Colère en France contre l’érection d’une statue du tortionnaire Marcel Bigeard
Par Nabil D. – «Toul doit renoncer à ériger une statue de Bigeard dans l’espace public». C’est l’appel qu’ont lancé des citoyens de cette ville française qui a donné naissance à cet officier de l’armée coloniale de triste mémoire. «Plus de 60 ans après les accords d’Evian, notre pays peine encore à soulever la chape de plomb qui dissimule son passé colonial, sa construction inégalitaire, son régime d’apartheid, à la source de toutes les dérives racistes qui gangrènent actuellement notre société», lit-on dans l’appel à un rassemblement prévu le 25 mai prochain à Nancy.
«Lors des guerres coloniales en Indochine, puis en Algérie, la torture a été instaurée par l’Etat en système pour terroriser et soumettre la population, ainsi que le travail des historiens l’a démontré», relèvent les signataires de l’appel, pour lesquels «Marcel Bigeard en était l’un des principaux acteurs et théoriciens». «Il a écrit le manuel Contre guérilla qui explique les méthodes de guerre psychologique et les techniques d’interrogatoire enseignés en Algérie», rappellent-ils. «Ces méthodes criminelles ont, par la suite, été exportées et largement pratiquées par les dictatures en Argentine et au Chili», note l’appel.
«Aujourd’hui, c’est sur ce terreau colonialiste que prospèrent les idéologies xénophobes aux relents négationnistes», s’indignent les auteurs de l’appel au rejet de l’érection d’une statue du tortionnaire en plein cœur de la ville. «Leurs partisans s’opposent farouchement à la reconnaissance par la France des erreurs de son passé colonial», soulignent-ils, en estimant que «ceux qui s’obstinent à ne voir en Bigeard qu’un glorieux militaire au mépris de toute considération historique et humaniste en sont aujourd’hui l’illustration».
«C’est pourquoi l’installation à Toul d’une statue de cet homme représenté en tenue de para médaillé est injustifiable pour celles et ceux qui souhaitent construire un avenir fraternel, apaisé et respectueux des citoyens de toutes origines», concluent les auteurs de l’appel.
La statue en question devra être érigée à la demande et sur financement d’une fondation qui porte le nom du général Marcel Bigeard, créée par sa veuve, sous l’égide de la Fondation de France.
Le nom de ce bourreau renvoie aux «crevettes Bigeard» désignant les personnes qui ont été exécutées lors de «vols de la mort», en étant jetées depuis un hélicoptère en mer Méditerranée, les pieds coulés dans une bassine de ciment, lors de la Guerre de libération nationale, plus particulièrement pendant la Bataille d’Alger, en 1957.
N. D.
Comment (49)