Contribution de Mourad Benachenhou – Israël ou le consortium génocidaire
Une contribution de Mourad Benachenhou – «Au cours des six dernières décennies et demie, le gouvernement israélien et ses prédécesseurs en droit – les agences, les forces et les gangs terroristes sionistes – ont impitoyablement mis en œuvre une campagne militaire, politique, religieuse, économique et culturelle systématique et complète avec l’intention de détruire en grande partie le groupe national, ethnique, racial et différent – juifs contre musulmans et chrétiens – constituant le peuple palestinien.» (1) «Il est des mots qui tuent – symboliquement, lorsqu’il s’agit de ruiner la réputation d’un adversaire, ou physiquement, quand le mot d’ordre se fait slogan. Vous allez avoir moins peur puisque vous savez… qui haïr. Il ne reste plus alors qu’à détruire physiquement la présence de cet autre diabolique, très souvent synonyme d’impureté et de trahison.» (Jacques Sémelin, Le mot qui tue, histoire des violences intellectuelles, éditions Epoques Champ Vallon, 2009, p. 14).
L’expression «guerre Israël-Hamas» n’est ni le fruit de l’improvisation journalistique ou médiatique spontanée ni la simple description abrégée de l’opération d’extermination du peuple palestinien actuellement en cours, tant sur l’étroit territoire de Gaza que sur l’ensemble de la Palestine historique.
Une sinistre expression trompeuse et mensongère
Cette expression n’a rien d’anodin ou d’innocent et elle mérite un long commentaire qui déconstruit ce qu’il y a derrière elle, non seulement de parti pris, mais également de falsification de la réalité du terrain comme de dissimulation des intentions réelles des auteurs du génocide à découvert actuellement en cours et se jouant sur les écrans de télévision à travers la planète.
Cette expression, d’apparence objective, se bornerait, à première vue, à annoncer clairement et de manière non ambigüe les deux protagonistes du conflit. Elle laisserait également entendre qu’ils seraient deux adversaires de «même poids» bénéficiant des mêmes avantages et d’une capacité de nuisance identique. Deux adversaires qui se confronteraient sur un «ring» et en présence «d’arbitres neutres» n’ayant pour autre objectif que de veiller à ce que l’un et l’autre respectent les règles de ce «match» et en dehors de toute intervention «étrangère» pouvant favoriser l’un ou l’autre et influer sur le résultat final de cette explication mano à mano, selon l’expression populaire.
A-t-on vraiment besoin d’être dans le secret des dieux pour constater que ce «match» n’a rien d’une confrontation en tête-à-tête entre adversaires disposant des mêmes capacités et ne mobilisant dans leur combat que les forces dont ils jouissent individuellement et sans nulle force extérieure prête à intervenir si l’un des adversaires utilisait des moyens non admis par la règle du combat en cours ? Quant à l’arbitrage, dont certains, entités étatiques, faiseurs d’opinion ou professionnels des médias, prétendent détenir le privilège, il n’a rien de neutre, d’objectif ou de désengagé.
Une simple opération de maintien de l’ordre contre un «groupe criminel armé» ?
Alors qu’une des parties citées dans cette expression est classée par le droit international comme Etat souverain, disposant des privilèges légaux, attaché à son statut juridique, l’autre est présentée comme un groupe de hors-la-loi détaché de toute communauté humaine pouvant justifier sa violence, ne représentant que lui-même, sans légitimité fondée sur une relation essentielle entre son combat et des revendications existentielles de la part d’une communauté humaine dont il émane.
Donc, selon cette expression, il y aurait d’un côté, un Etat légalement assis et ne faisant que se défendre et, de l’autre, un groupe qui ne serait mû que par une volonté de violence sans autre objectif que de causer du mal, sans revendications légitimement reconnues et acceptées, sans idéal ou projet de société à défendre. Détaché de toute référence au juste combat du peuple palestinien pour son existence menacée par un adversaire décidé à l’exterminer, et pour sa terre spoliée par cet adversaire, le Hamas est représenté, ainsi, comme illégal au sens légal internationalement reconnu du terme, et donc comme un groupe criminel méritant de subir la violence la plus extrême pour son annihilation.
On pourrait donc, sans remords et sans scrupules légaux ou humanitaires, l’exterminer ainsi que toutes celles et tous ceux qui, d’une façon ou d’autre autre, se reconnaissent en lui, sympathisent avec lui ou sont associés à lui par leurs spécificités religieuses ou ethniques.
