Cette affaire qui fait craindre une crise diplomatique entre l’Algérie et le Liban
Par Nabil D. – Au Liban, on ne digère pas le fait que les autorités politiques et judiciaires du pays aient cédé aux désidératas de la France qui réclame l’extradition d’un homme d’affaires algérien. Par-delà les tenants et aboutissants de l’affaire en elle-même, c’est le fait que le Liban officiel fasse preuve de soumission à la France au détriment des relations historiques avec l’Algérie qui fait jaser. L’avocate de l’homme d’affaires concerné n’a pas manqué de relever, dans un entretien à une Web TV libanaise, son étonnement quant à cette promptitude du gouvernement et de la justice libanais à exécuter une décision qui foule aux pieds la souveraineté du Liban et porte gravement atteinte à l’amitié qui lie son pays avec celui du «million et demi de martyrs».
L’affaire est étrangement passée sous les radars malgré sa gravité. Le média libanais Lebanon Debate a lancé l’alerte, accusant le Premier ministre, Najib Mikati, d’«accorder la priorité à ses propres intérêts, non seulement [placés] au-dessus de ceux de son pays, mais également au-dessus des principes du droit et de la justice». «La victime dans cette affaire n’est pas libanaise, et les conséquences de la soumission de Mikati aux autorités françaises pourraient avoir un impact négatif sur les relations du Liban avec un autre pays arabe», souligne le journal, qui explique que les gouvernements libanais et français «sont impliqués dans l’arrestation d’un Algérien au Liban, pour être extradé vers la France sans aucune preuve substantielle, ni accusation légale contre lui».
«Abdelkarim Tawil est un homme d’affaires algérien né en France de parents algériens. Il a quitté la France en 2017 et s’est établi aux Emirats arabes unis, où il réside actuellement avec sa femme et ses trois enfants. Il a travaillé comme concessionnaire automobile et a obtenu la résidence en or aux Emirats arabes unis. Au cours des derniers mois de 2023, les autorités françaises ont demandé au gouvernement de Dubaï de l’extrader sous prétexte qu’il avait commis un crime lié à la drogue sur le territoire français, en 2019, alors qu’il se trouvait à Dubaï pendant cette période», relève Lebanon Debate.
Le journal ajoute que Tawil a été arrêté le 25 octobre 2023 et qu’après plusieurs mois d’enquête, les autorités françaises «n’ont pas réussi à prouver les accusations portées contre lui». «Malgré un accord entre les deux gouvernements pour extrader la personne recherchée, le gouvernement de Dubaï a libéré Tawil le 5 février 2024, trois mois et demi après son arrestation», précise le média libanais, ajoutant qu’à son arrivée au Liban quelques mois plus tard, Tawil a de nouveau été arrêté à l’aéroport de Beyrouth pour les mêmes chefs d’accusation, «malgré l’absence d’accord d’extradition entre la France et le Liban». Le parquet de cassation a engagé une procédure d’extradition à son encontre, apprend-on.
Pour le média libanais, «il est évident que Tawil n’a aucun lien avec les accusations portées contre lui». «Les enquêtes menées par les autorités françaises auprès d’autres personnes arrêtées dans l’affaire de drogue n’ont montré aucune affiliation avec Tawil. Pourtant, les autorités françaises ont supposé l’identité de Tawil sur la seule base d’un message sans preuve concrète», accuse le journal, selon lequel «bien que le gouvernement libanais et le ministère de la Justice aient le droit de refuser l’extradition s’ils ne sont pas convaincus par les accusations, le gouvernement ne peut exercer ce droit qu’après l’élection d’un nouveau président».
On ne sait pas si l’affaire a été portée à la connaissance des autorités algériennes.
N. D.
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