Khaled, Bilal, Taliani, Faudel, Zehouania et le Maroc : qui s’y frotte s’y pique
Par Houari A. – Les tensions qui caractérisent les relations entre l’Algérie et le Maroc ont déteint sur la musique. Sur le raï plus précisément, représenté par cinq chanteurs qui ont, pour certains d’entre eux, pris la nationalité marocaine et se sont retrouvés engagés dans des considérations politiques qui dépassent de loin leur vocation artistique. Au premier rang de ces chanteurs emportés par le tourbillon de la guerre froide qui oppose les deux pays voisins, Cheb Khaled qui ne sait plus sur quel pied danser. Invité à toutes les cérémonies officielles du Trône où il fait office d’alibi pour le régime marocain qui va jusqu’à revendiquer la paternité de cette musique moderne de l’Ouest algérien née à Sidi Bel-Abbes, celui qui s’est adjugé le titre de «roi du raï» multiplie les faux pas.
Cheb Khaled, qui était adulé en Algérie jusqu’à ces dernières années, a tenté de se racheter en demandant pardon à ses fans algériens pour des propos qu’il aurait pu tenir et qui les auraient offensés, en assurant que «personne ne peut faire de la surenchère en matière de patriotisme». Cette sortie n’a fait qu’enfoncer l’interprète d’Aïcha, qui ne manque aucune occasion pour louer «sidna», titre donné par les sujets marocains au monarque en guise de sujétion.
Un autre chanteur qui avait réussi à se placer au début des années 2000, Réda Taliani, est tombé dans le même piège que son idole dont il imite jusqu’à la voix et aux gestes sur scène, le suivant dans son aventure marocaine et perdant, lui aussi, l’estime des Algériens pour avoir fait allégeance à la monarchie marocaine, déclarant publiquement sa soumission au régime de Rabat, sans que l’on comprenne les véritables raisons de cette situation kafkaïenne dans laquelle il s’est mis.
Plus récemment, c’est Faudel, Franco-Algérien admis au club grâce à Cheb Khaled et au défunt Rachid Taha auprès desquels il s’est fait une place au… soleil après le fameux concert animé par le trio en France, au début des années 2000, qui se retrouve pris dans une tempête judiciaire au Maroc qui lui a accordé la nationalité. Plus marocain qu’algérien, ce chanteur pur produit du showbiz devra s’expliquer devant le juge à Marrakech pour une sordide affaire de pension alimentaire. Porté aux nues par des millions de fans, il retombe dans l’oubli et ne fait plus parler de lui que pour un procès qui l’attend à Marrakech.
Cheba Zehouania, elle, si elle a su éviter le piège marocain, n’en demeure pas moins assise entre deux chaises, fréquemment présente au Maroc où elle anime des galas, mais sans pour autant s’engager politiquement. Sa proximité avec la chanteuse marocaine Zina Daoudia qui a refusé récemment de porter le drapeau algérien lors d’un concert animé il y a une semaine en France, lui vaut, cependant, d’être critiquée elle aussi.
Enfin, le chanteur Bilal, installé dans l’Hexagone depuis trente ans, subit ces jours-ci une attaque enragée de la part des internautes marocains pour avoir ironisé sur la nationalité marocaine, dans une réponse sarcastique à un journaliste marocain qui lui demandait s’il souhaitait être naturalisé à son tour. «Que voulez-vous que je fasse de la nationalité marocaine ?» a-t-il rétorqué. Sa réponse, pourtant vieille de huit ans, a été remise au goût du jour par les Marocains pour l’empêcher de participer à une série de festivals au Maroc dans lesquels il a l’habitude d’être présent.
H. A.
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