Un historien israélo-marocain conseille aux Algériens d’«oublier la colonisation»
Par Nabil D. – La suggestion mal à propos témoigne d’une sacrée dose de culot. Détenteur de la double nationalité de deux Etats colonisateurs, Michel Abitbol demande aux Algériens rien moins que de tourner la page de 132 ans de crimes impunis contre l’humanité commis par la France. «Pour continuer à vivre, les juifs ont oublié avec une facilité extraordinaire ce qui est arrivé à Vichy. Il est temps que les Algériens oublient la colonisation, il est temps d’arrêter avec la dénonciation constante de l’impérialisme», a conseillé cet historien israélo-marocain. Il surenchérit, dans un entretien au magazine L’Express : «Ernest Renan écrivait que pour que tous les citoyens d’une nation aient quelque chose en commun, il faut qu’ils aient oublié bien des choses de leurs origines».
«Vous imaginez si tous les juifs de France vivaient avec cette obsession de ce que la France a fait pendant la guerre ? Ils considèrent au contraire que leur martyr pendant la Seconde Guerre mondiale fait partie intégrante du martyr de la France sous l’occupation», ajoute l’auteur du livre rédigé en hébreu De Crémieux à Pétain : antisémitisme et colonialisme en Algérie.
«L’éducation a joué un rôle primordial, puisque les juifs de France ont toujours cru dans les bienfaits de la méritocratie républicaine. Mais surtout, ils ont compris quelque chose de très important : il faut accepter de voir évoluer le socle religieux. Cela ne veut pas dire que l’israélisme français n’est pas respectueux de la religion, mais plutôt qu’il a fourni un effort idéologique d’adaptation des valeurs du judaïsme aux valeurs de la République. En d’autres termes, plutôt que de choisir le repli identitaire, les juifs ont considéré que l’intégration à la France était l’occasion d’un enrichissement de l’identité juive», explique l’universitaire de 80 ans, natif de Casablanca, au Maroc.
Nageant à contre-courant des thèses des historiens israéliens comme Ilan Pappé et Shlomo Sand, et du penseur franco-marocain Jacob Cohen, Michel Abitbol rejette l’entière responsabilité dans l’interminable conflit au Proche-Orient sur les Arabes qui «ont toujours rejeté tous les plans de partage». «Ils refusaient toute forme d’Etat juif, qui, d’une certaine manière, porte atteinte à la continuité du monde arabo-musulman», développe-t-il. «Les guerres de 1948 et de 1967 s’enracinent dans ce rejet initial. Avec la création de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en 1964, on avait un mouvement national palestinien qui voulait supplanter le mouvement national juif. Mais avec les années 1970-1980 et l’apparition du mouvement islamiste, on est entré dans un mouvement religieux qui veut effacer toute trace de judaïsme dans le Proche-Orient», fait-il constater, en omettant, toutefois, de souligner que ce même «mouvement religieux» d’extrême-droite siège au gouvernement et au Parlement israéliens.
Affichant son opposition à l’actuel Premier ministre, Benyamin Netanyahou, il n’en relaye pas moins son discours, en estimant que l’attaque de la résistance palestinienne du 7 octobre dernier, qu’il qualifie machinalement de «massacre», faisant ainsi sienne la propagande des médias israéliens et occidentaux. Michel Abitbol plaide pour une solution à deux Etats qui «doit passer par un règlement politique», mais se garde de dénoncer les atrocités que le régime nazi de Tel-Aviv comment à Gaza et en Cisjordanie, où le nombre de victimes avoisine les 25 000.
N. D.
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