Pourquoi l’agrippement de Macron au pouvoir est un suicide politique
Par Dr A. Boumezrag – Le rideau est tombé. Les lumières se sont éteintes. Le public applaudit – ou du moins, c’est ce qu’il préférerait si l’acteur principal, bras écartés, regard figé dans une expression d’extase ou de confusion, n’était pas encore là, au centre de la scène, refusant obstinément d’admettre que le spectacle est terminé. Ce n’est pas la fin d’une pièce de théâtre ordinaire. Non, c’est un drame politique, avec des rebondissements improbables et des personnages plus vrais que nature. Le personnage principal ? Un Président récalcitrant, brillant dans son rôle d’acteur principal, mais déconnecté de la réalité, persistant à croire qu’il est encore la star du show.
«Pourquoi partir, alors que je peux encore diriger ?» pourrait-il penser, tout en tournant le dos aux applaudissements nerveux du public, qui en a assez de l’extase de l’acteur principal et commencer à regarder sa montre. Démissionner ? Un concept abstrait. Pourquoi céder quand on a toujours la lumière des projecteurs sur soi ? Après tout, dans le monde du pouvoir, on ne voit jamais le rideau tomber, on refuse d’accepter qu’il soit déjà tombé pour tout le monde, sauf pour celui qui s’y accroche.
C’est là qu’on touche au cœur du phénomène : l’art de ne pas partir, de se maintenir sur scène alors que tout le monde a quitté les lieux. Le spectacle n’a pas de fin, même lorsque les applaudissements se transforment en murmures et en teintes de contentement. Cette déconnexion entre l’acteur et le public est un phénomène fascinant de démocratie déraillée. Le Président, dans son rôle de principal acteur, continue de jouer, mais il le fait dans une pièce où les spectateurs ont quitté la salle depuis des lustres. Leur place est désormais occupée par des tomates virtuelles jetées à travers les réseaux sociaux, là où l’ombre d’un pouvoir déclinant ne fait plus rire personne.
On pourrait appeler cela du courage politique, n’est-ce pas ? Rester là, figé dans son rôle, même lorsque la faute hurle dans les coulisses et que la scène se vide de toute crédibilité. Après tout, qui d’autre que lui peut être le héros de cette tragédie ? Démissionner serait un moyen de faiblesse. Ce serait admettre qu’il n’a pas le contrôle, qu’il n’a pas les clefs de cette histoire. Mais est-ce vraiment avoir le contrôle quand la majorité exige que l’on parte, et que l’on se contente de détourner le regard et d’ignorer la volonté populaire ?
C’est là que le théâtre politique prend une dimension tragique. Le Président, comme un mauvais acteur, n’est plus qu’une silhouette solitaire sur une scène vide. Mais il persiste, tout à fait conscient que le public ne le suit plus, que ses alliés l’ont déserté, mais incapable de comprendre que son rôle est désormais obsolète. La démocratie est censée offrir une fin digne, mais il persiste, seul dans son monologue, refusant de voir que le public exige une nouvelle performance, un nouveau protagoniste. Il se prend pour le dernier phare dans une nuit sans fin, mais oublie que, dans la réalité, les vagues du mécontentement n’attendent qu’une chose : une fin digne de ce nom.
Les opposants s’élèvent, les manifestants battent le pavé, mais lui, il reste là, implacable, dans son dernier acte de défi. Il rejoue sans fin un rôle qui ne fait plus rire personne. L’histoire, en fin de compte, nous enseigne une leçon implacable : s’accrocher au pouvoir, c’est devenir un poids pour la République. Quand la fin du spectacle est évidente, il faut savoir quitter la scène.
Le théâtre de la politique, comme le cinéma, a ses lois. La première étant que, tôt ou tard, chaque acteur quitte la scène. Ceux qui persistent au-delà de leur légitimité finissent par se consommer sous les feux des projecteurs. La politique, comme le théâtre, fonctionne selon un timing précis. Il y a des moments où l’acteur doit partir, même si la scène semble encore éclairée. Mais l’illusion du pouvoir éternel trompe les plus orgueilleux. Ceux qui s’y accrochent trop longtemps finissent par se transformer en caricatures grotesques. Leur refus de quitter la scène devient la comédie d’un pouvoir défaillant.
La question qui se pose alors est : ce refus de quitter est-il une forme de leadership ou simplement une négation du véritable leadership ? Est-ce un acte héroïque de rester ou un acte pathétique d’orgueil qui conduit à une dégradation irréversible du pouvoir ? Un Président refusant de céder devient l’ombre de ce qu’il a été, un rôle figé, incapable d’évoluer, incapable de céder à la vérité démocratique qui crie depuis les coulisses.
La plus grande ironie dans tout cela, c’est que ce maintien est en réalité une forme de suicide politique. A force de se maintenir dans un rôle devenu ridicule, ce Président finit par s’autodétruire. Ce qui aurait pu être une sortie élégante devient un spectacle pathétique où le public n’en attend plus rien, si ce n’est l’ultime acte de démission. Le spectacle s’effondre sur lui-même et, à la fin, il n’est plus qu’un personnage en quête de signification. Mais le plus cruel dans cette pièce, c’est qu’il pense encore qu’il incarne la stabilité, alors qu’il n’est plus qu’une source d’instabilité.
Les acteurs secondaires, partis politiques, médias et citoyens, attendent avec impatience le départ de ce leader. Mais, aveuglé par sa propre lumière, il reste là, inconscient que la scène se vide, que la démocratie s’éteint lentement. Le rideau est tombé, et ce qui reste sur scène, c’est l’écho d’un pouvoir devenu obsolète. Le Président, dans son obstination, se transforme en un spectre de lui-même, une silhouette déformée par l’orgueil et l’illusion du pouvoir éternel.
Il est encore temps, bien sûr, pour ce Président de faire une sortie digne. Tout est une question de timing. Mais lui, comme un comédien raté, refuse d’accepter que la pièce soit finie. La leçon est simple : le pouvoir ne vous appartient pas éternellement. Ceux qui ne savent pas quand se retirer finissent par se brûler à la lumière qui les éclairait. La fin de l’acte doit être acceptée pour que l’histoire continue. Ce n’est pas un aveu de faiblesse, mais un acte de sagesse.
«Le véritable courage d’un leader réside non dans la prolongation de son pouvoir, mais dans la sagesse de savoir quand il est temps de se retirer et de laisser la scène à ceux qui sauront la faire briller.»
A. B.
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