David devient Goliath
Par Hocine-Nasser Bouabsa – Que l’histoire de David contre Goliath soit une légende fantaisiste ou une réalité avérée, importe peu. Le plus important est qu’elle est devenue au fur des siècles le grand symbole de la grandiose résistance et de l’héroïque combat des oppressés faibles contre leurs oppresseurs hyperpuissants. Le père de Salomon n’est pas seulement un prophète pour les musulmans, mais il fut surtout le roi hébreu qui libéra le peuple juif de la terreur des Philistins.
Beaucoup d’événements sombres ont ébranlé et marqué la mémoire collective du peuple juif. On peut en citer, entre autres, sa libération du joug pharaonique et l’exode vers la Palestine ; sa déportation vers Babylone, l’Irak d’aujourd’hui ; sa réduction au rang d’esclave par les Romains et son errance autour du Bassin méditerranéen ; la Reconquista espagnole et son exode vers l’Afrique du Nord ; l’holocauste nazi et sa migration massive vers la Palestine. Tous ces événements ont un point commun : échapper à l’oppression, à l’esclavage ou carrément à l’extermination.
De brillants savants, intellectuels ou historiens qui pourraient l’éclairer et le guider. Le peuple juif en a eu en grand nombre. Mais, alors, comment se fait-il qu’un peuple aussi outillé d’intelligence et de savoir, ayant lui-même été victime de tant d’injustices et d’oppression, puisse oublier et éluder de sa mémoire ce que ses ancêtres ont enduré ? A tel point qu’il devienne aujourd’hui lui-même bourreau de ceux – les Palestiniens – qui étaient prêts à cohabiter avec lui, lorsque presque toute l’Europe participait à son expédition mortelle vers les chambres à gaz et les crématoires érigés par les criminels nazis comme outils de leur «solution finale», qui consistait à purifier l’Europe du gène sémito-judaïque ?
L’Etat d’Israël est aujourd’hui le porte-drapeau de beaucoup de juifs à travers le monde. Du moins, de tous ceux d’entre eux – les sionistes – qui ont tronqué la vision d’un judaïsme ouvert, humaniste et cosmopolite, contre un autre, renfermé, raciste et ultranationaliste. La Heimat [le pays de naissance], créée pour servir comme ultime refuge libre, social et solidaire – l’esprit du kibboutz – aux juifs menacés par l’extermination nazie, s’est malheureusement progressivement transformée – particulièrement à cause du soutien inconditionnel que lui garantit l’Occident, pour des raisons surtout géopolitiques – en un Etat raciste, arrogant, belliqueux, expansionniste et oppresseur. Un Etat qui utilise la fameuse tactique du petit pas, chère à Kissinger, pour judaïser toute la Palestine et même toute la région faisant partie de l’imaginaire sioniste : le «Grand Israël». Il n’est plus question seulement maintenant de coloniser la Cisjordanie par des Européens judaïsés, génétiquement moins hébreux que les Palestiniens – dont beaucoup sont des descendants d’Hébreux christianisés ou islamisés –, mais surtout aussi de sioniser complètement Jérusalem, la «ville sainte» chère aussi aux chrétiens et aux musulmans.
Le forcing criminel, basé sur la stratégie de la terreur, du fait accompli et de la terre brulée, qu’exercent le gouvernement israélien et ses protecteurs euro-étatsuniens avec leur déluge des bombes, vise en réalité à vider Gaza et la Cisjordanie de sa population palestinienne autochtone et à cimenter le statut de Jérusalem «capitale unie et éternelle de l’Etat hébreux». Ce forcing reflète l’esprit négationniste des Israéliens envers les Palestiniens. Il renforce la conviction de ceux qui ne croient plus en la bonne volonté pacifique des Israéliens et de leurs mentors, et détruit tout brin d’espoir de voir un jour Israéliens et Palestiniens vivre ensemble ou, du moins, cohabiter pacifiquement.
En confiant le gouvernail de son destin à un sionisme belliqueux, le peuple juif, non seulement est passé du statut de victime à celui de bourreau, mais il perd aussi son statut moral de «peuple élu». Titre qu’il méritait tant qu’il respectait scrupuleusement la devise prophétique – synonyme d’une vision, d’une protection et d’un sacrilège formidable de la vie sur terre – révélée dans les trois livres monothéistes, «celui qui sauve une vie, c’est comme s’il sauvait toute l’humanité et celui qui tue une vie, c’est comme s’il tuait toute l’humanité».
Par la force des faits, David s’est aujourd’hui malheureusement transformé en Goliath. Sa politique sauvage d’extermination, d’occupation, d’oppression, d’expropriation, de déportation et de déni, qu’il exerce sur le peuple palestinien, lui sera certes un jour fatale. C’est la loi divine, qui n’a fait et ne fera jamais d’exception. Sinon les Pharaons, les Romains et autres empires encore beaucoup plus puissants seraient encore aux commandes de notre monde.
L’humanité doit condamner et s’opposer à la politique israélienne apocalyptique, non pas seulement pour rendre justice, comme la tradition davidienne l’exige, à un peuple opprimé, mais aussi pour rendre service à cette humanité, toujours en quête d’un vivre-ensemble harmonieux sur terre. Car c’est autour de Jérusalem – «la ville de la paix», en hébreux – que se décide le destin de cette humanité sur notre planète : le paradis ou l’enfer.
H.-N. B.
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