Si ses adversaires lui refusent toute légitimité ou toute représentativité d’un peuple ou d’une cause, ils ne font, pourtant, aucune distinction entre lui et le peuple dont il est issu et confondent délibérément «membre du Hamas» avec Palestinien dans leur agression, détruisant du même coup leur argument central selon lequel le Hamas ne serait qu’une organisation criminelle fanatique, une organisation «islamiste terroriste» mue par une haine irrationnelle contre les membres d’une certaine communauté ethnico-religieuse.
Si sont ciblés systématiquement tous les habitants de Gaza, tout âge et tout sexe inclus, sans distinction entre membres effectifs du Hamas et simples civils», c’est que, donc, le Hamas est un mouvement qui trouve sa légitimité dans la résistance du peuple palestinien à l’occupation armée étrangère sur sa terre, et qu’il est loin d’être une organisation «terroriste criminelle», mais un mouvement de résistance légitime et reconnu comme tel même par celui qui le combat.
De deux choses l’une : ou le Hamas serait une organisation strictement terroriste et classée comme telle car elle exercerait une violence sans fondements rationnels et sans objectifs politiques avec lesquels pourrait sympathiser toute personne douée d’un minimum de sens de la moralité humaine, alors, le combat contre ce mouvement relèverait d’activités de simple police, destinées à éliminer les individus qui en seraient des membres ou des sympathisants actifs reconnus sur la base de preuves concrètes, vérifiables et vérifiées judiciairement. Leur élimination ne requerrait pas, par définition, une mobilisation militaire, quelle qu’en soit l’ampleur, mais des interventions de simple police s’attaquant exclusivement à ceux et celles qui feraient partie de cette organisation.
Une expression qui cache l’objectif génocidaire réel
Mais, dès lors que des moyens militaires d’une ampleur rare sont engagés, on peut en déduire qu’il ne s’agit pas de s’attaquer à une organisation «criminelle», mais de mener une opération d’élimination, non des «brebis égarées» de la communauté attaquée, mais de toute cette communauté car le Hamas émane d’elle et représente son droit à la résistance.
De la reconnaissance même des gouvernants criminels génocidaires israéliens actuels, il ne s’agit donc pas d’une guerre d’«Israël contre le Hamas», mais d’une campagne militaire, partie intégrante d’un projet d’extermination total du peuple palestinien.
Comme le précise l’historien israélien Raz Segal, le gouvernement de criminels actuellement à la tête de la colonie de peuplement juive génocidaire n’a nullement caché son dessein réel, ce que prouve une expression utilisée par Yoav Gallant, son ministre actuel de la Défense : «Ce que Gallant veut dire par agir en conséquence : ne pas cibler les militants individuels du Hamas, comme le prétend Israël, mais déclencher une violence mortelle contre les Palestiniens à Gaza en tant que tel, dans la langue de la Convention de l’ONU sur le génocide. Israël a également intensifié son siège de seize ans de Gaza – le plus long de l’histoire moderne, en violation flagrante du droit international humanitaire – à un siège complet, selon les mots de Gallant. Ce tour de phrase qui indexe explicitement un plan pour amener le siège à sa destination finale de destruction systématique des Palestiniens et de la société palestinienne à Gaza, en les tuant, en les affamant, en coupant leurs approvisionnements en eau et en bombardant leurs hôpitaux. L’assaut contre Gaza peut être compris en d’autres termes comme un cas de génocide qui se déroule sous nos yeux.» (2)
L’ONU a confirmé les desseins génocidaires d’Israël
Cette observation va dans le sens du rapport de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU, rapport qui, par ailleurs, a fait l’objet d’une censure totale tant dans la classe politique des «démocraties avancées» donneuse de leçons de droits de l’Homme urbi et orbi, que dans les «médias libres» de ces mêmes démocraties.
