Quand la laïcité devient un outil de diabolisation des musulmans et de sacralisation des juifs
Une contribution de Khider Mesloub – Sous la domination contemporaine de la bourgeoisie xénophobe et belliciste française, la laïcité, originellement fondée sur la neutralité vis-à-vis des religions, est aujourd’hui convertie en entreprise de stigmatisation et de criminalisation des adeptes de la religion musulmane. Et, concomitamment, de sanctification et d’absolution du judaïsme, dans sa forme déviée par les sionistes. Mieux, dans cette France transformée en colonie israélienne, la laïcité s’est muée en entreprise de déification du sionisme. La preuve, le normalement irréligieux palais de l’Elysée s’est métamorphosé en lieu de culte, à l’instar de toutes les rédactions médiatiques françaises, devenues des succursales des agences d’information israéliennes qui dictent le narratif informationnel et donnent le tempo à la sarabande communicationnelle exécutée par la bande des politiciens tricolores, ces danseuses du ventre du capital entièrement acquises au sionisme.
Cette vassalisation de la France à Israël a été confirmée, il y a quelques jours, par la plus haute institution politique du pays, l’Elysée. Par l’organisation d’une cérémonie religieuse dans le temple de la République, de surcroît célébrée dans une langue étrangère par un dignitaire religieux sioniste, l’ancien employé de la banque Rothschild, qui avait, par ailleurs, inconditionnellement soutenu Israël dans sa guerre d’extermination menée contre les populations civiles palestiniennes de Gaza, vient confirmer, si besoin est, son allégeance au lobby sioniste de France. Cela prouve l’imposture de la laïcité, obsessionnellement brandie par les autorités françaises exclusivement pour museler et réprimer les Français et immigrés de confession musulmane.
Historiquement, aux yeux des Républicains français de la fin du XIXe siècle, la laïcité constituait un instrument politique brandi pour soustraire à l’Eglise catholique son emprise sur l’éducation des enfants en vue de la transférer à l’Etat, mais jamais une arme de guerre contre la religion. Au reste, tel était le «programme pédagogique» de Jules Ferry pour qui «l’enseignant a pour mission de ne pas s’opposer aux croyances religieuses des parents d’élèves».
Certes, la revendication de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, tout comme la liberté individuelle du culte, a longtemps figuré dans le programme du mouvement ouvrier révolutionnaire du XIXe siècle. Cependant, au XXe siècle, une fois cette revendication satisfaite par l’ensemble des Etats capitalistes sécularisés, autrement dit une fois le pouvoir institutionnel et l’empire éducatif de l’Eglise anéanti, la laïcité est, depuis lors, en particulier en France, instrumentalisée par les classes dirigeantes à des fins de dévoiement politique. A cet égard, il est utile de rappeler que tous les pays capitalistes occidentaux se sont sécularisés, sans pour autant avoir adopté la notion de laïcité belliciste à la française.
La laïcité, «religion civique» de la bourgeoisie française, est devenue une arme de mystification idéologique, destinée à semer la division parmi les «couches inférieures» d’origines ethniques et religieuses diverses.
Globalement, selon le point de vue des organisations socialistes du XIXe siècle, dans une société européenne encore féodale, la religion devait être certes critiquée et combattue. Mais cette critique et ce combat devaient s’inscrire dans la lutte révolutionnaire globale menée contre la société et l’Etat bourgeois en vue de l’émancipation humaine universelle. Non comme une fin en soi, animée par un esprit bourgeois anticlérical, avec, comme unique dessein, l’institutionnalisation de la laïcité dans le cadre du maintien de la société capitaliste. Le mouvement ouvrier a toujours refusé de s’associer à l’hystérie anticléricale déchaînée par la bourgeoisie, en particulier en France.
Au reste, dans un contexte marqué par une virulente offensive menée contre la religion par les anticléricaux, le 1er Congrès de l’Association internationale des travailleurs (AIT) dut se résoudre à se démarquer de cette hystérie antireligieuse orchestrée par les élites bourgeoises françaises. En effet, le premier congrès de l’AIT, tenu à Genève en septembre 1866, rédigea une déclaration de principe affirmant que la religion «est une des manifestations de la conscience humaine, respectable comme toutes les autres, tant qu’elle reste chose intérieure, individuelle, intime […], chacun pensera sur ce point, ce qu’il jugera convenable, à la condition de ne point faire intervenir son Dieu dans les rapports sociaux et de pratiquer la justice et la morale». Le combat n’était pas orienté contre la religion en soi, mais contre les pouvoirs théocratiques et institutions confessionnelles dominantes.
En Europe, le développement des forces productives, autrement dit, l’industrialisation et l’urbanisation, conjugué à la scolarisation massive des populations, avait déjà permis un net recul du sentiment religieux au sein de la classe ouvrière. Les marxistes considéraient qu’une propagande antireligieuse s’avérerait stérile et laisserait courir un risque de division au sein de la classe ouvrière. C’est à dessein qu’ils s’opposèrent aux blanquistes et aux anarchistes – ancêtres des laïcards hystériques contemporains – désireux d’inscrire le principe d’athéisme dans le programme des organisations révolutionnaires.
