Cecilia Malmström : «L’Europe va manquer de main d’œuvre »

Au moment où l’Europe connaît une montée d’un sentiment anti-immigré, Cecilia Malmström, commissaire européenne aux affaires intérieures, défend bec et ongles l’immigration qu’elle qualifie de «nécessaire» pour le Vieux Continent. Dans une interview publiée aujourd’hui dans le journal Le Monde, elle développe l’antithèse de la droite et de l’extrême droite françaises en attestant que «l’immigration est nécessaire pour l’Europe, étant donné notamment l'évolution de la démographie dans la plupart de nos pays». Selon ses estimations, en 2030, sans nouvelle immigration, la population européenne en âge de travailler aura diminué de 12%. «Des chefs d'entreprise me confient régulièrement leur difficulté à recruter des gens qualifiés alors même que le chômage est au plus haut», a-t-elle relevé. Elle cite l’exemple de l'Allemagne, première économie du continent, qui manque d'ingénieurs. D’après elle, d'ici 2020, le secteur européen de la santé devrait manquer de 2 millions de personnes. Le déficit, selon elle, est encore plus important en France. Elle ira jusqu’à affirmer que l’Europe n’est plus la destination privilégiée des prétendants à l’immigration, lesquels sont beaucoup plus tentés par le Canada, l’Australie, le Brésil ou encore l’Angola, selon un rapport de l’OCDE. Cela pourrait, à terme, estime la commissaire européenne des affaires intérieures, causer de grosses difficultés pour trouver la main d’œuvre en Europe. «La même OCDE montre d'ailleurs que la pression migratoire sur l'Europe s'allège. Mais, bien sûr, ce peut être un effet temporaire de la crise que nous connaissons», espère-t-elle. Elle regrette que le dossier migratoire soit manipulé par les politiques à des fins purement électoralistes et que la réalité soit cachée aux citoyens. «J'ai le sentiment, et des études le confirment, que le citoyen est souvent plus ouvert que certains politiques. Il réclame davantage d'information et il a le sentiment que certains courants manipulent la réalité. Les mêmes études confirment que l'immigration est d'ailleurs souvent un thème plus important pour les milieux politiques que pour les électeurs», soutient-elle. Elle plaide pour un véritable partage de la charge entre Européens en matière d'immigration et d'asile. Elle considère aussi que l'intégration est, dans la plupart des grandes villes, un échec et que la ghettoïsation est une réalité dont les politiques sont responsables parce qu'ils n'ont pas agi avec suffisamment de vigueur. «Je réclame aussi une meilleure utilisation de la main-d'œuvre existante», clame-t-elle. Cecilia Malmström a rencontré aujourd’hui, à Paris, Manuel Valls, nouveau ministre de l’Intérieur. Au menu, principalement, l'avenir de l'espace sans frontières de Schengen après l'approbation, par le ministre de l'Intérieur français, du principe du rétablissement des contrôles aux frontières en cas de circonstances «exceptionnelles». Elle dit fonder beaucoup d'espoir sur ce nouveau ministre socialiste pour un changement de politique migratoire et la fin de stigmatisation des populations immigrées en France. Elle se montre tout de même un peu déçue du discours de Manuels Valls au premier Conseil européen, à Luxembourg, en juin dernier, en abondant dans le même sens que les positions défendues par Claude Guéant sur la nécessité de rétablir les contrôles aux frontières.
Sonia B.
 

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