Les salafistes algériens veulent une police islamique
Les salafistes algériens veulent créer une police islamique qui serait chargée de ramener sur le bon chemin, selon leur définition, tous ceux qui s’en écarteraient. Cette information est loin d’être une blague. Elle est contenue dans une lettre adressée aux autorités du pays par une organisation qui se fait appeler «Front de la renaissance libre islamiste salafiste algérienne» et signée par un certain Abdelfattah Zeraoui Hamadache El-Djazaïri. La lettre accuse les autorités d’avoir abandonné cette fonction de police islamique et, donc, il faut y suppléer, d’autant plus que, selon les salafistes, les manifestations «contraires à la morale islamique» se multiplient. Ce que veulent les salafistes, c’est consacrer par la loi leurs pratiques illégales de tous les jours. Là où l’occasion leur est offerte par le laxisme des autorités justement et là où ils se sentent en force et impunis, ils tentent d’imposer leur loi en l’habillant de considérations religieuses qui consistent en leur interprétation de l’islam. L’Algérie est déjà passée par ce chemin à la fin des années 80 et le début des années 90, quand les islamistes patrouillaient dans les rues à la recherche des citoyens qui jouent aux cartes ou des filles ou femmes qui sortent dans la rue sans hidjab. Ils ne se contentent pas d’essayer de les convaincre par «la bonne parole» mais usent très souvent de la violence verbale et physique. Armés de gourdins et d’armes blanches, ils se sentaient autorisés, en dehors de la loi, à imposer leur morale portant ainsi atteinte aux libertés individuelles reconnues à chacun par la Constitution. Devant leur échec, même en utilisant cette violence, les salafistes sont passés directement au terrorisme en n’hésitant pas à assassiner les personnes courageuses, de toutes conditions et de tous âges, qui leur tiendraient tête. Mais, y compris avec ces méthodes barbares, les Algériens ont résisté avec l’aide de leur armée et les ont mis en échec. Voilà donc une porte détournée que les salafistes veulent utiliser pour rendre légale leur police. Un article mis sur le site d’Algeriepatriotique (21 janvier 2013) a montré comment la complaisance des autorités en Grande-Bretagne a ouvert la voie à la constitution de cette police dans les rues de Londres et d’autres villes britanniques avec comme mission : ordonner aux hommes de s'abstenir de consommer des boissons alcoolisées et aux femmes la «pudeur», décrites les unes comme des femmes sans vertu allant jusqu’à les comparant à des «animaux nus», et les autres comme «des ivrognes». Les salafistes appellent cela veiller au respect des enseignements de l'islam, «envers et contre vous». Dernièrement, nous avons fait état (article du 13 mai 2013) de la campagne lancée par une organisation estudiantine inféodée au MSP d’Abderrezak Mokri, visant à obliger les étudiantes à porter le hidjab.
Des visées qui vont au-delà des frontières
Sans surprise, le «Front pour la renaissance libre islamique algérienne» se positionne du côté radical en se solidarisant avec Ansar charia, organisation salafiste tunisienne, qui prône la désobéissance civile et cherche l’affrontement avec les forces de sécurité. Dans un communiqué, l’organisation salafiste algérienne demande au président tunisien de donner toutes les libertés aux salafistes de Tunisie, y compris donc la liberté de ne pas respecter les lois en vigueur interdisant tout rassemblement dans les espaces publics. Dans un autre document, les salafistes algériens s’adressent à Ansar charia pour leur prodiguer des conseils tactiques dans la démarche visant à imposer l’hégémonie des islamistes sur la société et à prendre le pouvoir dans le pays. Il s’agit de 13 conseils tirés de l’expérience des salafistes algériens qui consistent, notamment, à appeler à agir graduellement, à ne pas s’impatienter, faire émerger des leaders, structurer les rangs, progresser par étapes étudiées … Les salafistes algériens ont compris que la force et la violence ne paient pas, ils reviennent aux pratiques clandestines et aux formes de pression sur les comportements des citoyens. Le message aux salafistes tunisiens est signé par Hamadache Zeraoui, qui serait, selon un de nos confrères, un ancien élément du GIA qui a fait la prison à Berrouaghia. Il se recycle dans l’activité semi-légale, puisque son organisation n’est pas agréée et ne pourra l’être en vertu des dispositions qui interdisent les partis fondés sur la religion. Mais encouragés sans doute par l’arrivée des islamistes au pouvoir dans les pays voisins (Tunisie, Maroc, Egypte) et leur activisme toléré en Libye, les salafistes algériens se préparent dans l’illusion que l’Algérie est un pays à prendre. L’islamisme politique en Algérie ayant majoritairement été récupéré et recyclé dans les rouages du pouvoir et de l’administration, et occupé également à faire de juteuses affaires, une de ses franges se croyant plus intelligente veut se mettre en situation pour éventuellement capter le mécontentement social et refaire le coup de la fin des années 80 et début 90.
Kamel Moulfi
Comment (33)