Le pompeux Macron panthéonise en grande pompe le migrant Manouchian
Une contribution de Khider Mesloub – A l’époque des années troubles 1930-1940, Missak Manouchian avait le double tort d’être immigré et «terroriste». Immigré pour les autorités françaises et «terroriste» pour l’Etat nazi alors occupant la France. Si l’Allemagne nazie avait gagné la guerre, Manouchian serait demeuré aux yeux de l’histoire, de tout temps fabriquée par les vainqueurs, c’est-à-dire la classe dominante, terroriste.
Depuis l’existence des sociétés de classes, toute lutte émancipatrice ou révolution est insidieusement associée au terrorisme. Qualifiée de terrorisme.
De fait, de tout temps, les vainqueurs, tout comme les classes dominantes confrontées aux luttes émancipatrices, s’acharnent toujours à disqualifier le combat de leurs ennemis. Notamment par l’usage de qualificatifs péjoratifs, délibérément dévalorisants, criminalisants. Ainsi, le combat des Algériens pour se libérer du joug colonial français est toujours considéré, de nos jours encore, par la frange nostalgique de l’Algérie française, comme du terrorisme. Les révolutionnaires algériens étaient taxés de terroristes. De même, les Communards étaient qualifiés de terroristes par les Versaillais. Pareillement, les Bolcheviks étaient également étiquetés de criminels par le Tsar et l’armée blanche soulevée contre le nouveau pouvoir populaire soviétique. Les Palestiniens sont aujourd’hui qualifiés de terroristes par l’Etat nazi d’Israël et les pays impérialistes occidentaux.
Pour rappel, Missak Manouchian est un ouvrier, poète et militant communiste arménien immigré en France. Il est né le 1er septembre 1906 à Adıyaman (Empire ottoman) et mort fusillé le 21 février 1944 à la forteresse du Mont-Valérien (France). En 1924, il immigre en France.
Manouchian est surtout célèbre pour avoir été à la tête des FTP-MOI (Main-d’œuvre immigrée) de la région parisienne de la résistance intérieure française à partir d’août 1943.
L’hypocrite et idéologique panthéonisation de Manouchian orchestrée par le pantin du capital étasunien, Macron, constitue, pour nous, l’occasion de revenir brièvement sur ce mythe de la «résistance française».
Dès l’invasion de la France par l’Allemagne nazie, suivie de sa cuisante défaite, fracassante débâcle, gouvernement, partis et syndicats se sont tous spontanément ralliés au régime de Vichy patronné par le Troisième Reich.
L’humoriste et écrivain Pierre Dac avait souligné ironiquement, avec son humour légendaire corrosif et instructif qui le caractérise : «Les résistants de 1945 sont parmi les plus glorieux et les plus valeureux combattants de la résistance, ceux qui méritent le plus d’estime et le plus de respect parce que, pendant plus de quatre ans, ils ont courageusement et héroïquement résisté à leur ardent et fervent désir de faire de la résistance.» Il raillait ainsi les «résistants de la dernière heure».
Si les Français, au cours des années 1940-1945, sous l’occupation allemande nazie, ont fait preuve de constance, c’est celle de la collaboration. En effet, la France entière ou presque a été «collabo», comme les travaux d’historiens l’attestent. L’historien américain Robert Paxton a écrit que les Français s’étaient comportés comme des «collaborateurs fonctionnels». Donc, la résistance est fictionnelle.
Au reste, le général De Gaulle le reconnaît implicitement lui-même : «J’attendais que des Français me rejoignent à Londres et je n’ai vu arriver que des juifs.»
Quand bien même il y a eu quelques résistants français, ils n’ont, en fait, occupé qu’une place très secondaire aux côtés des alliés dans la guerre contre les nazis et, à plus forte raison, dans la libération de la France. De Gaulle lui-même a mené sa légendaire résistance emmitouflé dans sa robe de chambre, depuis Londres, son exil royal doré.
«Si la résistance n’avait pas existé, le calendrier de fin de la guerre aurait été à peu près le même», reconnaît Fabrice Grenard, directeur historique de la Fondation de la résistance.
Pourtant, pour intégrer la France parmi le camp des alliés, alors qu’elle a collaboré allègrement avec le régime nazi allemand, la propagande étatique et médiatique a toujours enjolivé le rôle de la résistance pour la libération lors de la Seconde Guerre mondiale. «Il fallait absolument ancrer la France dans le camp des vainqueurs, rappelle Fabrice Grenard. On a donc survalorisé le rôle de la résistance, notamment sur le plan militaire, pour mettre en avant l’idée que la France s’était libérée d’elle-même, avec l’aide des alliés.»
Comme le reconnaissent les historiens contemporains, la libération de la France était bel et bien le fait des alliés, et non de la mythique résistance française. Et si résistance il y a eu, œuvre majoritairement d’immigrés, étrangers et juifs, elle était menée au nom des principes internationalistes et communistes, et non françaises et patriotiques. Contre le nazisme. Qui plus est, Manouchian et ses camarades communistes luttaient pour la transformation sociale et la révolution, et non pour la libération de la France bourgeoise et coloniale.
Par conséquent, le récit d’une France majoritairement résistante est une fable, inventée par De Gaulle et ses collaborateurs politiques au moment de la libération.
Globalement, les résistants ont été très minoritaires, majoritairement des immigrés et des juifs. Dans leur écrasante majorité, les Français ont appuyé massivement Pétain et son régime de collaboration avec le régime nazi. Au cours de l’occupation, comme le reconnaissent nombre d’historiens, ils ont surtout fait preuve d’opportunisme, voire de lâcheté, notamment de délation.
Sans conteste, la France des années d’occupation a été moins celle de la résistance que de la collaboration.
Cette perfide panthéonisation de l’immigré Manouchian, organisée en grande pompe par le pompeux Macron ce mercredi 21 février, s’inscrit dans l’agenda militariste de la France impérialiste. Cet enrôlement du résistant immigré et communiste, Manouchian, dans le dogme républicaniste et patriotique participe, dans le contexte de surenchère militariste contemporain, de l’opposition entre le «bon» étranger et le «mauvais». Le bon immigré est, bien sûr, celui qui, pour l’amour de la France, est prêt à sacrifier sa vie.
En cette période de durcissement des formalités pour l’acquisition de la nationalité française, de remise en cause du droit du sol (remplacé de facto par le droit du sang), Macron, lors de la cérémonie de panthéonisation, par sa décision d’octroyer la nationalité française à l’immigré Manouchian, mort à la guerre il y a 80 ans, a envoyé un message clair aux immigrés désireux s’intégrer dans la France. Pour bénéficier de ce fameux sésame, la carte d’identité française, l’engagement dans la défense inconditionnelle de la France est requis, l’enrôlement dans l’armée française est hautement recommandé, voire indispensable. Ce ne sera plus par le droit du sol que l’immigré pourrait prétendre acquérir la nationalité, mais par le devoir du sang… versé pour la défense de la France.
Dans ce contexte de ravivement de la flamme patriotique et de l’esprit sacrificiel, de militarisation de la société et de préparation à la guerre mondiale, de tarissement démographique gaulois et de pénurie de forces militaires françaises, cette exaltation de l’étranger arménien mort prétendument pour la patrie française (qu’aucun fait historique n’atteste) vise ainsi à inciter les immigrés à suivre son «héroïque et dévoué exemple» : s’engager dans l’armée pour mourir pour la France.
K. M.
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