Y a-t-il un lien entre l’action d’El-Alia contre Nezzar et le CANVAS ?
Les médias et les réseaux sociaux se sont emparés de l’affaire de l’interpellation de l’ancien ministre de la Défense à El-Alia le jour de la commémoration de l’assassinat de Boudiaf. Mais dans le flot d’informations et de commentaires qui continuent d’alimenter la discussion, un détail semble avoir été oublié : qui sont ces jeunes bon chic bon genre qui, au vu de leur tenue vestimentaire made in, sont loin d’appartenir à une classe desservie ? Dans une interview réalisée par une journaliste française installée en Algérie, publiée par un quotidien francophone algérien en février 2011, c’est-à-dire au moment même où les révolutions arabes étaient portées au firmament, Abdou Bendjoudi, déclarait : «Voilà plusieurs semaines que nous établissons des contacts avec les jeunes d’Alger, mais aussi d’Oran, de Constantine, d’Annaba, de Kabylie, mais aussi de Paris et de Bruxelles. Nous sommes en train d’élaborer une charte autour de valeurs communes, qui sera aussi une plateforme de revendications politiques et socioculturelles.» A la question : «Quel est donc votre message ?» le fondateur du Mjic répond : «Nous avons opté pour la radicalité : nous préconisons une rupture totale avec le système en place depuis la confiscation de l’indépendance. (…) Les jeunes ont besoin d’un mouvement radical et dans ce sens, nous allons déterminer une série d’actions à mener.» A la question de savoir comment ce mouvement de jeunes, plus proche de la Jet set algéroise que de tous ces nombreux jeunes sans-le-sou en quête désespérée d’une vie décente, compte réaliser son dessein national, Abdou Bendjoudi explique : «Nous allons bien sûr travailler sur les revendications socioéconomiques, mais ce qui fait vraiment peur au régime, ce sont les revendications politiques et culturelles. Aujourd’hui, il est à l’apogée de sa force, mais l’apogée est toujours suivie d’un déclin. Il arrive et nous allons y contribuer.» Les réponses de l’apprenti révolutionnaire renvoient, en fait, directement à un document de travail élaboré par une organisation créée en Serbie pour initier l’opposition dans les pays du tiers monde aux nouvelles techniques de subversion basées sur des actions subtiles qui recourent à la manipulation et à la provocation. Les actions énumérées par le représentant de ce groupe né au moment des soulèvements dans le monde arabe sont consignés dans un document de CANVAS (Centre for applied non violent actions and strategies), intitulé Lutte non-violente en 50 points. Le document explique comment «enfermer l’adversaire dans un dilemme». On y lit : «Les actions dilemmatiques mettent votre adversaire dans une situation où sa façon de réagir, quelle qu’elle soit, aura pour lui un effet négatif. Les stratèges de la lutte non violente s’efforcent de placer leurs actions dans un cadre faisant que l’adversaire en sortira toujours perdant et leur mouvement toujours gagnant. Autrement dit, si l’adversaire réagit, il le regrettera ; s’il ne réagit pas, il le regrettera aussi.» Il apprend aux «révolutionnaires en herbe» – le président tunisien Moncef Marzouki et le Premier ministre libyen Abderrahman Al-Kib sont passés par ce centre –, comment élaborer un scénario «détaillé» de l’événement, choisir l’heure et l’endroit qui confèreront la meilleure visibilité possible à l’action et faire parvenir aux journalistes toute information nécessaire concernant l’événement. Avant cela, les initiateurs de cette formation, parrainée secrètement par des institutions américaines, expliquent que pour atteindre ces objectifs, il faut tout d’abord définir les groupes sociaux sur lesquels l’action doit influer et le message à transmettre, et savoir quel effet le message a produit sur le public «afin de préparer encore mieux de prochaines actions». L’action d’El-Alia a tout l’air de répondre à ces objectifs. Etait-ce un test grandeur nature avant d’autres téléguidées à partir de Belgrade ? Ce n’est certainement pas Abdou Bendjoudi qui répondra à cette question.
Lina S.
Comment (7)