Le DG de Nedjma : «C’est le consommateur algérien qui est lésé»
Comment expliquez-vous toutes ces facilités accordées par l'ARPT à Djezzy, en dépit de ses déboires avec la justice, et faisant abstraction de toute mesure réglementaire pour le rééquilibrage du marché de la téléphonie mobile tel que vous l’avez vous-même demandé ?
Comment expliquez-vous toutes ces facilités accordées par l'ARPT à Djezzy, en dépit de ses déboires avec la justice, et faisant abstraction de toute mesure réglementaire pour le rééquilibrage du marché de la téléphonie mobile tel que vous l’avez vous-même demandé ?
On ne peut pas expliquer cela ; il n’y a rien de rationnel dans tout cela. La valeur du marché est concentrée à 55% par l'opérateur dominant, dont le chiffre d'affaires dépasse la somme des deux autres opérateurs de 20%. On constate, donc, qu’avec un investissement de 2 milliards de dollars – investissement cumulé depuis 2004 jusqu'à aujourd'hui pour les deux opérateurs –, Djezzy a généré 12 milliards de dollars de chiffre d'affaires, alors que Nedjma en a réalisé 3. Orascom Telecom Algérie a engrangé 6 milliards de dollars de bénéfices, tandis que nous avons cumulé 230 millions. Si le régulateur estime que c'est cela la meilleure façon de réguler le marché et que c'est la bonne voie à suivre pour le développement équitable du marché, alors qu'il persuade les gens de cela. On remarque qu'il y a une très forte volonté, pour des raisons qu'on ignore, de maintenir le statu quo. Je le redis, au risque de me répéter, il n'y a aucune explication rationnelle à cela. Cette façon d’agir n’arrange pas les consommateurs et décourage les investisseurs sérieux qui respectent la loi. Paradoxalement, elle favorise ceux qui ont des problèmes avec les différentes instances de l'Etat algérien. Cela se répercute négativement aussi bien sur le développement du secteur en général que sur le Trésor public.
Quelles sont les mesures réglementaires que vous avez entreprises pour que cette situation change ?
Nous avons avancé beaucoup d’arguments et soulevé un grand nombre de questions. A titre d'exemple, nous nous sommes demandés pourquoi le consommateur algérien ne peut-il garder son numéro de téléphone en changeant d'opérateur ? Pourquoi est-il interdit aux opérateurs de lancer des promotions, de baisser les prix des téléphones et des puces pour les abonnés prépayés ? A quand la licence 3G ? A toutes ces questions, s'ajoute un nouveau problème qui vient d’être posé par les trois opérateurs fournisseurs d'internet qui ont fait état de «décisions non-objectives» qui empêchent le développement d'internet en Algérie. Si ces trois opérateurs qui ont beaucoup investi, et qui œuvrent depuis plus de sept ans à développer ce marché, n'arrivent pas à équilibrer leurs finances et à aplanir leur contentieux avec l'institution de régulation, qui va développer ce marché ? Nous avons soulevé le problème et nous donnerons notre avis au cas où nous serions consultés. Le cas contraire, nous devrons subir les décisions malgré nous.
Vous venez d'évoquer la 3G. A votre avis, qu'est-ce qui retarde son lancement, quand on sait que les pays voisins sont déjà à la 4G ?
Je me joins à vous et me pose la même question. Nous sommes le premier investisseur depuis 3 ans sur le marché algérien. Nous avons investi plus de 130 millions de dollars, avec une croissance des investissements de 51% par rapport à l'année passée. Il y a un très grand investissement dédié à la modernisation des réseaux dans la perspective du lancement de la 3G et nous sommes tout à fait disposés à augmenter nos investissements dès que la 3G sera lancée officiellement. Nous sommes prêts à être un acteur sérieux de la téléphonie et de l'internet mobiles. Nous inscrivons dans la durée pour contribuer à démocratiser cette technologie.
Mobilis a, suite à un communiqué de Nedjma où il était question de «mêmes préoccupations», réfuté vos assertions. Comment expliquez-vous cette réaction ?
Je n’ai aucune explication. Nous avons dit ce que nous pensons et ce dont nous sommes convaincus. Notre position est claire : nous disons depuis 2007 qu'il faut prendre des décisions réglementaires et appropriées pour avoir une concurrence saine. Par le rééquilibrage, le consommateur sera libre de choisir l'opérateur qu’il veut tout en gardant son numéro. L'investisseur sérieux pourra investir et progresser selon ce libre choix des consommateurs. Nous n’entrerons jamais dans les manœuvres des uns et des autres s’agissant des concepts et des chiffres, lesquels ont pour but de contourner les véritables problèmes. Nous n’acceptons pas cela et nous avons réagi vis-à-vis du régulateur qui a présenté le problème d'une manière dont nous ne sommes pas d'accord.
Les trois opérateurs que vous avez cités – Anwarnet, SLC et Icosnet – ont décidé de recourir au Conseil d'Etat après la nouvelle redevance qui leur a été imposée par l'ARPT. Comptez-vous faire de même ?
Tout d'abord, je les félicite car ils se sont unis pour un objectif légitime. De deux choses l’une : soit le régulateur était en violation de la loi depuis sept ans, soit il enfreint cette loi maintenant. Dans ce cas, l'instance la plus apte à trancher sur ce sujet est, effectivement, le Conseil d'Etat. Je trouve que cette démarche est judicieuse. De notre côté, nous gardons toutes les options ouvertes pour le moment.
Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi
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