Général Khaled Nezzar : «Je vais vous dire qui est hizb frança !»
Dans la première partie d’une interview en huit épisodes accordée à la chaîne de télévision privée algérienne Ennahar TV, le général à la retraite Khaled Nezzar revient sur son enfance à Sériana, dans la wilaya de Batna. L’ancien ministre de la Défense raconte, notamment, comment son père avait été forcé à s’enrôler dans les rangs de l’armée française suite au soulèvement de Bellezma, en 1916. La puissance coloniale avait eu recours à un vil chantage, obligeant chaque famille à mobiliser un des siens sous les drapeaux en contrepartie de la libération de ses proches injustement emprisonnés. C’est ainsi que le père de Khaled Nezzar se retrouvera au milieu des bidasses durant quinze années de sa vie, préférant ne pas rempiler une fois son devoir – envers sa famille et non pas envers l’armée coloniale – accompli bien malgré lui. Sorti tôt à la retraite, il s’adonnera à plusieurs petits métiers, mais il échouera à chaque fois et finira comme ouvrier journalier à la mairie, faisant nourrir ses douze enfants grâce à un petit potager et un clapier, outre un salaire de misère. Khaled Nezzar, lui, sera inscrit à l’une des deux écoles que comptait la commune – celle réservée aux indigènes – jusqu’à ce qu’on proposât à son père de le faire inscrire à l’école des enfants de troupes de Miliana. Ce que son père fera, car n’ayant pas d’autre choix ; un choix, d’ailleurs, que le général Khaled Nezzar dit ne pas regretter, puisque son cursus lui a permis, d’abord et avant tout, de prendre conscience de l’âpre réalité du colonialisme et de mettre le savoir-faire acquis dans les écoles militaires au service de la lutte armée, par la suite. Dans cette première partie, Khaled Nezzar répond, sans fioritures et dans la langue du peuple, à ceux qui ruminent le fameux slogan de «hizb frança», accusant les descendants des «assimilationnistes» et des «intégrationnistes» d’être derrière cette propagande qui vise à diviser les Algériens : «Des personnalités politiques et des organisations influentes à l’image des Oulémas appelaient à l’assimilation et à l’intégration depuis 1931», a-t-il rappelé, accusant l’ancien Premier ministre sous Chadli, Abdelhamid Brahimi, d’être l’un des instigateurs de cette machination. Khaled Nezzar a indiqué qu’il allait aborder le parcours de ce «piètre combattant» dans les prochaines parties. Connaissant le langage tranché de l’ancien membre du Haut Comité d’Etat, il faudra s’attendre à des révélations fracassantes. Interrogé sur la promotion Lacoste qui offrait à certains Algériens des avantages pour les «préparer à prendre les rênes du pays après l’indépendance», selon le journaliste d’Ennahar TV, le général Nezzar corrige cette vision erronée en précisant que cette démarche, qui porte le nom de son initiateur, avait été lancée avant l’arrivée de De Gaulle au pouvoir et, donc, avant que la France ne songeât à une solution négociée avec le FLN pour l’indépendance de l’Algérie. «Par cette politique, qui ne concernait pas que les militaires, et qui était venue se greffer au travail des SAS et de l’action psychologique du 2e Bureau, la France visait plutôt à rester en Algérie» ad vitam ad aeternam. Le gouvernement français de l’époque voulait camoufler les différences criantes qui existaient entre les populations d’origine française et les autochtones réduits au statut d’indigènes. Khaled Nezzar revient sur sa désertion avec plusieurs autres compagnons d'armes, dont Abdelmalek Guenaïzia, l’actuel ministre délégué à la Défense. Les deux déserteurs écoperont de quinze et dix années de prison, mais ils ne seront jamais arrêtés, puisqu’ils rallieront le maquis où ils combattront dans les rangs de l’ALN à la base de l’Est, jusqu’à l’indépendance. A suivre.
Sarah S.
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