouiller le monde, Poutine l’en a persuadé mais sur ses stars dont Angelina Jolie est la plus attitrée. Dans la même semaine, la journaliste Christelle Néant affirme que «l’aventure ukrainienne n’est absolument pas dans l’intérêt du peuple français, bien au contraire». Depuis, elle est menacée d’emprisonnement en France pour avoir révélé la vérité sur les massacres commis par le régime de Kiev… On entend comme un silence radio en France à ce sujet.
En 2018, Netflix projette trois de ses films en avant-première au cinéma pour s’aligner sur l’Académie des oscars hollywoodiens pour attirer ses réalisateurs ou ses acteurs prestigieux, qui ne souhaitent participer à des films que s’ils sont susceptibles d’être récompensés. Netflix a 220 millions d’abonnés à travers le monde, sauf en Chine (en Russie elle perd plus de 700 000 en mars 2022).
La méthode de travail des plateformes dont l’utilisation des méthodes de gestion, l’utilisation de l’intelligence artificielle, l’absence de protection de l’emploi, ont précarisé le travail des cinéastes au point où les scénaristes forts de leurs deux syndicats, The Writers Guild of America, East (WGAE), et The Writers Guild of America, West (WGAW), votent la grève. Ils sont suivis par plus de 170 000 employés. Cela ne s’est pas vu depuis que Ronald Reagan était acteur de série B et syndicaliste.
Le 2 août 2005, mon camarade Hachemi Cherif, l’unique secrétaire général que le PAGS a pu élire, perdait son dernier souffle. Pour lui rendre hommage, je n’ai pas trouvé mieux que de rappeler deux extraits de son livre Algérie modernité, enjeux en jeu : «Il y a plus de mille ans Rayhana la fine fleur de la révolution des Zendj disait : «Nous aussi, nous appelons à l’égalité entre nous, mais aussi entre les différents peuples de la planète… A bas toutes sortes de discrimination.»
Hachemi rêve de l’Algérie en ces termes «au «peuple algérien, ses femmes et ses hommes, qui ont longtemps enduré des souffrances indicibles et consenti des sacrifices colossaux, le pays de Massinissa, El-Kahina, de Tarik Ibn Zyad, d’Ibn Toumert, d’Ibn Khaldoun, de l’Emir Abdelkader, de Fatma N’soumer, de Larbi Ben M’hidi et Mostapha Ben Boulaïd, des Hassiba et Djamila, de Mohamed Boudiaf, ce pays et ce peuple méritent un destin voué tout entier à la paix, à la prospérité et au progrès sur tous les fronts». Amen.
S. K.
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