Le jour d’après : celui de l’inhumain ou de l’autre ?
Une contribution de Saadeddine Kouidri – «Expulsez-les !» disait Ben Gourion à Rabin en 1948 et le 6 octobre 2023, l’injonction s’accomplissait sous une forme plus maligne, puisque le sionisme était sur le point d’effacer la cause palestinienne. Le jour d’après, la résistance menée par le Hamas la revivifie dans le monde. Trois mois plus tard, des hommes de loi engagés dans la lutte pour les libertés, et à leur tête le jeune ministre d’Afrique du Sud, adossés à la solidarité des peuples, lui ouvre la Cour internationale de justice pour accuser Israël de génocide. Là, Netanyahou trouve que le monde tourne à l’envers. C’est l’entame du jour d’après.
Depuis 101 jours, le capital bombarde Gaza, pour les raisons que tout le monde connaît, et aujourd’hui il parle du jour d’après. C’est sa façon de nier l’échec de son gendarme au Moyen-Orient face à la résistance palestinienne et faire oublier les autres, à commencer par la plus récente, la trêve et sa négociation avec le Hamas. Toutes les autorités occidentales ont qualifié la mort des colons en Israël, le 7 octobre, de terrorisme, tout en transformant cet événement tragique en une opportunité pour tourner le dos à l’Ukraine, comme si les «terroristes» du Hamas les avaient secourus en les délivrant des mains de la Russie. Ces dernières semaines, les Occidentaux reviennent cahin-caha de cette ingratitude et de ce racisme qu’ils héritent de leur longue période coloniale, entamée depuis le XVe siècle par le génocide des Amérindiens.
Le pouvoir étasunien, boosté par le pétrodollar, est à la fois, selon l’opportunité, allié aux juifs, aux chrétiens et aux musulmans, tout en empruntant à l’empire romains sa devise : diviser pour régner. Il ne cesse de provoquer l’autre, ce non-allié, ce non-aligné, cet étranger, ce Russe, cet Arabe, ce Noir, ce juif, ce musulman, pour avoir l’occasion de le déposséder de sa terre natale, de sa richesse naturelle, ou de l’abattre. Aujourd’hui, le sionisme, cet avatar du colonialisme de peuplement, de l’apartheid, du national-socialisme et du national-religieux est en échec, comme il est arrivé maintes fois, à ses prédécesseurs. N’étant plus capable de tuer tout le monde, les pouvoirs israélien et étasunien optent pour la seconde méthode du génocide, qui consiste à priver d’eau, de nourriture et de soins la population de Gaza, pour l’affamer, tout en la bombardant.
La résistance reprend de dessus, à l’image du monde qui retrouve, grâce à son retour sur le terrain de la lutte armée, la solidarité des peuples, en sus des manifestations, celle d’user du droit international qui condamne le génocide et de la loi universelle qui donne droit à l’autodétermination des peuples colonisés, votée le 14 décembre 1960 à l’ONU. Pourquoi le sioniste qui prétend lutter pour son indépendance ne revendique-t-il pas l’application de cette loi ? Est-ce parce qu’elle lui rappelle les manifestations du peuple algérien et le sort des colons pieds-noirs ? Le gouvernement de Netanyahou paraît comme un avatar de l’OAS. C’est à croire que la colonisation de peuplement accouche forcément d’un monstre avant sa défaite.
Il faut rappeler que le moyen le plus sûr dans la lutte de libération, c’est la lutte armée que la victoire du capital sur l’URSS a fini par faire oublier à Arafat qui, depuis, l’a abandonné pour emprunter, avec l’aide des Etats du Golfe, le chemin de la paix avec le sionisme. Le leader de l’OLP avait fini par ne plus croire que la victoire était au bout du fusil et que la libération de la terre natale, celle des ancêtres, était au-dessus de tout clivage politique et religieux. Il n’y a que l’ennemi de l’autodétermination des peuples qui prétend le contraire.
Le 10 octobre 2023, des étudiants de Harvard ont pris position contre le génocide des Palestiniens. Quelques jours plus tard, ils ont été accusés de complicité avec le terrorisme.
