Un ex-Premier ministre italien révèle un crime commis par la France en 1980
De Rome, Mourad Rouighi – Deux fois président du Conseil, Giuliano Amato a accompagné la vie politique italienne depuis une cinquantaine d’années, occupant également les fonctions de ministre du Trésor, de l’Intérieur et des Réformes. En 2022, il devient président du Conseil constitutionnel, élu à l’unanimité par les juges ayant-droit. Et, en ce début de rentrée politique, pressé par certains cercles politiques, il a accordé une interview au quotidien romain La Repubblica où il a abordé l’affaire Ustica, cet avion DC9 abattu par un missile en 1980 tuant 81 civils innocents.
Pour Giuliano Amato, il ne fait aucun doute, l’objectif de l’opération menée par la France, sous Valéry Giscard d’Estaing et étudiée dans ses moindres détails par l’ex patron du SDECE, ancêtre de la DGSE, Alexandre de Marenches, était de tuer le leader libyen Mouammar Kadhafi, de retour d’un séjour en Yougoslavie et dont le plan de vol prévoyait justement un passage par l’espace aérien italien.
Ce plan, selon l’ancien Premier ministre italien, confié aux troupes de l’OTAN, prévoyait de simuler un exercice, avec de nombreux avions en action, au cours duquel un missile devait être lancé contre l’avion du leader de l’ex-Jamahiriya. L’exercice devait être une mise en scène qui aurait permis de faire passer l’attaque pour un accident involontaire, mais c’est un DC9 de la compagnie privée Itavia, transportant des civils en partance de Rome qui fut touché, créant un embarras et un silence assourdissant, qui durent depuis 43 ans.
Giuliano Amato formule ainsi, par le biais de La Repubblica, des accusations précises concernant l’affaire Ustica et pointe du doigt Paris et Washington. Il se dit catégorique et affirme que la responsabilité de cette tragédie est à imputer à l’armée de l’air française, «avec la complicité des Américains et de ceux qui ont participé à la guerre aérienne dans notre espace aérien, cette soirée du 27 juin 1980». Et d’ajouter que Mouammar Kadhafi fut averti du danger par l’ancien leader socialiste Bettino Craxi et n’a pas embarqué à bord de son avion.
Le missile lancé contre l’avion libyen a fini par toucher le DC9 d’Itavia qui a coulé avec quatre-vingt-un innocents à son bord.
L’ancien Premier ministre italien a, par ailleurs, indiqué que «ce missile a été lancé par un avion de chasse français au départ d’un porte-avions au large des côtes sud de la Corse ou de la base militaire de Solenzara, très fréquentée ce soir-là». «La France n’a jamais fait la lumière là-dessus, ni voulu le faire», a-t-il asséné.
Giuliano Amato pointe enfin du doigt la classe politique française actuelle. «Je me demande pourquoi un président comme Macron, de par son jeune âge, étranger à la tragédie d’Ustica, ne veut pas enlever la honte qui pèse sur la France et Paris ne peut l’écarter que de deux manières : soit en démontrant que cette thèse est infondée, soit, une fois sa validité vérifiée, en présentant les plus profondes excuses à l’Italie et aux familles des victimes, au nom de son gouvernement», a-t-il dit. «Ce silence prolongé ne me semble pas être une solution et il est temps d’y mettre fin», a encore affirmé l’ancien haut responsable politique italien.
Un récit que de nombreux Italiens jugent comme étant l’hypothèse la plus probable, d’autant que par la suite, Bettino Craxi sera accusé d’infidélité et d’intelligence avec l’ennemi par les services de l’OTAN et d’espionnage au profit d’un adversaire de l’organisation atlantique. Une description assez véridique, puisque tout au long de sa carrière politique, Bettino Craxi se voulait ami du Monde arabe, de Mouammar Kadhafi, de Yasser Arafat et des Palestiniens. «Un homme d’Etat assez indépendant en politique étrangère», a rappelé Giuliano Amato, dans cette interview qui ne cesse de créer des remous au sein du monde politique italien, mis sous pression par une opinion publique qui n’a toujours pas oublié le destin tragique des passagers du DC9 d’Itavia.
M. R.
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