De la Palestine à l’Ukraine : les faux-semblants de l’Occident
Une contribution de Julie Jauffrineau – Au bout d’une année de nettoyage ethnique à Gaza, nombre de questions ont pesé sur cette 79e Assemblée générale des Nations unies. Qu’en est-il du droit international ? Et qu’en est-il de la capacité des Nations unies à le faire respecter ? Les conflits pullulent à travers le monde. Ils sont au Moyen-Orient, en Europe de l’Est, en Afrique… Combien d’assassinats politiques, de bombardements, de tortures et de morts, de femmes assassinées, d’enfants assassinés ? On ne peut qu’être terrifié face à ce déchaînement de violences et de massacres.
Alors que l’ensemble des représentants du Sud global a amplement dénoncé le régime d’apartheid et génocidaire israélien, l’Occident collectif a furtivement constaté l’horreur de cette guerre, très vite justifiée par les massacres du 7 octobre pour prôner le droit d’Israël à se défendre. C’est-à-dire qu’il a renouvelé son soutien à l’Etat génocidaire. En revanche, il a réaffirmé sa volonté de défendre l’Ukraine jusqu’au bout, énonçant par là-même des intentions de poursuivre la guerre, loin des discours de paix attendus.
Afin de faire montre de son intérêt pour le droit international, de son humanisme et de son empathie envers les peuples victimes, Emmanuel Macron a dressé un parallèle entre les Palestiniens et les Ukrainiens. Toutefois, ce parallèle n’est qu’un marqueur supplémentaire de la politique occidentale nourrie à coups de doubles standards.
Certes, les peuples de Palestine et d’Ukraine sont les victimes de premier plan de ces deux conflits majeurs. En ce sens, on pourrait envisager de les mettre en parallèle. Mais plus que de sensibiliser au sort de ces populations en souffrance, ce parallèle est utilisé à des fins politiques afin de mettre sur un pied d’égalité Israël et la Russie, de faire de Poutine et de Netanyahou de semblables tyrans. Le sont-ils ?
Au vu des sanctions économiques internationales qui pèsent sur la Russie, des menaces d’arrestation de Poutine et l’interdiction de ses athlètes de participer aux JO sous drapeau russe, il semble que la Russie soit bien plus tyrannique qu’Israël. Car qu’est-ce qui justifierait l’accueil réservé à Netanyahou aux Etats-Unis comme en France, la chaleureuse bienvenue faite à ses athlètes aux JO, et l’envoi d’aides militaires à Israël ?
Force est surtout de constater que l’Etat génocidaire d’Israël, par-delà les discours de faux-semblants, a mérité toute l’attention des médias occidentaux.
Dans le discours dominant, le Hamas, qui représente l’autorité légitime palestinienne sur Gaza, est décrié comme une organisation terroriste, au même titre que la Russie qui a été qualifiée par le Parlement européen d’«Etat promoteur de terrorisme qui utilise des moyens terroristes». Alors même que le Hamas est, avant tout, un mouvement de libération.
En parallèle, le Parlement européen ne s’est jamais prononcé sur le terrorisme d’Etat d’Israël, quand bien même ses actions de terreur ne sont plus à démontrer. Parler de génocide à Gaza est tout simplement prohibé. En outre, il suffit de regarder le budget américain pour voir que toute l’aide militaire est dirigée à l’Ukraine et à Israël, certainement pas aux Palestiniens.
N’est-ce pas la preuve de l’absurdité et l’envers du décor de ces discours «bien-pensants» occidentaux ? Par ailleurs, l’amitié entre Zelensky et Netanyahou n’est un secret pour personne. Comment expliquer qu’un Etat victime puisse partager une amitié avec un Etat bourreau ?
On ne peut l’expliquer qu’au travers des intérêts défendus par ces deux pays. Israël comme l’Ukraine défendent l’hégémonie occidentale, l’hégémonie mondialiste. Le premier agit dans l’optique de contrôler le Moyen-Orient, une région stratégique aux nombreuses ressources naturelles. Le deuxième joue un rôle fondamental pour contenir la Russie. Les liens étroits qu’ils entretiennent avec les Etats-Unis ne font que le confirmer.
Cela permet également de comprendre pourquoi les médias dominants, zélateurs de l’hégémonie états-unienne, s’appliquent à éviter de parler des 70 ans de colonisation, qui ont conduit aux terribles événements du 7 Octobre ; et pourquoi ils omettent de rappeler les milliers de morts dans le Donbass, à partir de 2014, résultat d’opérations militaires de l’armée ukrainienne envers son propre peuple. En faisant abstraction du passé, les médias empêchent une compréhension globale de ces conflits, travaillent à la fabrique de l’ennemi, et entravent toute constitution de dialogues de paix.
