Une tribune de Julie Jauffrineau – Quand la prise de position devient une vocation
Une tribune de Julie Jauffrineau – Alors que le monde se déchire, sur fond de conflit israélo-palestinien, les stars en France adoptent des stratégies pour envoyer des courriers à l’opinion, courriers scellés du sceau du sang palestinien. Car si la nourriture, les médicaments et l’eau manquent à Gaza, le sang en revanche coule à flots, de la rivière jusqu’à la mer – ou, si l’on préfère, from the river to the sea.
Comme on le sait, les stars, anglicisme désignant les étoiles, sont censées briller dans les ténèbres, c’est-à-dire éclairer la masse de cerveaux d’invertébrés que nous sommes. Mais comment et depuis quels projecteurs nous éclairent-elles ?
Il y a tout d’abord les stars qui reproduisent le discours que l’on entend rugir de BFM TV à la Commission européenne, en passant par l’Elysée et le Crif. Elles sont nombreuses à apporter leur soutien à Israël. Dans cette catégorie, on distingue notamment quelques grands noms du cinéma franchouillard, tels que Gérard Darmon, qui s’est rendu en Israël pour féliciter les soldats de Tsahal pour leurs «prouesses», ou Michel Boujenah, pour qui les carnages quotidiens sont une lutte civilisationnelle contre des «sauvages». Pour cela, il est catégorique, même la bombe d’Hiroshima est justifiée.
Invitée régulière du Crif, celle que les médias nous ont désignée comme humoriste, Sophia Aram, fait partie de la même catégorie. Dans ses billets quotidiens sur France Inter, elle n’hésite pas à diaboliser les communautés musulmanes pour perpétuer l’impunité d’Israël. Loin d’être condamnée pour apologie du terrorisme, on l’a récompensée du Molière de l’humour et du prix de la Laïcité, s’il vous plaît !
Prendre parti pour Israël est particulièrement lucratif pour ces stars qui dansent avec la haine en pleine antenne. Même constat avec Enrico Macias, ressorti de son grenier pour appeler à «dégommer» les députés de la France Insoumise. Ces derniers ont eu le toupet de dénoncer le génocide israélien en cours à Gaza. Hélas, l’opinion publique est moins moutruche qu’on ne le croit. Cyril Hanouna en a eu la preuve avec le boycott de son émission «Touche pas à mon poste», qu’il s’est empressé d’accuser d’antisémitisme.
A contrario, il y a la catégorie des stars, disons-le, mal barrées, qui ont choisi pour boussole le droit international et l’ONU. Moins nombreuses en France et moins conviées dans les médias, on les retrouve surtout sur les réseaux sociaux. Pourtant, ce ne sont pas moins de 230 personnalités qui ont réclamé collectivement à l’Etat français de reconnaître l’Etat de Palestine. Parmi ces personnalités qui jurent par le droit international, certaines se distinguent par leur prise de parole et leurs actions. L’actrice Leïla Bekhti a lancé un appel d’urgence pour les enfants palestiniens pour l’Unicef, quittant le showbiz pour défendre des valeurs.
Mais ces stars damnées, qui contestent les crimes d’Israël et font preuve d’empathie pour la cause palestinienne, font l’objet d’intimidations. On les accuse d’avoir basculé de l’autre côté de la barrière, pour devenir antisémites, la maladie de notre époque. C’est le cas de Karim Benzema, qui a été accusé de connivence avec les Frères musulmans. Son tort ? Avoir partagé ses prières pour le peuple palestinien. «Une entorse à nos valeurs», selon l’ex-ministre français de l’Intérieur, poursuivi lui-même pour viol.
Finalement, à quoi bon défendre le droit international ? Peu de récompenses et beaucoup de soucis.
Blanche Gardin, pour sa part, a foncé dans le mur. Elle a défendu les Palestiniens. En langue vernaculaire, cela veut dire mettre sa carrière au second plan pour pouvoir se regarder dans la glace. Les massacres se sont invités dans ses sketchs, au point de nous donner à voir une humoriste censée nous faire rire, mais qui nous fait pleurer et nous fait réfléchir aussi, comme lorsqu’elle appelle au boycott de Starbucks dans l’une de ses dernières représentations.
Il y a encore une catégorie de stars : celles qui ont choisi de se taire. Ce sont les stars qu’on ne voit pas dans la nuit, les stars frileuses qui plongent dans les ténèbres comme dans un duvet de plumes d’oie au pic de l’hiver. Quelles sont les raisons de ce silence ? Peut-être une peur de compromettre sa carrière, de mettre en jeu des millions d’euros, peut-être le désir de ne pas mêler l’art à la politique. Qui ne dit rien consent, dit le proverbe. Est-ce aussi le cas de Zinedine Zidane, notre Zizou franco-algérien ? On n’accuse pas, on s’interroge…
Le 14 novembre, amputée de trois de ses héros : MBappé, Fofana et Dembélé, toujours en plein génocide à Gaza, l’équipe de France jouait contre Israël au Stade de France. Comment interpréter l’absence de ces trois joueurs sur le terrain ? Doit-on y voir un geste symbolique contre le génocide israélien à Gaza ? La question reste ouverte.
Une chose est sûre, les stars françaises qui s’expriment sur la guerre qui déchire le Moyen-Orient et le monde attirent les projecteurs sur elles. Mais alors que les voix qui apportent leur soutien à Israël ont toute l’attention médiatique, au contraire, les voix qui réclament l’autodétermination des peuples et l’application du droit international reçoivent l’attention de l’opinion publique. Il suffit d’observer les gradins du Stade de France lors de ce match France-Israël. Celui-ci était quasiment vide mais pleinement occupé par Enrico Macias, Meyer Habib, Emmanuel Macron et par nos plus admirables ex-présidents français, sans oublier les services de sécurité israéliens qui ont mis sous tutelle les services de sécurité français pour l’occasion.
Bref, certaines stars françaises ont développé leurs stratagèmes pour approuver ou condamner le génocide à Gaza, quand d’autres hibernent. Mais quelles sont les vraies stars engagées ? Il revient à chacun d’y répondre.
J. J.
Comment (16)