Yves Bonnet : «La trace que feu Nezzar laisse dans l’histoire doit être suivie !»
Par Kamel M. – «J’apprends avec une profonde tristesse la disparition de mon ami, le général Khaled Nezzar, grand Algérien et grand homme de bien», a écrit Yves Bonnet, à l’annonce du décès de l’ancien ministre de la Défense nationale. «Celui qui fut quand il le fallait un patriote inflexible y compris contre la France dont, pour ma part, je portais l’uniforme, celui qui fut quand il le fallait le garant de l’héritage des pères de la Révolution et des acquis du congrès de la Soummam, celui qui sauva l’Algérie de la dérive religieuse et qui se retira loin des honneurs et des attaques indignes d’une poignée de déserteurs amnésiques, ce croyant, ce hadj, était mon ami et le restera», a-t-il poursuivi.
«Je m’incline avec le plus profond respect devant la haute figure de Khaled Nezzar, fils de l’Algérie indépendante et d’un peuple qui m’est cher», a ajouté l’ancien patron de l’ex-DST et grand ami de l’Algérie. «Je forme des vœux ardents pour que la trace qu’il laisse dans l’histoire soit suivie par les Algériennes et les Algériens, où qu’ils résident, quoi qu’ils fassent, quoi qu’ils pensent», a-t-il conclu.
Personnalité suffisamment compétente pour observer la scène algérienne, Yves Bonnet a écrit Le berger de Touggourt, un ouvrage qui enterre définitivement la thèse du «qui tue qui», appliquée à l’affaire de l’assassinat par le GIA des moines de Tibhirine, après leur enlèvement en mars 1996. L’auteur met en lumière les amalgames qui étaient sciemment entretenus pour rendre la situation confuse et pour dévaloriser le combat antiterroriste mené en Algérie. Le but de cette manœuvre étant de porter atteinte à la mobilisation populaire contre le terrorisme, de neutraliser le mouvement de solidarité avec le peuple algérien et d’encourager les forces qui voulaient porter secours aux groupes terroristes à travers le projet de «commissions d’enquête», comme si les revendications des crimes lancées, à partir de Londres notamment, ne suffisaient pas.
Son livre richement documenté, à partir notamment de déclarations et de témoignages des acteurs les plus hauts placés dans l’institution militaire, explique l’essence du «qui tue qui» : transformer aux yeux de l’opinion publique, surtout à l’étranger – plus facile à tromper vu son éloignement des réalités algériennes – des criminels agissant dans les groupes terroristes en «résistants», pour leur attirer non pas l’opprobre qu’ils méritent, mais la sympathie en attendant le soutien. Sur l’affaire de l’assassinat des moines de Tibhirine, par exemple, Yves Bonnet, en expert, détruit la thèse de la «bavure» de l’armée algérienne qui aurait «tiré d’un hélicoptère contre les moines» et démontre qu’elle est tout simplement invraisemblable.
L’auteur du livre consacre au juge Marc Trévidic un chapitre remarquable, pour expliquer comment il a pu être embarqué dans une aventure médiatique et le prix à payer pour cette dérive : «L’abandon du souci constant de la vérification, de la rigueur, qui interdit les à-peu-près, et, s’agissant des magistrats, les suppositions, les supputations qui ne peuvent qu’égarer les esprits les mieux construits». Un des mérites de ce livre est d’avoir traité avec le plus grand sérieux la thèse du «qui tue qui», à partir du cas de l’assassinat des moines de Tibhirine, pour la récuser entièrement à l’aide d’arguments indiscutables.
K. M.
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