La géopolitique mise à nu : de Tartuffe le diplomate à Macron le justicier moral
Par Dr A. Boumezrag – Dans l’univers complexe de la géopolitique, la France semble avoir troqué son rôle de diplomate raffiné pour celui de justicier moral, à l’image de Tartuffe, le personnage de Molière qui prétend incarner la vertu tout en étant une figure d’hypocrisie pure. Un changement de cap qui pourrait laisser les observateurs perplexes : où est passée cette vieille France, maîtresse du compromis et des subtilités diplomatiques ? A la place, une nouvelle France émerge, parfois démesurément justicière, une France qui préfère brandir la moralité universelle plutôt que de jouer ses cartes avec finesse. Si cette mue pouvait être rappelée de loin, elle semble plus risquée qu’astucieuse.
Autrefois, sous les présidences successives, la France s’illustrait en diplomatie sous la forme d’un Tartuffe plus subtil, un manipulateur du compromis, maître des alliances tactiques, un acteur discret mais influent sur la scène internationale. A l’image de l’homme de Molière, la France se posait en modèle d’équilibre, notamment les écueils de l’engagement excessif et sachant naviguer dans les eaux troubles des relations internationales. Son rôle était de jouer sans s’exposer, de critiquer sans attaquer frontalement, tout en préservant ses intérêts.
Mais avec Macron, tout a changé. Il a troqué le masque du diplomate pour celui du justicier, ce qui, au premier abord, semble honorable. Pourtant, dans les coulisses de ses discours humanistes, la France semble avoir enfourché un cheval de bataille morale tout en gardant les pieds bien ancrés dans ses alliances et intérêts stratégiques. Il suffit de regarder les relations ambiguës de la France avec des régimes autoritaires – les yeux ouverts, mais les mains souvent liées par des contrats économiques ou des accords géopolitiques. N’est-ce pas là la définition même de l’hypocrisie ? Un Tartuffe des temps modernes, qui prône la morale tout en cultivant ses propres contradictions.
Si Tartuffe incarnait l’hypocrite, celui qui cache son vice derrière des discours pleins de vertus, Macron semble avoir pris le même chemin, mais avec une scène internationale comme toile de fond. Certes, il se pose en défenseur des droits humains et des motivations universelles, mais il se trouve régulièrement rattrapé par ses alliances plus que douteuses. Il est aisé de se positionner contre la dictature d’un pays, mais que dire lorsque la France fait des affaires avec des régimes similaires, ou ferme les yeux sur les crimes de guerre de ses alliés ? Macron, en se transformant en justicier mondial, semble avoir pris goût à la lumière de l’humanisme tout en masquant les ombres de ses choix diplomatiques.
Ce jeu de diplomatie par principe, à la Tartuffe, est une façade brillante qui semble offrir une moralité irréprochable, mais qui, en réalité, dissimule une action molle et incohérente. Combien de fois la France, sous Macron, a-t-elle dénoncé les injustices en public tout en continuant à défendre ses propres intérêts derrière des portes fermées ? Cette posture de justicier n’est-elle qu’un masque, celui d’un Tartuffe des temps modernes, capable de condamner la brutalité, mais incapable de faire face à la brutalité de ses propres alliances ?
La France, en cherchant à incarner un modèle de justicier, s’est perdue dans un jeu de rôles où les principes sont élevés en étendard, mais où l’action concrète tarde à suivre. Ce double jeu – d’un côté, des discours exaltés sur les valeurs universelles et, de l’autre, des relations inébranlables avec des régimes répressifs – nous fait penser à Tartuffe, ce personnage dont la vertu éclatante cachait des intentions moins nobles. Macron se pose en défenseur des opprimés tout en esquivant les combats difficiles qui nécessiteraient un véritable courage politique. L’art de la diplomatie, jadis équilibré et discret, semble céder la place à un activisme moral qui, bien qu’admirable en surface, ne fait qu’effleurer la réalité des enjeux géopolitiques.
Sous Macron, la France a choisi de briller par des positions morales et des actions spectaculaires plutôt que de traiter les véritables crises géopolitiques avec la subtilité et la prudence qu’elles exigent. Cette posture de moralité sélective rappelle celle de Tartuffe, qui se veut un homme de Dieu tout en manœuvrant dans l’ombre pour servir ses propres intérêts. Macron semble donner des leçons au monde entier sans vouloir réellement se salir les mains dans les luttes politiques qui s’imposent.
La grande question qui se pose désormais est : cette posture de justicier, cette France qui se drape dans ses principes sans jamais véritablement les incarner, peut-elle mener à quelque chose de substantiel sur la scène mondiale ? Ou bien la France, sous Macron, s’est-elle enlisée dans l’illusion de sa grandeur, à l’image d’un Tartuffe qui se veut plus vertueux qu’il ne l’est en réalité ?
La réponse semble évidente : la diplomatie de la France, comme celle de Tartuffe, est devenue une scène de théâtre où l’on joue à être moral tout en préférant la sécurité de l’inertie. La façade est belle, mais derrière se cachent des compromis et des contradictions qui dévalorisent la véritable grandeur d’une nation. Le monde attend une France capable de prendre des positions fortes, de confronter les injustices réelles et de jouer un rôle clé dans les défis contemporains, mais, au lieu de cela, nous avons un pays qui semble préférer briller dans les discours, tout en fuyant l’essence même de l’action.
La France, de Tartuffe à Macron, est désormais une nation qui se cherche : coincée entre l’illusion d’une vertu irréprochable et la réalité de ses choix diplomatiques. La grandeur d’une nation ne réside pas dans ses discours moraux, mais dans sa capacité à prendre des risques pour ses principes, même quand ceux-ci sont impopulaires. Si la France veut réellement retrouver sa place de leader moral, elle devra abandonner la pose du justicier facile et se confronter aux véritables injustices, qu’elles soient humaines ou géopolitiques.
Macron et la France doivent choisir : être un véritable acteur de la justice mondiale ou rester une version moderne de Tartuffe, un maître de l’hypocrisie, se cachant derrière la lumière de la moralité tout en entraînant les ombres des engagements difficiles.
K. B.
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