Silence, on tue !
Par Khider Mesloub – Silence, on tue ! Tel pourrait être le titre du scénario mis en scène par les courageuses mais pas téméraires personnalités de la sphère culturelle française, ces piètres actrices de l’histoire qui se sont finalement résolues à pousser des cris d’orfraie pacifiques en mode mineur et, surtout, mutique pour réclamer silencieusement la paix au Proche-Orient. Pour les Israéliens, ces criminels de guerre auteurs d’une épuration ethnique, ou pour les Palestiniens, victimes d’un génocide ? Du fait de leur mutisme éhonté, on ne le saura jamais. Ou plutôt si, à écouter la réponse d’un des participants : «Il n’y a pas à prendre parti pour les uns, pour les autres.» Autrement dit, il renvoie dos à dos les massacreurs de Tsahal et les populations civiles palestiniennes.
Plusieurs milliers de personnes se sont mobilisées en réponse à un appel de 600 personnalités du monde de la culture, à une marche «silencieuse», ce dimanche 19 novembre à Paris. Sous le patronage de l’ancien ministre de la Culture, le sinistre Jack Lang, avec une grande banderole blanche et sans slogan, le cortège s’est élancé de l’Institut du monde arabe pour se diriger vers le Musée d’art et d’histoire du judaïsme. Deux symboles culturels de la dégénérescence des mondes arabe et juif, tous deux gangrenés par l’islamisme et le sionisme, ces deux faces idéologiques d’une même survivante pièce de monnaie appartenant à l’ancien monde féodal obscurantiste.
Leur manifestation dominicale ressemblait davantage à une procession funèbre. A un enterrement de la lutte. A une mise en bière du combat. Si tant est que ces vocables, lutte et combat, leur parlent, eux qui sont ordinairement sourds à la souffrance du peuple. Encore davantage au martyre des peuples opprimés et colonisés.
Nos héroïques saltimbanques, ces mutins du mutisme ou mutiques mutins, ne voulaient surtout pas perturber les massacreurs de Tsahal dans leur foudroyante et tonitruante opération génocidaire. Faire taire, par leurs cris de révolte, les bruits terrifiants des bombardements, les sifflements assourdissants des balles sionistes, les stridulations des Palestiniens, ces «animaux humains», selon les dirigeants du gouvernement fasciste israélien, les vagissements déchirants des bébés de Gaza déchiquetés, les gémissements d’agonie des femmes palestiniennes.
Le collectif à l’origine de cette marche a baptisé sa procession funèbre «Une autre voix ensemble». Pour «faire entendre une autre voix : celle de l’union». Plutôt une autre voie, celle de l’occlusion. De la fermeture de toute perspective de lutte anticolonialiste. De l’obstruction du combat antisioniste.
«Nous avons opté pour une neutralité absolue en réponse au bruit des armes», a déclaré l’une des organisatrices du défilé en mode silencieux, adepte du pacifisme.
La neutralité bienveillante prônée par la bourgeoise pacifiste parisienne et ses congénères dégénérés participe, plutôt, d’une neutralisation de toute réaction révolutionnaire aux massacres perpétrés par l’Etat nazi d’Israël. De la politique de «chape de silence», synonyme de résignation, d’indignation mutique. De pacifisme béat.
Or, comme l’histoire nous le démontre, le pacifisme n’a jamais empêché les guerres. Encore moins arrêté celles-ci, une fois déclenchées. Les manifestations pacifistes n’ont toujours servi qu’à démobiliser les meilleures volontés insurrectionnelles dans des processions démoralisantes, funèbres et, surtout, vaines.
En aucun cas on ne peut s’opposer à la guerre par le pacifisme. Encore moins par le mutisme. «Affronter un bavard est une épreuve, certes. Mais que faire de celui qui vous envahit pour vous imposer son mutisme ?», écrit Amélie Nothomb. Eh bien, on le réduit au silence pour le faire taire à jamais.
K. M.
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