Voici ce que conclut ce rapport, à la suite d’une enquête approfondie et objective sur l’objectif réel de la campagne miliaire sioniste à Gaza, campagne qui dure depuis déjà sept mois et dont on connaît tant le nombre de victimes innocentes que les dégâts qu’elle a causés : «La nature et l’ampleur écrasantes de l’assaut d’Israël sur Gaza et les conditions de vie destructrices qu’il a infligées révèlent une intention de détruire physiquement les Palestiniens en tant que groupe». Ce rapport conclut qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le seuil indiquant la commission des actes de génocide suivants contre les Palestiniens à Gaza a été atteint : «Tuer des membres du groupe ; causer de graves dommages corporels ou mentaux aux membres du groupe ; et infliger délibérément au groupe des conditions de vie conçues pour entraîner sa destruction physique en tout ou en partie. Les actes génocidaires ont été approuvés et ont pris effet à la suite de déclarations d’intention génocidaire émises par de hauts responsables militaires et gouvernementaux.» (3)
Les sacrifices humains : une composante indéniable de l’idéologie sioniste
Il faut rappeler que ce génocide est de nature religieuse et que les sionistes ne font qu’obéir à une injonction divine leur ordonnant d’exterminer tout non-juif sur le territoire de la Palestine historique, comme le montre la présente citation : «C’est peut-être plus clair dans Deutéronome 20:10-18, qui vaut la peine d’être cité longuement : 10. Lorsque vous marchez pour attaquer une ville, faites à son peuple une offre de paix. 11. S’ils acceptent et ouvrent leurs portes, les gens qui y sont soumis au travail forcé et travailleront pour vous. 12. S’ils refusent de faire la paix et qu’ils vous engagent dans la bataille, assiégez cette ville. 13. Quand l’Eternel, ton Dieu, le livrera dans ta main, mets à l’épée tous les hommes qui s’y trouvent. 14. Quant aux femmes, aux enfants, au bétail et à tout le reste de la ville, vous pouvez les prendre comme du pillage pour vous-mêmes. Et vous pouvez utiliser le pillage que l’Eternel, votre Dieu, vous donne de vos ennemis. 15. C’est ainsi que vous devez traiter les villes qui sont à distance de vous et qui n’appartiennent pas aux nations voisines. 16. Cependant, dans les villes des nations, l’Eternel, ton Dieu, te donne en héritage, ne laisse en vie rien qui respire. 17. Détruisez-les complètement […] comme l’Eternel, votre Dieu, vous l’a commandé. 18. Sinon, ils t’apprendront à suivre les choses détestables qu’ils font en adorant leurs dieux et tu pécheras contre l’Eternel, ton Dieu.» (4)
Le génocide actuel a donc une signification religieuse, ce qui, évidemment, n’en constitue pas moins un crime contre l’humanité, dans le sens défini par la Convention internationale contre le génocide, établie en 1948. Les dirigeants israéliens n’ont jamais manqué de rappeler qu’ils ne font qu’obéir à une injonction divine qui leur commande d’exterminer le peuple palestinien. Même Netanyahou l’a rappelé en citant expressément les mots de la Bible reproduits plus haut.
Critiquer le génocide du peuple palestinien : un blasphème contre une obligation religieuse sacrée ?
C’est une guerre sainte qui est menée contre le peuple palestinien et elle doit être menée à son ultime conclusion : l’objectif militaire affirmé encore tout récemment par le ministre de la Défense sioniste. Accuser donc Israël et ses dirigeants de «génocidaires» reviendrait à commettre un crime de blasphème, punissable de mort dans la Bible. C’est un devoir religieux pour les sionistes que d’achever le peuple palestinien et ce devoir prime toutes les considérations humanistes et les lois et traités internationaux.
Israël aurait donc un devoir sacré à faire disparaître le peuple palestinien de la surface de la terre, sans considération pour le dégoût qu’a fini par susciter sa barbarie dans l’opinion publique des «démocraties avancées». Un dégoût qui se traduit par la révolte estudiantine en cours dans tous ces pays, marquant un tournant historique, où les accusations d’«antisémitisme» ou les références à «l’holocauste» ne sont plus porteuses de positions favorables au sionisme et à Israël, et ne peuvent plus servir de justification à un génocide en cours à Gaza comme dans le reste de la Palestine.
Israël apparaît maintenant dans toute sa nudité, tel le roi du conte d’Andersen, comme un Etat au ban des nations, ayant perdu toute sympathie comme incarnation de la souffrance du peuple juif.
Et même le Judaïsme pâtit de cette violence insensée, de cette barbarie rappelant le régime nazi dans ses considérations comme dans sa forme. L’islamophobie comme antidote à cette perte de soutien des peuples dans les démocraties avancées, où les dirigeants «démocratiquement» sont visiblement en porte à faux avec leur opinion, apparaît maintenant comme une arme de contre-attaque qui a perdu de son efficacité.
Le problème n’est plus la lutte contre l’«extrémisme islamiste», mais la dénonciation et la condamnation unanime du fanatisme juif, tel que manifesté dans le sionisme génocidaire.
La jeunesse des «démocraties avancées» l’a compris et ses dirigeants seront obligés, qu’ils le veuillent ou non, d’en tirer les conclusions, malgré leur volonté de ne pas changer d’un iota leur position soutenant le génocide du peuple palestinien, et de continuer à tenir à bras le corps une entité politique qui, visiblement, ne partage avec elles aucune des valeurs humanistes dont elles se targuent et qu’elles prétendent incarner et défendre de toute leur âme.
