Sid-Ahmed Ghozali : «Le général Khaled Nezzar n’était pas un faiseur de rois»
Par Abdelkader S. – «Vous pensez que le général Khaled Nezzar était un faiseur de rois ? C’est faux !» a affirmé l’ancien chef du gouvernement au début des années 1990. «C’était un militant, un défenseur de la République, un défenseur de l’armée, mais jamais un faiseur de rois», a insisté Sid-Ahmed Ghozali, dans un entretien à la chaîne Berbère TV. «L’armée politique vous apprend des choses que vous ne connaissiez pas», a-t-il confessé, en expliquant qu’il était un «cas exceptionnel» parce qu’il n’a «jamais demandé à être ministre ou Premier ministre».
Interrogé sur l’arrêt du processus électoral en janvier 1992, l’ex-ministre des Affaires étrangères sous Mohamed Boudiaf a précisé que la décision a été prise en Conseil de gouvernement et n’est donc pas une décision d’Untel ou Untel. «Ma première réaction à la déclaration du président français qui avait dit qu’il fallait que le processus reprenne était que celle-ci était inacceptable», a rappelé l’ancien ambassadeur à Paris, entre 1992 et 1994. «J’ai dit : ce n’est pas un vote mais un vomissement», a-t-il ajouté, en soulignant que «le vote du peuple algérien est un cri de protestation envers ceux qui sont responsables de la situation» qui prévalait à l’époque.
Sid-Ahmed Ghozali a indiqué avoir posé la question de savoir combien de temps l’Etat pouvait tenir «à supposer que nous fassions ce que demande le chef de l’Etat, à savoir exécuter sa promesse de laisser le FIS prendre le pouvoir s’il remportait les élections». «J’avais en tête l’exemple iranien, le gouvernement iranien n’a pas tenu une semaine», a-t-il dit. Et de poursuivre : «La réponse fut que le gouvernement en Algérie pouvait tenir six mois, pas plus, j’étais donc d’accord pour l’annulation du second tour.» «Je ne regrette pas l’arrêt du processus électoral ; ce que je regrette, c’est le fait que nous n’ayons pas tiré la leçon», a-t-il déploré.
«Le terrorisme a commencé bien avant l’arrêt du processus électoral», a fait constater l’ancien Premier ministre, selon lequel le patron du Front des forces socialistes (FFS) a adopté une attitude politicienne par calcul machiavélique. «Aït Ahmed savait que ce n’était pas bon d’accepter le FIS, mais comme il savait que le gouvernement et l’armée ne laisseraient jamais le FIS [prendre le pouvoir], il a joué le démocrate.» «Si nous avions, nous, fait un calcul politique, quel était le calcul le plus rentable ? Ç’aurait été de dire que nous allions respecter notre engagement de tenir les élections jusqu’au bout. Nous serions morts, mais sur le champ d’honneur de la démocratie», a-t-il insisté.
«Par contre, dire qu’il n’y a pas pire qu’un gouvernement islamiste a été une erreur car il y a eu pire : le système d’après», a regretté Sid-Ahmed Ghozali, qui brosse un tableau noir sur l’état général du pays depuis lors. «La situation actuelle est que 99% des recettes à l’étranger proviennent du pétrole, 75% des recettes de l’Etat proviennent du pétrole aussi», a-t-il dépeint. «La France, l’Allemagne l’Italie, l’Espagne, etc. fabriquent des dizaines de milliers de produits, alors que nous, nous ne produisons ni des milliers ni des centaines», s’est-il inquiété, en expliquant que «notre société vit avec une richesse qu’elle n’a pas créée» et en pointant une «situation d’insécurité épouvantable sur le plan économique». «Qui dit insécurité sur le plan économique, dit insécurité tout court», a-t-il mis en garde.
A. S.
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