Hadj Nacer : «Le système politique algérien est unique au monde»
Dans un long entretien accordé au magazine Jeune Afrique, l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj Nacer, considère que le système de gouvernance de l’Algérie est illisible. «Cinquante ans après l'indépendance, je défie quiconque de me dire où se trouve le centre du pouvoir», martèle ce spécialiste de la finance et directeur d’IMBank-International Maghreb. Pour lui, le pouvoir n’est ni l'état-major ni à la présidence. «On a affaire à un ensemble flou, ce qui est à la fois une force et une faiblesse», soutient-il. Hadj Nacer estime que le système algérien reste unique au monde, tant aucune comparaison n’est possible avec les autres. «Même dans l'ex-URSS, il n'y avait pas d'équivalent, puisque la caste a pu évoluer et se transformer en une quasi-classe sociale, avec son mode de reproduction», précise-t-il. «Au Maroc, on connaît le fonctionnement hiérarchique du Makhzen, qui organise sa propre pérennité selon des règles connues de tous. En Algérie, ni un général ni un pauvre hère ne peuvent se projeter dans le futur», souligne-t-il encore, attestant que le système se situe au-dessus même des personnes qui le font. «Chaque fois qu'un supposé maître du jeu vient à disparaître, on constate que le système ne change pas et l'on se rend compte qu'après, lui tout continue comme avant », relève-t-il. Ce docteur en sciences économiques estime que ce qui manque au système algérien, au-delà de sa capacité à se maintenir et à gérer un statu quo instable, «c'est précisément cette capacité de reproduction, donc la sauvegarde de sa base sociale». En tournant le dos aux réformes démocratiques, le système, d’après lui, a réussi la prouesse de produire lui-même son contre-système. Comment ? A travers l’école, précise-t-il. «Le début des années 1980 en Algérie a vu l'émergence d'un comportement citoyen et l'exigence d'une gestion plus transparente de la cité. La réaction du système fut d'accélérer la soumission de l'école à l'idéologie, et à l'idéologie islamique, pour encadrer la société, empêchant l'émergence de citoyens. Il a produit ainsi lui-même son contre-système avec une école qu'il a pour ainsi dire offerte à l'idéologie wahhabite », note-t-il. Selon lui, cette école doctrinale, par sa brutalité et sa négation des sujets et de leurs cultures, explique pour beaucoup la violence contre soi et contre les autres que l'on observe chez les jeunes embrigadés dès l'école».
Sonia B.
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