Dès cette période d’expansion du capitalisme, les socialistes tracèrent une trajectoire claire en ce qui concerne la question religieuse. La séparation de l’Eglise et de l’Etat, et la conception de la religion comme une affaire privée, non seulement ne furent pas intégrées au centre du combat, mais elles furent rejetées pour leur dévoiement politique, leur puissance de nuisance sur le prolétariat. Et surtout de diversion et de division.
Le discours anticlérical bourgeois a vocation de faire de la laïcité une fin en soi, autrement dit, il s’agit de détourner la classe ouvrière de son véritable objectif : la lutte contre le capitalisme. La révolutionnaire allemande Rosa Luxemburg dénonçait déjà en son temps l’instrumentalisation de la laïcité par la bourgeoisie française : «L’incessante guérilla menée depuis des dizaines d’années contre la prêtraille est, pour les républicains bourgeois français, un des moyens les plus efficaces de détourner l’attention des classes laborieuses des questions sociales et d’énerver la lutte des classes, L’anticléricalisme est, en outre, resté la seule raison d’être du parti radical. L’évolution de ces dernières trente années, l’essor pris par le socialisme a rendu vain tout son ancien programme. […] Pour les partis bourgeois, la lutte contre l’Eglise n’est donc pas un moyen, mais une fin en soi, on la mène de façon à n’atteindre jamais le but, on compte l’éterniser et en faire une institution permanente.»
Un siècle plus tard, la bourgeoisie sénile et décadente française continue toujours à instrumentaliser la laïcité, à mener «sa guérilla incessante», aujourd’hui contre les musulmans et l’islam.
Entre les mains des classes dirigeantes françaises contemporaines en plein ensauvagement, ces dernières décennies, la laïcité est devenue, en effet, un instrument d’abomination de la religion musulmane, actionnée pour diviser les classes populaires de France, affaiblir leur unité sociale par les fausses divisions religieuses délibérément accentuées pour acculer les Français de confession musulmane à se dissocier de leurs «frères de classe», du fait de leurs supposés particularismes confessionnels incompatibles avec les valeurs républicaines de la France (sic). Et les «Français de souche» à anathématiser, ostraciser et ségréguer leurs frères de classe d’obédience islamique.
Pour rappel, en France, l’islam est non seulement la deuxième religion du pays, mais surtout la religion de la grande partie de la fraction immigrée la plus exploitée, la plus opprimée. Un prolétariat immigré que la classe dominante française s’applique à maintenir, à l’instar de ses ancêtres indigènes des colonies, dans la soumission et la paupérisation.
Comment attiser et entretenir la division entre travailleurs français et immigrés, blancs et arabes et noirs, sinon par la dévalorisation et le dénigrement de ces derniers, décrits systématiquement de manière péjorative, caractérisés comme étant des populations dangereuses, voire barbares, dont il faut se méfier du fait de leurs «mœurs étranges» et de «leur religion étrangère» (sic).
L’instillation de stéréotypes épouvantables sur les immigrés favorise le racisme. C’est ce climat délétère qui provoque également des réactions virulentes, des attitudes d’hostilité systématique contre toute expression et exposition publique de la religion musulmane, notamment la construction d’une mosquée ou le port de tout signe islamique.
Certes, il faut combattre l’emprise réactionnaire religieuse, notamment islamique, mais non au moyen de mesures coercitives étatiques stigmatisantes et intimidantes, comme l’applique insidieusement l’hystérique gouvernement Macron, qui jette en pâture les Français et immigrés de confession musulmane à la vindicte populeuse, afin de dévoyer les griefs et la colère de la population française exprimés contre sa politique antisociale, la flambée des prix, la dégradation de leurs conditions de vie. Or, Macron tente de focaliser l’attention des travailleurs sur la «question vestimentaire» pour éluder la question sociale et les problématiques de la nutrition. Et, surtout, pour affaiblir et neutraliser une riposte de classe à la hauteur des exigences historiques actuelles, marquées par une dégradation dramatique des conditions de vie de l’ensemble de la population laborieuse de France, toutes origines et confessions confondues.
Au vrai, dans cette période de marche forcée vers la guerre généralisée, d’exaltation hystérique du patriotisme et d’apologie du militarisme belliciste, la campagne tapageuse laïcarde s’inscrit dans cette politique d’union nationale qui a pour dessein, entre autres, de dévoyer l’opposition naissante entre internationalistes et militaristes vers le clivage stérile entre laïcs et religieux (islamiques).
A suivre la propagande étatique et médiatique française, ce seraient les musulmans qui menaceraient la paix et la «civilisation», et non pas la bourgeoisie française sioniste et belliciste qui, par son programme de réarmement outrancier, l’instauration de l’économie de guerre et son soutien inconditionnel apporté à l’Etat militariste israélien, mène le pays droit vers la conflagration militaire mondialisée, donc vers des massacres de masse, la barbarie guerrière, l’anéantissement nucléaire, non seulement des Français, mais également de l’humanité.
K. M.
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