Israël partie d’un consortium génocidaire
Il faut reconnaître, cependant, que le combat pour une ligne politique plus juste et favorable au peuple palestinien est loin d’être prêt d’aboutir à la victoire. Car, si on examine l’entité politique «Israël», on constate que dans sa guerre ouverte contre le peuple palestinien, elle n’a rien d’un sujet légal international isolé qui utiliserait exclusivement ses seuls moyens à la fois politiques, diplomatiques, médiatiques et légaux pour son opération actuelle d’extermination du peuple palestinien.
D’abord, l’«invincibilité militaire» d’Israël n’a rien d’indigène. Elle lui est garantie par les deux puissances principales qui, selon un rapport documenté publié par l’Institut de recherche sur la paix, dont le siège est à Stockholm, capitale de la Suède, lui fournissent 96% de son armement : les Etats-Unis (68%) et la République fédérale d’Allemagne (28%).
Sans ce déversement d’un armement hypersophistiqué, au coût trop lourd pour être supportable à moyen ou à long terme pour une économie de sa dimension, Israël serait incapable de garantir sa survie, que serait-ce de faire la guerre tant au peuple palestinien qu’à ses voisins, et serait réduite à la dimension d’un chien enragé, mais sans les dents qui lui permettent de mener son œuvre de mort.
Sans cette aide militaire généreuse, quasiment gratuite, qui s’étend même à sa production militaire propre, Israël aurait, depuis longtemps, cessé de harceler ses voisins et de jouer au «matamore», dans le sens original du terme, c’est-à-dire «tueur de Maures» ou d’«Arabo-musulmans», et aurait été contraint d’accepter une solution politique garantissant le droit à l’existence du peuple palestinien, et de cesser d’œuvrer, en toute impunité, à l’extermination de ce seul propriétaire légitime de la terre de Palestine.
De plus, Israël jouit de la protection politique garantie de la part de la puissance hégémonique, ce qui lui assure une impunité sans exception et sans faille.
Comme l’a fait remarquer Harry Zener, analyste américain, dans une contribution datée du 19 avril 2024 (5), «la classe politique et médiatique fait ce qu’elle fait toujours avec les Etats-Unis et ses alliés : essayer de considérer les atrocités délibérées comme des mésaventures tragiques.» Il ajoute : «Les Etats-Unis ont eu de plus en plus de mal à revendiquer le leadership de l’ordre international fondé sur des règles, alors qu’Israël bafoue le droit international et sape ouvertement les Nations unies. Même les hauts fonctionnaires du département d’Etat reconnaissent que la guerre crée un problème majeur de crédibilité, avec chaque image d’un cadavre palestinien mutilé par des chars, chaque exécution de masse dans la cour d’un hôpital, chaque enfant émacié qui meurt de faim et chaque ambassadeur américain qui oppose son veto à une résolution de cessez-le-feu de l’ONU.»
Il conclut que «les attaques d’Israël contre Gaza ne sont pas des erreurs» mais des «crimes», insistant sur le fait que «Netanyahou n’est pas une aberration». «Les crimes d’Israël, développe-t-il, ne sont pas non plus des erreurs. Ils ne contredisent pas non plus ses valeurs supposées. Au contraire, ils incarnent les valeurs de la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza – tout comme les interventions américaines passées ont incarné les objectifs impériaux de ce pays.»
M. B.
1) https://ccrjustice.org/genocide-palestinian-people-international-law-and-human-rights-perspective
2) In Génocide à Gaza : un cas d’école. «Israël a été explicite sur ce qu’il fait à Gaza. Pourquoi le monde n’écoute-t-il pas ?», Raz Segal, https://jewishcurrents.org/a-textbook-case-of-genocide
3) https://www.un.org/unispal/document/anatomy-of-a-genocide-report-of-the-special-rapporteur-on-the-situation-of-human-rights-in-the-palestinian-territory-occupied-since-1967-to-human-rights-council-advance-unedited-version-a-hrc-55/#:~:text=Over%2030%2C000%20Palestinians%20have%20been,population%20has%20been%20forcibly%20displaced
4) Paul Copan et Matthew Flannagan, Dieu a-t-il ordonné le génocide ? Comprendre la justice de Dieu, Baker Books, Grand Rapid, Michigan, 2014, p. 41
5) https://www.thenation.com/article/world/israel-mistakes-war-crimes-discourse/
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