Paternalisme désuet
Par Mohamed El-Maadi – La sortie médiatique du locataire de l’Elysée concernant l’affaire Boualem Sansal constitue une nouvelle manifestation de cette arrogance néocoloniale française, profondément enracinée dans les couloirs du pouvoir parisien. Emmanuel Macron, dans un élan de paternalisme déplacé dont il a le secret, s’est permis de porter un jugement sur une procédure judiciaire algérienne en cours, révélant ainsi sa conception étriquée et biaisée des relations internationales.
L’ironie est particulièrement mordante quand on observe ce président, qui ne cesse de claironner sur l’indépendance de la justice française – notamment lors des multiples affaires qui éclaboussent son propre camp – se permettre d’exercer des pressions aussi flagrantes sur le système judiciaire d’un Etat souverain. Cette ingérence grossière démontre que la France macronienne reste prisonnière de ses réflexes colonialistes, incapable de concevoir une Algérie pleinement indépendante et maîtresse de son destin.
Faut-il rappeler à ce président donneur de leçons que la magistrature algérienne, forte de plus de vingt ans d’indépendance effective, ne reçoit d’ordres ni du palais présidentiel d’El-Mouradia, ni – et encore moins – du palais de l’Elysée ? Le Parquet d’Alger, qui poursuit méthodiquement son instruction dans l’affaire Sansal, le fait sur la base d’infractions clairement codifiées par la loi, et non en réponse à une quelconque dissidence politique, comme le suggèrent insidieusement les médias français aux ordres.
Cette tentative de pression diplomatique révèle surtout l’hypocrisie flagrante d’une France qui se gargarise de grands principes tout en pratiquant une diplomatie à géométrie variable. Le silence assourdissant de Macron face à la répression systématique qui sévit au Maroc est à cet égard particulièrement éloquent. Dans ce royaume «ami», les prisons regorgent de journalistes, d’intellectuels, de blogueurs et d’activistes dont le seul crime est d’avoir osé exercer leur droit fondamental à la liberté d’expression. Mais là, étrangement, pas un mot du président français, pas une once d’indignation, pas la moindre remontrance diplomatique.
Cette complaisance sélective démasque la vraie nature de cette France qui se proclame patrie des droits de l’Homme : une puissance qui instrumentalise les valeurs humanistes au gré de ses intérêts géopolitiques et économiques. La défense des libertés fondamentales devient ainsi un simple outil de pression, activé ou désactivé selon les circonstances et les alliances du moment.
L’attitude de la France macronienne face à l’affaire Sansal n’est qu’un exemple parmi d’autres de cette diplomatie à deux vitesses qui déshonore les valeurs républicaines dont elle se réclame. Cette posture néocoloniale, loin de servir les intérêts de la France, ne fait que creuser le fossé avec des nations qui aspirent légitimement à être traitées avec respect et équité sur la scène internationale.
Il serait grand temps que le président français comprenne que l’ère où la France pouvait dicter sa loi à ses anciennes colonies est définitivement révolue. La justice algérienne, contrairement à ce que semble penser l’Elysée, n’a pas à justifier ses procédures ni à plier devant les injonctions parisiennes. Elle poursuivra son travail en toute indépendance, conformément aux lois de la République algérienne, que cela plaise ou non aux nostalgiques d’une grandeur française révolue.
Que Macron commence donc par balayer devant sa porte, qu’il s’occupe des nombreux défis qui assaillent sa propre justice, qu’il réponde aux critiques internationales sur la gestion des manifestations en France, avant de se permettre de donner des leçons de droit et de démocratie à des nations qui n’ont que faire de son paternalisme désuet.
M. E.-M.
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