Un récent sondage le révèle : 54% des jeunes Français souhaitent fuir le pays
Une contribution de Khider Mesloub – Des siècles durant, de la fin du XVe siècle jusqu’au mitan du XXe, l’Europe était une terre d’émigration. Des millions d’Européens, ces «harraga» du capitalisme embryonnaire, prenaient régulièrement d’assaut des embarcations de fortune pour gagner le Nouveau Monde, de nouvelles contrées, au péril de leur vie. Sans passeport, ni visa. Avec comme seul bagage leur force de travail. Ou leur sens du commerce, des affaires, du business. Ou leur esprit prédateur, leur tempérament dominateur, leur instinct colonisateur. Comme ce fut le cas avec les migrants envahisseurs européens partis conquérir l’Amérique. Les Etats-Unis sont un pays artificiel bâti par des vagues d’immigrés successives.
La classe ouvrière européenne elle-même était composée à 100% d’immigrés. On l’oublie souvent. Pour prendre le cas de la France, la classe ouvrière française, par définition urbaine, est issue de l’émigration paysanne paupérisée, de l’expatriation forcée de la population rurale affamée, expulsée de sa terre pour la contraindre à migrer vers les villes nouvellement industrialisées, agglomérations industrielles en quête de main-d’œuvre.
Après une longue période de reflux du phénomène migratoire européen (les Européens – Irlandais, Allemands, Italiens, Espagnols – ont cessé d’émigrer après la fin de la Seconde Guerre mondiale, grâce aux Trente Glorieuses), à la faveur de l’entrée en crise de l’Europe, pour ne pas dire du déclin des pays européens, de nombreuses personnes commencent de nouveau à s’expatrier vers l’étranger pour fuir la misère.
En effet, depuis 2022, du fait de l’aggravation de la crise économique dans toute l’Europe, des millions de personnes songent à s’expatrier à l’étranger pour fuir la cherté de la vie induite par l’inflation galopante spéculative et le chômage endémique.
Pour la seule Angleterre, 4,5 millions de Britanniques envisageraient de partir prochainement à l’étranger pour fuir la vie chère. C’est ce qu’a révélé une enquête anglaise. Ce phénomène d’expatriation affecte tous les pays européens. De sorte que l’on peut évaluer à plusieurs millions le nombre d’Européens susceptibles d’émigrer vers l’étranger. Comparé à nos quelques centaines de harraga algériens, cela ressemble à un véritable exode.
La France, pays d’immigration, semble emprunter la voie de l’expatriation, de l’émigration. C’est ce qui ressort d’un récent sondage réalisé par OpinionWay, les 20 et 21 décembre 2023. Ce sondage révèle qu’une majorité très nette (54%) de jeunes Français, âgés de 18 à 24 ans, sont déterminés à quitter la France en raison du climat politique délétère et de l’aggravation de la crise économique.
Dorénavant, en France, plus on est jeune, moins l’on a envie de rester dans ce pays en déclin. Ainsi, la jeunesse française, en proie à la déréliction, n’aspire qu’à l’expatriation. Qu’à fuir le pays.
De même, selon ce sondage, parmi la population adulte, un tiers des Français (30%), toutes catégories sociales et âges confondus, souhaite quitter la France.
Pour le directeur des études politiques et vice-président d’OpinionWay, Bruno Jeanbart, «ce sondage confirme une forme de lassitude et de désenchantement des Français à l’égard de leur pays, que toutes nos enquêtes sur la défiance enregistrent. A l’heure où l’on parle tant d’immigration dans le débat, le risque de voir nos jeunes émigrer n’est pas à négliger».
Pour ce qui est des jeunes Français, les destinations privilégiées sont majoritairement hors Europe, avec une prédilection pour l’Amérique du Nord. Plus globalement, ironie de l’histoire, parmi les Européens désireux de s’exiler, nombreux sont ceux qui choisissent d’émigrer dans un pays musulman du Golfe, le nouvel Eldorado des candidats à l’émigration européenne en quête de prospérité.
A l’ère du capitalisme mondialisé, caractérisée par l’interdépendance des entreprises et des capitaux, les échanges accélérés des marchandises, les salariés tendent également à s’intégrer dans ces dynamiques d’interconnexion et de circulation. Ils suivent le mouvement du développement et de migration technologique. Là où les progrès offrent de meilleures perspectives d’emploi et de meilleures conditions de vie, vers ces destinations, les prolétaires se dirigent et émigrent. C’est la loi de l’offre et de la demande qui s’applique également sur le marché de l’emploi, désormais étendu à l’échelle internationale. Là où l’offre du travail est plus abondante et plus rémunératrice, la force de travail tend à se diriger. Là où les conditions de vie sont meilleures, là où les populations pauvres émigrent.
Aujourd’hui, en Europe, devenue invivable, à l’instar de leurs ancêtres durant plusieurs siècles, ces nouveaux migrants européens paupérisés (ou traumatisés par le climat politique despotique) ne font que suivre leur instinct de survie (alimentaire ou spirituelle) qui leur dicte d’aller migrer sous de cléments cieux pour continuer à bénéficier de conditions de vie meilleures. Cette loi de survie migratoire alimentaire ou spirituelle, toute l’humble humanité, précipitée dans la misère matérielle ou politique, l’a accomplie à un moment donné de l’histoire.
«La pauvreté pousse à l’émigration, la richesse invite à l’expatriation, mais une fois arrivés, nous sommes tous des immigrés.» La pauvreté est répulsive, la richesse attractive.
K. M.
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