Propagande militariste ou quand Macron le freluquet se prend pour Napoléon Ier
Par Khider Mesloub – Au moment où l’administration américaine, par la voix du président Trump, annonçait sa volonté de négocier un traité de paix avec la Russie pour mettre un terme à la guerre en Ukraine, Emmanuel Macron, lui, conviait, à huis clos, ce jeudi 20 février, à l’Elysée, une douzaine de représentants des partis politiques et de groupes parlementaires, y compris LFI et le Rassemblement national, dans une coalisation d’union sacrée, pour acter la volonté de la France d’opérer un revirement militariste.
Macron agite la menace de l’invasion fantasmée russe pour justifier le réarmement
A l’issue de ce Conseil de défense improvisé, le président Macron a déclaré qu’il fallait «revisiter nos choix dans ce monde qui commence». «Nous sommes en guerre quelque part», a-t-il martelé, sur un ton martial. Quelque part ou nulle part ? Pour le moment, nulle part. Mais Macron est résolu à préparer les esprits à un saut militariste, un assaut militaire. Notamment contre la Russie, ne cesse-t-il de ressasser.
Autoproclamé chef de guerre d’une armée de carton composée de majorettes tricolores, dont une partie a été chassée d’Afrique comme des migrants clandestins, Macron a, encore une fois, agité la «menace que représente la Russie pour l’Europe et pour la France».
Aussi, pour contrer cette menace russe fantasmée, d’aucuns diraient désirée avec une volupté masochiste, Macron a défendu l’idée d’«un plan de défense massif et des investissements massifs en Europe». Le mot est lâché : «investissements». Macron agite la menace de l’invasion fantasmée russe pour justifier l’investissement tous azimuts dans l’armée, plus exactement pour légitimer l’augmentation exponentielle des dépenses militaires.
Alors que la Loi de programmation militaire (LPM) actuelle alloue 413,3 milliards d’euros sur sept ans à la défense, soit 50,5 milliards dans le budget 2025, Macron envisage de dépasser les objectifs de l’OTAN de plus de 2% du PIB pour atteindre les 5% ordonnés par Donald Trump.
Pour justifier cette augmentation du budget militaire, Macron a indiqué : «Tous les pays qui sont aux avant-postes dépensent 4 ou 5% de leur produit intérieur brut, quand nous, nous sommes à 2%. Nous étions à de tels chiffres dans les années 1960-1970 et dans les années 1980. Puis, il y a eu la chute du mur et on a beaucoup moins investi sur notre défense. C’est fini, nous allons devoir réinvestir.»
Et pour assurer ce «réinvestissement» dans le réarmement de la France, Macron compte porter le pourcentage au chiffre record de 5% du PIB. Soit près de 150 milliards d’euros, trois fois plus que les dépenses militaires dans le budget 2025. «Je ne sais pas si 5% c’est le bon chiffre pour la France, mais, en tout cas, il va falloir monter», a-t-il insisté. Une manne pour l’industrie de l’armement.
Macron prépare les esprits à l’enrégimentement des jeunes
Comment Macron compte-t-il financer ces faramineuses dépenses militaires décrétées de façon discrétionnaire, à l’heure où l’hostile gouvernement macroniste, confronté à un déficit public abyssal, prône la rigueur économique, vote des budgets austéritaires, sur fond de lois sécuritaires et de politiques racistes et autoritaires ?
Pour financer ces investissements militaires, c’est-à-dire ce plan de réarmement massif, le gouvernement compte rogner sur les dépenses dans les domaines publics et sociaux. Macron a annoncé son intention de «revisiter (les) choix budgétaires et (les) priorités nationales», autrement dit, de procéder à des coupes budgétaires dans l’école, la santé, la culture et les services publics.
Macron a également évoqué l’hypothèse de mettre les travailleurs à contribution, au moyen de l’augmentation du temps de travail. Voire de mettre à contribution toute la population, notamment à travers le lancement des «produits d’épargne», c’est-à-dire d’une épargne populaire au service de l’industrie de guerre. Macron a invité «toute la nation à financer certains programmes de défense». «Chacun d’entre nous doit se demander ce qu’il peut faire pour la nation française et la République», a-t-il martelé.
Outre les travailleurs, Macron prépare également les esprits à l’enrégimentement des jeunes et à la militarisation de la société par l’instauration d’une économie de guerre.
Sans évoquer explicitement la question du rétablissement du service militaire pour accroître les effectifs de l’armée, Macron a indiqué, à destination de la jeunesse, qu’«il va falloir inventer quelque chose collectivement qui fasse consensus dans la nation, mais qui permette à notre jeunesse, à toute la nation d’être plus résistante face à ces menaces». Plus résistante ? Entendre : une jeunesse prête à se sacrifier sur les champs de bataille militaire.