Désormais, au regard du Hamas et de la Russie érigés comme des ennemis, de l’entente israélo-ukrainienne et du soutien général apporté à ces deux pays par les dirigeants occidentaux, on peut se demander s’il ne serait pas plus fondé de faire un parallèle entre l’Ukraine et Israël. En l’occurrence, cela sonne de manière tout à fait absurde. Le peuple ukrainien n’en reste pas moins la terrible victime de ce conflit avec la Russie. Mais si les intentions expansionnistes d’Israël ne font aucun doute, cela est-il aussi évident quant à la Russie ?
L’ouverture par Israël d’un nouveau front sanglant au Liban, sans parler de l’appropriation de nombreuses terres en Cisjordanie, et la destruction quasi totale de Gaza, témoignent de la volonté d’Israël de commettre un nettoyage ethnique afin de former le Grand Israël. Contrairement aux apparences, il ne s’agit en rien d’une volonté de se protéger. Israël a-t-il tenu à trouver des solutions diplomatiques ? Le dialogue ne semble pas être l’apanage de ce gouvernement qui préfère à la discussion l’ouverture de nouveaux fronts. On pourrait d’ailleurs évoquer le dernier discours de Netanyahou, lors de son passage à l’Assemblée générale de Nations unies. Au même moment où il ordonnait l’assassinat de Nasrallah, il invitait l’Occident à entrer en guerre contre l’Iran. Pourquoi s’arrêter à Gaza, à la Cisjordanie et au Liban ?
De son côté, la Russie n’a jamais exprimé son désir d’occuper l’Ukraine. L’annexion par la Russie de plusieurs régions ukrainiennes, après référendum, a été essentiellement motivée par le massacre, par le gouvernement ukrainien, de la population ukrainienne russophone. Cela n’enlève en rien l’horreur de la guerre et les souffrances du peuple ukrainien. Jour après jour, nombre de soldats sont tués sur le champ de bataille et on ne peut que faire le terrible constat d’une jeunesse décimée par plus de deux années de conflit. Pour autant, faire endosser à la Russie l’ensemble de la destruction de l’Ukraine constitue une erreur de lecture ou une mauvaise foi au regard des faits.
Depuis le début du conflit, la Russie n’a cessé de chercher le consensus afin d’éviter le conflit armé, a essentiellement visé des bases militaires, lutte contre de soldats et non des civils, contrairement à Israël. L’Occident, au-delà de rejeter tout dialogue de paix, a poussé l’Ukraine au front et donc à sa destruction. En outre, en parallèle du conflit armé, les terres ukrainiennes sont vendues à des groupes de fonds d’investissement comme BlackRock, donc rachetées par les Etats-Unis. Et cette semaine, Zelensky a appelé à la constitution d’un nouveau plan Marshall pour aider à la reconstruction du pays. Dans le silence médiatique, le pays est vendu, perd sa souveraineté, et ce sous la houlette occidentale.
Etant donné que les Etats-Unis cherchent depuis 2014 à faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN pour contenir la Russie, en armant son pays voisin, on comprend les raisons qui ont poussé la Russie à entrer en guerre pour protéger ses frontières. Dès lors, un parallèle entre l’Ukraine et Cuba fait sens. Les Etats-Unis comme la Russie, en tant que grandes puissances, ne peuvent admettre qu’un pays voisin soit militairement hostile. Mais là encore, n’oublions pas que l’embargo sur Cuba se poursuit depuis plus de 60 ans, de manière arbitraire et unilatérale. De son côté, la Russie n’a jamais réagi à l’entrée de la Pologne et des pays Baltes dans l’organisation militaire Outre-Atlantique, malgré l’accord de non-expansion de l’OTAN vers l’est de l’Europe. L’Ukraine aura été tristement la goutte d’eau qui fait déborder le vase…
Enfin, en ce qui concerne la Palestine, il semble qu’aucun parallèle ne soit possible, pas même avec le génocide de la shoah. Jamais le monde n’a vu de telles horreurs se dérouler sous ses yeux. Les images sont là, jour après jour, pour dévoiler l’ampleur des massacres. Mais rien n’y fait. Nous restons les spectateurs d’un terrible cauchemar qui nous dépouille de notre humanité.
«Ce ne sont pas seulement les enfants, c’est aussi le système de l’ONU qui meurt à Gaza» a constaté Erdogan dans son allocution à l’Assemblée générale des Nations unies. L’ONU a échoué dans sa mission. Quel crédit désormais donner aux prétendues valeurs de l’Occident ? Une refonte de l’ONU devient plus que jamais nécessaire afin de parvenir à faire appliquer le droit international partout dans le monde, de manière égalitaire et suivant des mesures contraignantes. En attendant, rouvrons la porte à la compréhension et au dialogue pour trouver les solutions diplomatiques nécessaires, seules alternatives à la paix.
J. J.
Comment (5)