Pourquoi Paris s’empresse d’annoncer une visite de Tebboune dans six mois
Par Abdelkader S. – Nouvel emballement de l’Elysée, pressé d’annoncer une visite du président Tebboune à Paris, qui serait prévue, cette fois-ci, entre fin septembre et début octobre. Une date approximative qui indique, en réalité, que rien de concret n’a été décidé de ce côté-ci de la Méditerranée. Dans l’entretien téléphonique qu’il a eu avec son homologue algérien, Emmanuel Macron a sans doute fait part à son interlocuteur de son désir de voir sa visite se concrétiser enfin, après de nombreux reports. Officiellement pour des raisons de calendrier mais, dans les faits, pour des motifs liés à des divergences profondes entre Alger et Paris.
L’Algérie qui, mue par une démarche pragmatique, mêle rarement géopolitique et accords économiques et commerciaux, a continué de maintenir un niveau de partenariat acceptable avec la France, en dépit des lourds désaccords qui opposent les deux pays sur à peu près tous les dossiers internationaux, à commencer par la question sahraouie – Paris épousant le plan d’autonomie marocain – et le soutien inconditionnel de la France au régime nazi de Tel-Aviv qui commet un génocide à Gaza. Mais ces deux enjeux sont loin d’être les seuls à constituer le point d’achoppement dans les relations instables entre l’ancienne puissance coloniale et son ancienne colonie qui échappe totalement à son contrôle, contrairement au Maroc et aux Etats africains semi-indépendants de la CEDEAO.
Quels changements le président français escompte-t-il d’ici septembre ou octobre prochains pour qu’une visite officielle du président Tebboune puisse être réalisable ? Le règlement du dossier mémoriel qui, pourtant, continue de faire face à une sérieuse opposition de part et d’autre de la Méditerranée ? Un revirement dans la position de Paris sur le conflit du Sahara Occidental au sujet duquel le nouveau locataire du Quai d’Orsay répète à tue-tête qu’il penche pour la solution voulue par Rabat ? L’extradition des éléments du MAK et de Rachad réclamés par la justice algérienne et que Paris protège ? La fin de la complicité avérée de la France avec Israël dans ses impunis crimes contre l’humanité ? Une refonte de la politique africaine de Paris fondée sur l’ingérence et le pillage ?
Il serait utopique de croire que le président français puisse faire le moindre pas dans ce sens ou amorcer un virage à 180 degrés, ni durant les mois qui nous séparent de la date annoncée pour la supposée visite de Tebboune à Paris ni pendant les trois années qui lui restent avant la fin de son second et dernier mandat. L’empressement de l’Elysée à communiquer sur un événement prévu dans six mois participe de ce besoin que ressent le gouvernement français de s’adonner à un hypothétique et infécond jeu d’équilibrisme entre l’Algérie et le Maroc. Emmanuel Macron a, en effet, cru nécessaire de recentrer la communication du Quai d’Orsay, dont le nouveau locataire ne cache pas son tropisme marocain, de sorte à ne pas apparaître comme s’éloignant du partenaire algérien qui a plus à offrir à la France qu’une danse de serpents sous le soleil assommant de Marrakech.
A. S.
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