Parcelle d’influence
Par Khaled Boulaziz – Dans l’actuel contexte mondial délétère, la France, consciente de son déclin sur la scène internationale, et particulièrement en Afrique, déploie des efforts considérables pour retrouver une parcelle de son ancienne influence. Les strates subtiles du pouvoir, tapi dans les couloirs de l’Elysée, ont tracé une stratégie qui s’apparente davantage à une manœuvre désespérée qu’à une véritable rédemption.
Ainsi se dessine, sous nos yeux attentifs, le tableau mouvant d’une quête mémorielle aux cabales complexes, où s’entremêlent les enjeux du passé et les luttes d’influence du présent. Parmi les initiatives farfelues des conseillers des ténèbres de l’Elysée, l’idée d’une entreprise d’investigation historique entreprise par une commission conjointe d’historiens français et camerounais, promue le 3 mars 2023, résonne comme un déjà-vu.
Placée sous la direction de l’historienne française Karine Ramondy et de l’artiste camerounais Blick Bassy, cette commission s’engage à éclaircir les contours de l’action française au Cameroun durant la période coloniale, spécifiquement entre 1945 et 1971. Lors d’une conférence de presse tenue au cœur du centre culturel Ubuntu, à Yaoundé, devant une assemblée de journalistes, les deux coprésidents ont exposé les objectifs de cette entreprise mémorielle.
Pour nous, les Algériens, nous avons l’impression d’assister à la suite d’un film de mauvais goût, cette fois-ci tourné au Cameroun, la suite d’un autre en tournage en Algérie par Benjamin Stora.
Pour l’Algérie, et de part et d’autre de la vaste étendue méditerranéenne, il est rarissime de trouver un Algérien plonger dans les écrits de Benjamin Stora. Pourtant, dans ce pays, un public averti se délecte, à juste titre, des œuvres d’autres historiens renommés : Yves Courrière, dont la plume déverse la densité d’un récit historique captivant ; Gilbert Meynier, réputé pour sa précision dans l’analyse des événements fondateurs ; Alistair Horne, qui illumine la guerre d’Algérie de sa perspective internationale ; Michel Habart, dont l’intégrité littéraire ne saurait être contestée, et John W. Kiser, captivant par la mystique qui nimbe son récit des luttes pour la liberté.
Une large fraction de la population algérienne se trouve, à juste titre, profondément désorientée par un autre aspect de l’œuvre de Benjamin Stora : son agitation incessante sur les scènes littéraire, académique et médiatique hexagonales. De plateaux télévisuels en tribunes journalistiques, de micros radiophoniques en tribunes présidentielles, sans oublier ses incursions furtives en Algérie, son hyperactivité, centrée exclusivement sur la guerre d’Algérie, peine à se justifier aux yeux de ceux qui le considèrent comme un historien strictement attaché à son université.
Ce qui, au départ n’était qu’une vague appréhension, s’avère désormais être plus qu’une simple certitude, confirmée par l’annonce du rapport d’un projet mémoriel et la mise en place d’une commission mixte franco-algérienne. Ces initiatives sont perçues par les Algériens comme les prémices d’un dispositif à la démarche révisionniste, s’érigeant contre l’authentique histoire de la nation algérienne.
Le peuple algérien se trouve ainsi confronté à un nouvel assaut, une nouvelle atteinte à sa mémoire et à son imaginaire, déjà mis à mal. Pour reprendre les mots d’un ami révolté par cette commission : «Benjamin Stora nous convie à une seconde mort de nos vaillants martyrs et demande aux Algériens de préparer le couscous funéraire de la veillée !»
A l’évidence, il semblerait que nous allons être témoins de l’éclosion d’une multitude de commissions africaines, aussi prolifiques que les champignons après la pluie, dans la lignée de ce projet mémoriel, chéri comme un fétiche, concocté par Benjamin Stora. Une belle farandole de réunions et de discussions sans fin, où chacun voudra avoir son mot à dire, même si cela se résume souvent à des bavardages stériles et des compromis dilués. Paraît-il, c’est comme cela qu’on avance dans le monde moderne.
K. B.
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