Sans nous surprendre, au moment où la France s’enfonce dans le sous-développement, la tiers-mondisation, elle adopte ainsi une posture belliqueuse. La martialisation du discours diplomatique des dirigeants français constitue le pendant de la militarisation de la société française désormais soumise à la tyrannie des restrictions des libertés, à la dictature sécuritaire, tremplin à l’enrégimentement des esprits pour les préparatifs de guerre.
La classe dominante française est imprégnée par une logique de guerre
Sans conteste, dans ce nouveau contexte international marqué par le réalignement des alliances et la redistribution des cartes géopolitiques mondiales entre les principales puissances, notamment étasuniennes et russes, la France est de plus en plus clairement marginalisée, voire écartée des nouveaux pactes scellés au sein même du bloc atlantiste (AUKUS). De là s’explique, au plan international, le raidissement de sa diplomatie désormais violemment offensive pour tenter de maintenir désespérément son rang dans le concert des grandes puissances. Et, au plan intérieur, l’extrême-droitisation de ses orientations politiques foncièrement teintées de racisme décomplexé et d’agressivité islamophobe éhontée.
Depuis quelques années, plus que jamais, l’Etat français est imprégné par une logique de guerre et une guerre idéologique anti-arabe et antimusulmane. L’interventionnisme militaire constitue désormais l’occupation essentielle de l’Etat français. Pour preuve, ces dernières années, par son activisme militaire, la France a acquis le statut de pays occidental le plus interventionniste, déclassant les Etats-Unis.
A cet égard, il convient de corréler cette bellicosité de la politique extérieure française (illustrée récemment par les propos diplomatiquement attentatoires et vexatoires à l’égard de l’Algérie) à la crise systémique du capitalisme français, induite, entre autres, par l’émergence de l’Asie comme nouveau pôle de l’économie mondiale, appelé bientôt à représenter 62% du produit intérieur brut mondial.
Les gesticulations militaristes de la France interviennent dans ce contexte d’accroissement de l’hégémonie de la Chine à l’étranger, notamment en Afrique et en Asie. Cette prépondérance géostratégique chinoise s’est illustrée par l’installation de sa première base militaire à Djibouti et par l’investissement dans le développement, la gestion ou l’acquisition de ports stratégiquement positionnés.
Les postures militaristes gesticulatoires de la France visent à compenser sa faiblesse économique, sa marginalisation diplomatique. En proie à une très forte désindustrialisation (en 30 ans, 2,5 millions d’emplois industriels ont été détruits), au décrochage économique, au déclassement social de ses populations actives en voie de paupérisation, la France est réduite à tenter, vainement, de s’octroyer par la force armée fantomatique les moyens de ses ambitions d’hégémonie mondiale. Tout se passe comme si les velléités d’engagements militaires de la France constituaient l’ultime programme politique pour préserver ses positions géostratégiques, son rang de puissance mondiale désormais en déclin.
La surenchère hystérique militariste a submergé tout l’espace médiatique français
En réalité, en particulier depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la France agite, en permanence, la menace d’envoi de troupes en Ukraine pour suppléer son déclassement économique, juguler sa déliquescence politique et culturelle, dévoyer le mécontentement social de sa population fréquemment frondeuse.
Bien avant l’opération militaire russe en Ukraine, la tendance à la militarisation et à la hausse des dépenses militaires était entamée en France. De même, la rhétorique belliqueuse avait envahi la politique internationale des autorités françaises, imprégné les mentalités des dirigeants politiques et des élites culturelles et médiatiques.
Ces trois dernières années, la surenchère hystérique militariste a submergé tout l’espace médiatique français. On assiste à une outrancière militarisation de l’information. Jamais les médias français, notamment les chaînes de télévision, n’avaient été autant colonisés par une horde de généraux de plateaux télévisés, costumés et maquillés, pour mener une véritable guerre de l’information, autrement dit propager, tel un virus létal, leurs discours va-t-en-guerre, notamment contre la Russie. Ce bellicisme médiatique est une première dans les annales. Les plateaux de la télévision française sont devenus des officines d’intoxication mentale polémologique. L’écrivain Georges Bernanos, pour fustiger la France décadente de son époque, avait écrit en 1938, dans Les grands cimetières sous la lune : «La colère des imbéciles remplit le monde.». Et des dirigeants politiques et journalistes imbéciles et colériques, la France prise à la gorge en regorge. La colère de l’imbécile France bourgeoise repose sur l’amertume suscitée par son foudroyant déclin.
La politique de militarisation (et donc de la guerre) de la France est confirmée par le dernier Conseil de défense, qui aura réuni l’ensemble des partis politiques, de l’extrême gauche (LFI) à l’extrême droite (RN). Un Conseil de défense présidé par Macron, qui a des ambitions de leadership militaire de l’Europe dignes de Napoléon.
Avec le désengagement des Etats-Unis de l’Ukraine, Emmanuel Macron entend, dorénavant, jouer le rôle de gendarme de l’Europe. Il escompte surtout s’assurer des bénéfices à l’industrie française de l’armement. Une industrie historiquement liée au gouvernement. Un secteur militaire classé troisième exportateur mondial d’armes.
