Quatre vérités dont l’Algérie devra tenir compte avant toute adhésion aux BRICS
Noureddine Legheliel est analyste boursier en Suède. Il énumère, dans cet entretien à Algeriepatriotique, les quatre points que l’Algérie devra prendre en considération avant d’adhérer aux BRICS. Il alerte sur «la dépendance criante des Etats membres de ce groupe aux économies des pays occidentaux, et à leur tête les Etats-Unis». «Cette dépendance empêche les BRICS de concurrencer économiquement les pays occidentaux», avertit-il. Interview.
Algeriepatriotique : Il est beaucoup question en ce moment de la non-adhésion de l’Algérie aux BRICS qui a suscité de nombreux commentaires. Par-delà le cas algérien, on parle surtout de chambardement de la finance internationale, en clair, de dédollarisation. Qu’en est-il ? Est-ce possible ?
Il faut savoir que les économies des pays BRICS dépendent beaucoup des économies du G7 et plus particulièrement de celle des Etats-Unis. C’est une vérité que l’Algérie, qui s’apprête à rejoindre ce groupe, doit prendre en considération. Primo, je commence par décrire l’évolution des monnaies des BRICS par rapport au dollar américain sur une période de cinq ans. A travers les graphes de cotations, on distingue ceci : du 1er juin 2018 jusqu’au 1er juin 2023, la monnaie chinoise, le yuan renminbi, avait chuté de 10,32% par rapport au dollar américain. Durant la même période de cinq ans, la monnaie indienne, la roupie, avait baissé de 21% par rapport au dollar américain. La monnaie brésilienne, le réal, avait dévissé de 32% par rapport au dollar. La monnaie russe, le rouble, avait connu une chute de 28%, toujours par rapport au dollar, et la monnaie sud-africaine, le rand, s’est effondré de 52% encore face au dollar. Conclusion : ces graphes de cotation des monnaies des BRICS montrent bel et bien la faiblesse de ces monnaies face au billet vert.
Les BRICS sont donc, bien malgré eux, dépendants des Etats-Unis et du dollar ?
La réalité du terrain nous montre qu´à ce jour les BRICS détiennent des actifs financiers américains et les plus connus sont les bons de Trésor américains dont la valeur dépasse les 1 450 milliards de dollars. Cela veut dire que ces pays financent la dette extérieure américaine. Je vous donne les chiffres en milliards de dollars : la Chine détient pour 858 milliards de dollars des bons de Trésor américains, composés des T-Bonds (obligations d’Etat américain à long terme) et des T-Bills (obligations de l’Etat fédéral américain à court terme). L’Inde détient des bons de Trésor américains d’une valeur de 232 milliards de dollars, le Brésil 214 milliards de dollars, la Russie 236 milliards de dollars – mais, après le déclenchement de la guerre d’Ukraine, tous les actifs financiers russes aux Etats-Unis ont été gelés par le gouvernement américain. L’Afrique du Sud, quant à elle, n’en détient pas.
D’où les BRICS tirent-ils leur croissance économique ?
La croissance économique des BRICS est tirée, primo, par des Investissements étrangers directs (IDE) et plus particulièrement des IDE des pays occidentaux et, secundo, par l’endettement extérieur. Pour la Chine, 180 milliards de dollars d’investissements étrangers ont été enregistrés en 2022, contre 85 milliards de dollars pour le Brésil, 51 milliards pour l’Inde et 9 milliards pour l’Afrique du Sud. La Russie, soumise à des sanctions économiques occidentales, n´est pas prise en compte dans ces statistiques.
Les BRICS peuvent-ils créer un marché boursier commun ?
Les pays du groupe des BRICS insistent, en effet, sur la création d’un marché boursier commun, mais la réalité du terrain nous montre que les plus grandes et les plus prestigieuses entreprises des pays des BRICS sont cotées à la Bourse américaine de Wall Street, à New York, Bourse connue pour ses trois Indices : le Dow Jones, le SP 500 et le Nasdaq. En chiffres, la Chine en possède 249 entreprises cotées à la Bourse américaine de Wall Street, le Brésil 27 entreprises, l’Inde 17 et l’Afrique du Sud 43. La Russie avait plus de 23 entreprises avant la guerre en Ukraine, mais l’embargo imposé par l’Occident contre ce pays a contraint la SEC [l’organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, ndlr] à supprimer la cotation de ces entreprises des indices boursiers américains.
Propos recueillis par Nabil D.
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