Le 26 novembre, Mary Lawlor, la rapporteuse spéciale des Nations unies des droits de l’Homme, après une visite de dix jours, fait dix recommandations à l’Algérie. La question est : pourquoi Blinken ne les prend-il pas en compte avant de nous menacer de sa nouvelle arme, celle de sa «liberté de culte» ? Une liberté qui, aux mains de M. Blinken et ses acolytes, est de nier toutes les autres pour nous mettre une épine sous le pied, pour avoir initié le projet de traîner son gendarme au Moyen-Orient devant la CPI.
Pour faire taire un tel perturbateur, ce secrétaire aux Affaires étrangères fourbit une arme pour réoxygéner les islamophobes occidentaux et sa 5e colonne dans le monde musulman, à astreindre l’autre à la liberté de culte. A ce stade du capital, l’intérêt des pouvoirs occidentaux s’aligne sur ceux des islamistes, des juifs, des chrétiens, des rois et avec tout celui qui est contre la citoyenneté et qui leur permet de légaliser démocratiquement les inégalités et l’exploitation. Le souci des Etatsuniens est d’étouffer toutes les libertés qui mettent en péril leur empire dont la stratégie est de donner raison exclusivement aux extrémistes. Là, c’est la liberté des riches de s’enrichir par tous les moyens, y compris par le vol, le pillage et la guerre, et la liberté de culte pour tous les autres. Cette stratégie a permis au capital d’allier l’extrême-droite à l’antisémite, le bourreau à sa victime.
L’antisémitisme comme le colonialisme ont en commun le racisme qui neutralise jusqu’aux talentueux intellectuels français. Dans les débats télévisés, ces derniers sont terrorisés au point de ne pouvoir parler de la guerre en Palestine. Ils en font allusion sans pouvoir prononcer ne serait-ce que le nom de Gaza, alors que si le cœur y est, la gorge est sèche, par la crainte d’entamer l’actualité qui contredirait le récit juif qui formate le sionisme, dans leurs médias.
Le choc que subissent les habitants de Tel-Aviv, groggy depuis le 7 octobre à ce jour, découle de l’image qu’ils avaient de leur armée et de leurs services de sécurité, en l’absence de la lutte due aux divisions dans les rangs de la résistance, minée par l’illusion de la paix des braves en sus de l’accord d’Abraham, initié par Trump le républicain et que Biden le démocrate poursuit. Le capital a fait croire que le sort des Palestiniens était scellé et qu’il était aux mains du sionisme et de ses larbins, les royaumes et les émirats arabes.
En Occident, et particulièrement chez les Etatsuniens, règnent la phobie de la pauvreté, le revers de leur médaille. Pour l’oblitérer, le capital se sert entre autres du fascisme, de l’islamophobie, de l’écologie, du communautarisme LGBT, etc. M. Blinken et son ambassadeur au culte devraient s’occuper de leurs pauvres et non du culte des autres, surtout quand ils s’adressent à un pays qui améliore la vie de ses citoyens, de moyens dont l’enseignement gratuit ouvre la perspective d’élargir leurs libertés et où les jeunes chômeurs ont une allocation qui les protège des circuits de commerce, où le gain facile n’a pas de limite, comme le domaine de la drogue, de la prostitution où règne de roi de l’Ouest, cet archi-milliardaire du phosphate marocain et sahraoui.
Les voyages de Blinken au Moyen-Orient apparaissent comme de la poudre de Perlimpinpin. Son véritable trajet pour arrêter des bombardements de Gaza serait celui d’aller à la Maison-Blanche dire à son président Bident d’arrêter de vendre des armes à Israël, ou encore de lui dire de stopper les milliards de dollars d’aide à cet Etat terroriste. En réalité, M. Blinken veut s’assurer que les royaumes arabes partagent les objectifs d’Israël jusqu’à financer la reconstruction de ce qu’Israël a détruit.
La réussite de l’Afrique du Sud à traîner Israël devant la Cour internationale de justice nous ramène au rapport de force mondial en faveur de la liberté des peuples des années 1960, la période du Mouvement de libération national, le MLN. Comment consolider cet acquis pour que le capital ne reprenne pas la main est l’affaire de tout le monde épris de liberté, de toutes les libertés.
S. K.
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