Avec la militarisation de l’Europe, les entreprises françaises du secteur de l’armement ambitionnent multiplier leurs ventes grâce notamment à l’augmentation substantielle du Fonds européen de défense.
Si, au cours des dernières décennies, pour justifier ses interventions militaires, la France invoquait le prétexte de la lutte contre le terrorisme, désormais, avec l’épuisement de cet alibi devenu inopérant à force d’instrumentalisation outrancière, d’autres mobiles sont allégués pour légitimer ses velléités de guerre, notamment la «menace existentielle» de la Russie.
Pour ses préparatifs de guerre de «haute intensité», selon l’expression tricolore consacrée, l’Etat français a constitué plusieurs groupes d’experts afin d’étudier toutes les éventualités. Notamment la question de l’acceptabilité par les citoyens d’un nombre élevé de morts, jamais égalé depuis la Seconde Guerre mondiale. A cet égard, les pays ciblés par cette «guerre de haute intensité» ne sont pas nommément désignés. Cependant, tous les experts s’accordent pour citer, outre la Russie, la Turquie, un pays d’Afrique du Nord. Serait-ce l’Algérie ? Par une intervention militaire française épaulée par le Maroc, aidée en arrière par Israël, nouvel allié du Makhzen en voie également de militarisation accélérée, de bellicosité déclarée.
La France n’a pas les moyens de ses ambitions militaristes gesticulatoires
Un auteur a écrit, à juste titre : «La guerre ? Un constant d’échec.» C’est le constat d’échec qu’on pourrait établir de la France délabrée, réduite à guerroyer sur les champs de guerre extérieure pour maintenir son rang au prix de la destruction de pays, au lieu d’œuvrer sur les chantiers de son économie intérieure pour bâtir son pays.
Curieusement, d’aucuns vantent le pacifisme de Macron. Or, sous sa présidence, les dépenses militaires auront augmenté de 46%, passant de 32 milliards en 2017 à plus de 50 milliards d’euros actuellement. Budget qu’il entend multiplier par trois pour atteindre les 150 milliards d’euros à l’horizon 2030. Autrement dit, une augmentation vertigineuse de quasiment 500%.
Bien éloigné du prétendu renouvellement démocratique claironné par Macron, ce dernier a imprimé une dimension militariste à son régime, par l’augmentation exponentielle du budget de l’armée, confirmant la préservation de la centralité du complexe militaro-industriel, fleuron de l’impérialisme français, et le durcissement autoritaire du pouvoir, matérialisé par la militarisation de la société, inaugurée par la répression sanglante du mouvement des Gilets jaunes, parachevée par la dictature sanitaro-sécuritaire instaurée à la faveur de l’apparition de la pandémie du Covid-19, exacerbée par ses déclarations belliqueuses à l’égard de l’Algérie et de la Russie.
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Hitler avait déclaré, en guise de justification de l’entrée en guerre de l’Allemagne étranglée par le blocus économique imposé par les «Alliés», assoiffée d’espace vital lucratif : «L’Allemagne doit exporter ou périr.»
La France, en proie au décrochage économique, qui n’a rien à exporter sinon sa technologie meurtrière et sa propension atavique interventionniste, semble renouer avec cet agenda militariste séculaire : «La France doit guerroyer ou périr.»
Mais, aujourd’hui, la France a-t-elle les moyens de ses ambitions gesticulatoires militaristes ?
Macron le freluquet se prend pour Napoléon Ier : il veut envoyer des troupes en Russie, plus exactement à ses frontières, en Ukraine, berceau de la Rous’ de Kiev, du monde russe. Pour rappel, la campagne de Russie (ou «guerre patriotique de 1812») est cette expédition militaire menée contre l’Empire russe par l’armée de l’empereur Napoléon Ier, qui s’est soldée par la déroute des troupes françaises, écrasées par les forces russes.
Tout se passe comme si la France était en guerre contre la Russie. A croire que c’est la France qui a été envahie. La peur se nourrit de l’imagination. La psychose s’empare de la population lorsque le sentiment de danger imminent n’est plus réel mais imaginaire. Le gouvernement Macron s’active ainsi à répandre une peur obsidionale. Le véritable ennemi de la bourgeoisie sénile française n’est pas la Russie mais la classe ouvrière française. L’ennemi n’est pas campé à l’extérieur mais tapi à l’intérieur.
Faute de moyens militaires pour mener une guerre à l’extérieur, le gouvernement Macron mène une guerre de propagande belliciste à l’intérieur pour ressouder la nation menacée de dislocation, convaincre les travailleurs à consentir des sacrifices économiques et sociaux, voire politiques, en s’accommodant du durcissement autoritaire, de l’ensevelissement de la démocratie, au nom de la menace imaginaire symbolisée aujourd’hui par la lointaine Russie. Et prochainement par un nouveau pays. Probablement l’Algérie, pays qu’il a déjà lamentablement pris en grippe pour dévoyer l’exaspération politique et la colère sociale des Français.
K. M.
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