Marrakech striptease
Par Hocine-Nasser Bouabsa – Parmi les événements étranges de la fin d’année 2023 figure la réunion organisée entre les ministres des Affaires étrangères du Mali, du Burkina-Faso, du Niger, du Tchad et du «sultanat de Marrakech et Fès», ancienne appellation, avant qu’en 1912, le maréchal Lyautey, l’ait rebaptisée «Maroc» pour non seulement lui donner une consonance moderne et sympathique, mais aussi faire oublier aux Européens que Marrakech était la capitale des brigands, des assassins et des coupeurs de routes. L’ordre du jour officiel était consacré exclusivement à un projet chimérique, que le Makhzen et ses actionnaires internationaux utilisent comme paravent pour parachever leurs propres objectifs colonialistes et visées expansionnistes, suivant un dosage homéopathique élaboré dans les laboratoires des maître-penseurs impérialistes.
Déjà, au mois de novembre dernier, Mohammed VI a annoncé la couleur dans son discours à l’occasion du 48e anniversaire de la marche d’occupation du Sahara Occidental. Ce discours a été dédié dans son ensemble à la stratégie de colonisation de ce territoire qui, suivant les résolutions onusiennes et les jugements de la Cour internationale de justice, est encore non-autonome. Au cœur de cette stratégie perfide réside le nouveau concept d’«atlantisation du Maroc» que les mentors et sponsors du Makhzen ont élaboré pour élargir et asseoir leur hold-up sur les ressources naturelles du peuple sahraoui et pour cimenter la politique du fait accompli que le Makhzen pratique sous leurs ordres depuis la marche d’occupation, le 6 novembre 1975.
Ce concept d’«atlantisation» focalise exclusivement sur le Sahara Occidental. Dans son discours, le régent alaouite a annoncé, en tant que porte-parole bien discipliné et briefé, une batterie de mesures colonisatrices. En outre, il a annoncé la consécration de la politique makhzénienne du remplacement ethnique intensif au détriment du peuple autochtone, et ordonné l’exploitation poussée des ressources naturelles offshore de ce territoire, ainsi que le développement du tourisme de masse balnéaire le long de sa côte.
Connaissant la géographie désavantageuse qui limite son expansionnisme et conscients de la faiblesse de la position de leur protégé colonisateur au niveau régional, les spin-docteurs autour du vizir André Azoulay, ont dû creuser dans les mirages irréels pour sortir ce concept d’«atlantisation» qu’ils commercialisent en l’adossant dans un premier temps au projet du gazoduc transportant le gaz nigérian par la façade atlantique vers l’Europe.
Habitué au ridicule primaire et comme une grenouille qui se prend pour un éléphant, le Makhzen pousse l’outrecuidance jusqu’à prétendre vouloir créer «un cadre institutionnel regroupant les 23 Etats africains atlantiques en vue de consolider la sécurité, la stabilité et la prospérité partagée dans la région». C’est Mohammed VI en personne qui, confondant le palais royal avec les lieux de ses soirées arrosées, l’a annoncé dans son discours. Vingt-trois pays ! C’est presque la moitié des pays membres de l’Union africaine. Une telle déclaration est une menace voilée adressée à cette organisation, dont un membre s’appelle la République arabe sahraouie démocratique. N’étant plus en possession de ses facultés intellectuelles et physiques, il est fort possible que Mohammed VI ne soit pas conscient de la portée véritablement explosive de ce que lui a fait dire son vizir Azoulay.
Comme une hyène à la recherche de proies faciles, le Makhzen, sous l’impulsion de son vizir et ses mentors, a jeté son dévolu sur quatre pays sahéliens, qu’il entend phagocyter par la sorcellerie légendaire marocaine, en leur faisant miroiter des promesses qu’il ne pourra jamais tenir. Le Mali, le Niger, le Burkina-Faso et le Tchad, actuellement en froid avec la communauté internationale et les pays riverains (CEDEAO), en raison de leur situation politique interne controversée, sont confrontés à des boycotts et sanctions qui, entre autres, leur interdisent l’utilisation des ports des pays voisins. Ce qui étouffe complétement leurs économies et, donc, augmente le mécontentement populaire dans ces pays.
Pour le Makhzen, c’est l’occasion en or de leurs offrir une virtuelle bouée de sauvetage. Mohammed VI a été chargé de lancer ces bouées, lorsqu’il a déclaré dans son discours : «Pour favoriser l’accès des Etats du Sahel à l’océan Atlantique, nous proposons le lancement d’une initiative à l’échelle internationale. Néanmoins pour qu’une telle proposition aboutisse, il est primordial de mettre à niveau les infrastructures des Etats du Sahel et de les connecter aux réseaux de transport et de communication implantés dans leur environnement régional. Le Maroc est disposé à mettre à leur disposition ses infrastructures routières, portuaires et ferroviaires.» Mohammed VI sous-entend évidemment les infrastructures inexistantes au Sahara Occidental, que les investisseurs étrangers devraient donc construire pour sauver les pays sahéliens.
La réunion du 23 décembre entre dans le cadre de cette offre chimérique. Elle a été clôturée par un communiqué final dans lequel les ministres des Affaires étrangères des quatre pays du Sahel «expriment l’adhésion de leurs pays à l’initiative marocaine» de connecter des réseaux de transports qui, il faut le dire, n’existent pas encore. Pire, qui n’ont même pas été jusqu’à ce jour planifiés et dont le financement des futurs travaux est du ressort plutôt de la magie et de l’illusion.
Cette situation kafkaïenne est connue de tous et donc aussi des ministres sahéliens qui ont fait le déplacement à la ville des charlatans et des charmeurs de serpents, Marrakech. Ces ministres savent pertinemment que le royaume du tourisme sexuel, de la pédophilie et du haschich est lui-même étranglé par des dettes abyssales et par de très grandes difficultés financières qui l’obligent à quémander continuellement auprès des monarchies arabes, des institutions de Breton Woods et de ses sponsors euro-étatsuniens des rallonges de fin de mois pour continuer à exister. Ce qui ôte à ce protectorat franco-israélien toute marge de manœuvre pour parrainer des projets gigantesques, comme la construction d’un nouveau réseau routier de plusieurs milliers de kilomètre.
Sachant cela, pourquoi ces ministres ont-ils donc accepté l’invitation du charlatan-en-chef Nasser Bourita de se rendre à Marrakech ? La réponse à cette question sera donnée dans un prochain article.
H.-N. B.
P.-S. : Dans le choix du titre, j’ai hésité entre strip-tease et Fata Morgana. Mon choix s’est porté sur le premier parce que c’est ce qui va le mieux à Marrakech, avec tous ses lieux de débauche. La ville peut être réellement comparée à un bar ou les femmes et les hommes se dénudent pour vider les portefeuilles de leurs clients. C’est un peu ce qui arrivera aux pays du Sahel, s’ils persistent dans leur choix de céder au racolage du Makhzen.
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