Violation de l’ambassade d’Algérie : comment Rabat veut contourner le droit
Par Karim B. – L’affaire de la confiscation illégale de dépendances et terrains attenants au siège de l’ambassade d’Algérie à Rabat n’en est qu’à ses débuts et risque d’aller très loin, vu la réaction ferme du ministère des Affaires étrangères qui a fait savoir qu’il allait «répondre par tous les moyens» qu’il «jugera appropriés» pour mettre fin à cette violation flagrante des usages diplomatiques en vigueur. Pour tenter de justifier cette démarche saugrenue du gouvernement marocain, qui résonne, en fait, comme une vengeance suite à l’ouverture d’un bureau par le Parti national rifain à Alger, le régime monarchique inverse la hiérarchie légale et veut faire primer le droit national sur les conventions internationales.
C’est par le biais du magazine Jeune Afrique qu’un tritureur des lois pour le compte du Makhzen, président du Club des avocats de son état, a expliqué que «le droit d’expropriation est reconnu dans l’ordre juridique international, quels que soient les droits patrimoniaux en cause ou la nationalité de leur titulaire» et «a été reconnu sur le plan international à d’innombrables reprises par la pratique diplomatique et la jurisprudence», ajoutant que «la procédure légale a été minutieusement respectée». Le juriste surenchérit en alléguant que «les termes du communiqué des Affaires étrangères algériennes illustrent une lecture furtive et une analyse erronée et superficielle du droit international».
Semant une confusion préméditée entre les lois nationales et le droit international régi par des traités, ce juriste s’appuie sur le Bulletin officiel de son pays, qui prétexte que la décision signée par le Premier ministre marocain «est conforme aux procédures légales relatives à la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique», confirmant ainsi la référence à la législation marocaine et non pas aux conventions internationales qu’Aziz Akhannouch et Nasser Bourita ont foulées aux pieds.
«Dans ce cas d’espèce, c’est à une juridiction internationale de trancher», explique un avocat algérien sollicité par notre site. La Cour internationale de justice (CIJ), organe de l’ONU, peut donc être saisie, si l’Algérie opte pour le règlement du litige par les voies légales. Car, si elles le souhaitent, les autorités algériennes sont en droit d’appliquer la règle de réciprocité, voire de réagir d’une façon plus violente, en expulsant les quelque 900 000 ressortissants marocains établis en Algérie, de façon irrégulière pour l’écrasante majorité d’entre eux, fuyant l’oppression et la misère dans leur pays.
La CIJ ne pouvant reconnaître un différend que si les Etats en cause ont accepté sa compétence, il est peu probable que le Makhzen fasse preuve de diligence si l’Algérie portait plainte contre lui à La Haye. Ce sont donc d’autres «moyens» qui seront forcément privilégiés face à cette énième provocation.
K. B.
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