Messages tacites de la dépêche de l’APS sur la date de l’élection présidentielle
Par Abdelkader S. – Un adjectif dans le communiqué de la présidence de la République sur la date de la tenue de l’élection présidentielle a semé la confusion, si bien qu’il a fallu que l’agence de presse officielle diffuse une dépêche aux allures de mise au point pour lever l’équivoque suscitée par l’annonce faite la veille.
En scrutant le commentaire de l’APS à la loupe, le lecteur avisé constatera qu’il ne s’agit plus d’une élection «anticipée», mais d’un rendez-vous électoral dont la date n’a été qu’avancée de quelques mois. Mais au-delà de la précision, c’est le ton adopté par l’auteur du texte qui attire l’attention. En effet, l’article confine moins à une dépêche d’agence qu’à un discours de campagne. L’APS annonce-t-elle, dès lors, la candidature «anticipée» du Président en exercice ? Tout porte à le croire.
Dans le commentaire transmis ce vendredi à l’ensemble des médias via le fil d’Algérie Presse Service, il est question d’«adversaires» du chef de l’Etat, «déstabilisés» par l’annonce «brutale» de la date de l’élection présidentielle, fixée au 7 septembre prochain au lieu du 12 décembre. Ces «adversaires» ne sont pas cités nommément, laissant le champ libre devant les suppositions. Des adversaires politiques dans la course au palais d’El-Mouradia ? Des adversaires résidus du clan Bouteflika encore à la manœuvre, comme les a encore dénoncés tout récemment Tebboune lors de sa rencontre avec les représentants du CREA de Kamel Moula, qui a supplanté le FCE d’Ali Haddad ? Des adversaires agissant à partir de la rive nord de la Méditerranée et de la frontière ouest ?
La dépêche de l’APS n’en dira rien, sinon que ce «timing» est «le retour à la normalité», après la modification forcée du calendrier «bouleversé» suite aux «événements graves de 2019». Il n’est plus question de «hirak béni». On comprend que, s’il a été opté pour septembre, c’est que ce mois se situe entre juillet, qui a vu la présidentielle reportée à cause du mouvement de contestation populaire, et décembre de la même année où la présidentielle s’est tenue «à la hussarde».
Puis ce qui semble être l’affirmation implicite d’une probable candidature du président Tebboune à sa propre succession, à travers des messages subliminaux. «Cette annonce est le signe que le président Tebboune fait confiance à son peuple, aux citoyens et aux électeurs», augure l’APS, qui renchérit : «Le président Tebboune a toujours eu l’audace de parler crument à son peuple car il l’estime mature et allergique au mensonge politique. C’est dans ce sens qu’il revient à lui, et à lui seul, de leur adresser sa vision du futur, quand il le décidera.» La mise en avant de la «gestion des conflits» et des «mutations géostratégiques et sécuritaires dans la région» qui «ont certainement […] influé sur cette annonce» est un indice supplémentaire des intentions du chef de l’Etat, dans le sens où, est-il argumenté, «l’Algérie joue une partition serrée qui va conditionner son avenir de nation face aux nouveaux colonialismes». Pour cela, «montrer l’unité intérieure» est nécessaire face à l’«enjeu international» qui «prédomine sur l’enjeu national», tant «les crises extérieures sont déjà à nos portes et elles visent notre souveraineté et notre sécurité», insiste-t-on.
Enfin, l’APS décrit un Président «calme» qui «travaille» mais qui, «tant qu’il n’a pas réalisé ses objectifs entièrement, ses promesses solennelles, ses engagements inébranlables, demeurera complètement focalisé sur le parachèvement de son pacte avec les Algériens». «Le président Tebboune a fait des espoirs, des aspirations et des propositions de son peuple son seul sacerdoce. Il est devenu, de ce fait, la garantie du lien générationnel entre l’Algérie de la Révolution et l’Algérie du renouveau», conclut le texte inspiré par les réactions antinomiques, suscitées par l’annonce du décalage de la date de la présidentielle. Un texte qui résonne comme un non-dit.
A. S.
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