L’Italie rate l’Expo-2030 : Giorgia Meloni face au soudain revirement africain
De Rome, Mourad Rouighi – Ne dit-on pas que les chiffres ne mentent jamais et que la sentence qu’ils transmettent est souvent définitive ? Une citation résumant parfaitement le résultat proclamé à Paris et qui a vu la capitale saoudienne obtenir l’organisation de la prestigieuse Exposition universelle de 2030, par un raz de marée de voix reléguant Rome à la troisième place.
Plus en détail et c’est l’objet de cette réflexion, les observateurs italiens ont commencé à analyser les raisons de cette véritable déroute diplomatique, et ce, en faisant un zoom sur les 53 pays membres de l’Union africaine, 53 Etats qui ont tous voté pour Riyad-2030, contredisant toutes les prévisions faites jusque-là. Un camouflet cinglant pour Giorgia Meloni, à qui une vingtaine de pays du continent noir auraient promis de soutenir la candidature romaine, mais qui, au bout du compte, n’en récolte aucune.
Que s’est-il donc passé entre-temps ? Tout d’abord, nous dit un observateur introduit dans les rouages de l’organisation du Bureau international des expositions (BIE), Riyad a pu compter dès le départ sur le soutien de gros calibres, Etats-Unis, Chine, Russie et France, qui ont orienté dans les coulisses le choix de divers pays. Riyad a également fait valoir ses multiples synergies, à commencer par la star mondiale Cristiano Ronaldo et ses 625 millions de followers qui, dans un monde hyper-connecté, a fait campagne pour la capitale saoudienne.
Enfin, une source bien informée nous introduit un élément de réponse de la dernière semaine, à savoir l’effet Gaza. En effet, nous dit-on à Rome, pour certains pays d’Afrique et notamment les poids lourds de l’UA et ceux d’Amérique latine – Brésil, Colombie et Venezuela en tête –, la position italienne vis-à-vis du conflit à Gaza n’a pas été à la hauteur de ce qu’il y a lieu d’espérer d’une diplomatie façonnée par des hommes d’Etat du calibre d’Enrico Mattei, Aldo Moro, Bettino Craxi et Giulio Andreotti, pour ne citer que ceux-là.
Un constat fait aussi par l’ancien président du Conseil, Giuseppe Conte, chef de file du Mouvement des 5 étoiles, qui avait prévenu la semaine dernière Giorgia Meloni, que l’Italie se devait de préserver son aura de pays liant sa diplomatie au droit international et que certaines postures mettaient à mal les intérêts nationaux dans de nombreux concerts.
Pour toutes ces raisons, la presse italienne relève aujourd’hui que même des pays censés être proches parmi les proches, la Tunisie et l’Albanie, ont voté pour Riyad. D’où certains éditoriaux au vitriol parus aujourd’hui, qui critiquent de manière virulente le silence du gouvernement italien face aux massacres de civils à Gaza, en arrivant même à affirmer que cela a probablement convaincu une trentaine de pays d’opérer un revirement que nul ne pouvait prévoir, il y a peu de semaines de cela.
M. R.
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